Paroles et Musiques 2013 : la vie de Leprest Allain, chanteur et désormais défunt
Romain Didier, Yves Jamait (et Jean Guidoni) chantent Allain Leprest, 28 mai, salle Jeanne-d’Arc à Saint-Etienne,
Cette date à Saint-Etienne (la cinquième seulement depuis la création de ce spectacle créé en septembre dernier au Théâtre Antoine-Vitez d’Ivry-sur-Seine, sous le titre « Où vont les chevaux quand ils dorment ? ») restera dans les mémoires du trio. L’un des trois fut conduit, à l’arrivée du train, en très grande vitesse aux urgences pour y être hospitalisé. Plus de peur que de mal. N’empêche que Guidoni au lit, il a fallu réorganiser le spectacle et se partager sa part de chansons, que ni Romain Didier (encore que) ni Yves Jamait ne savaient par cœur. Etonnez-vous que le sol soit jonché de feuilles de papier, masquant habilement les feuilles de pompe disséminées de partout…
Ce n’est ni forcément un hommage à Leprest, ni un simple récital fait de son répertoire. C’est la vie d’Allain Leprest, que des enfants nous racontent comme un exercice de lecture, long récitatif aux mots élaborés sur lesquels ils butent souvent, suscitant sourires et tendresse de la part du public. De l’enfance à ce fatal 15 août où, au sortir d’une soirée entre amis, il vit le fond de la bouteille et fit de sa majesté la mort la rencontre.
Mise en scène fluide, élégante (certes remaniée en la circonstance, c’est dire le talent…) où s’enchainent des chansons sans forcément de rapport avec la narration, avec le bon ordonnancement de la biographie. Mais qui, chacune, trouvent leur place. Mec, Bilou, C’est peut-être, Y’a rien qui s’passe, Quel con a dit ?, Saint-Max, Sur les pointes, La dame du 10e, SDF, La retraite, Où vont les chevaux quand ils dorment, Arrose les fleurs, Sarment, Une valse pour rien… Un florilège, la quintessence de Leprest partagée entre deux artistes, deux complices. On connaît depuis longtemps Romain Didier dans l’interprétation de Leprest ; on ne savait pas à quel point Yves Jamait est grand interprète, qui fait cogner les mots et nous les livre plus acérés que jamais… Le récitatif est de Claude Lesmesle, qui contient de petites perles et des formules réjouissantes : « L’adjectif médiocre serait-il un dérivé du terme média ? », « Le cancer est mort, vive les concerts ! », « Chanteur à messages ? Les messages, je les laisse au facteur »… La mise en scène, épurée, utilise toutes les ressources du plateau, un plateau nu, dépouillé, sans rideau, tel qu’il n’apparait jamais à la vue du public, comme un studio où un chanteur se fait son cinoche, de Mont-Saint-Aignan à Antraigues-sur-Volane, passant par Paris : « Ivry, ivresse ; Paris, paresse ».
On connaît le terme de l’histoire, cette ballade du pendu à la François Villon. Mais tant qu’on nous chantera comme ça, on aimera se repasser le film, retrouver l’Allain dans ses élans, ses fulgurances, ses infinies tendresse, ses tricots de mots qui nous font chaud au cœur et au corps. Tant que ses vers pourront toucher les foules sentimentales que nous sommes…
« Éteignez en sortant, et ne me plaignez pas,
Plaignez plutôt celui que n’a jamais étreint
Le chagrin
Le chagrin » .
« Peut-être que dans l´temps il f´ra beau
La mort a jamais fait ses preuves
Et ce con à la météo
Qui compte pas les larmes qui pleuvent
Sur mon buvard
Chanter, chanter des fois ça m´noie l´cafard… »
et pourtant dans le monde d’autres voix lui répondent:
« Les mots s´enfuient de la bouche comme des sauvages
Dès qu´ils tombent, ils se mettent à la page
S´ils rebondissent, on les cloue d´une rature
Au pire on les gomme comme la merde d´une chaussure
Nage, petit frère, sur le trottoir
Tu coules quand il y a plus rien à boire
Tu veux oublier le calligramme de son corps
Parce que l´écriture c´est la parole des morts «
…
Pour gagner un mensonge de liberté
Je mets quelques mots de côté
Qu´ils s´envolent par petite brise
Jusqu´à vos oreilles bien assises
Arrête, mamie, de r´garder la mer
Bête à mourir sur la terre
Allez, céans, quitte cet océan
Écoute ma chanson, parole de vivant
…
« « L’adjectif médiocre serait-il un dérivé du terme média »
Content de cette formule, qui me rejoint,puisque je parle souvent de médiAcrité.
J’ai découvert le nom Allain LEPREST sur des revues de CHORUS il y a longtemps, mais assez fermé sur Ferré, Brel , Ferland et quelques autres, il m’en a fallut du temps pour que je m’intéresse à ce chanteur de ma génération ( 53/54), il était déjà disparu.
Ce fut une claque de l’entendre chanter ou se livrer en interview, vraiment j’ai plaisir à le retrouver et je dois guetter la venue « chezmoi » d’un artiste comme Jamait ou Didier qui feraient ses interprètes.
Ivry sur scène, une ville phare pour moi qui ait commencé ma carrière dans cette ville rue Galilée non loin de la seine.
Merci pour cette « revue » de qualité!