Festival Bernard-Dimey 2013 : pas si fou que ça Monsieur Chouf !
D’emblée la couleur est donnée, que l’on connaisse ou pas le nom du dernier album de Chouf, L’hôtel des fous, il est bien question d’emmener le spectateur dans un autre univers que le sien, un monde de chats huants, de sorcières, de corbeaux. En ouverture, les effets de lumières et de sons mêlés (cuivre et percussions métalliques) habillent la scène… Je lâche ma réalité, c’est décidé je pars.
Je pense sans hésiter au Vacarme de Manu Galure, le complice d’écriture de Chouf. Quand on a la chance de connaître aussi l’autre plume aux côtés de celle de Chouf, celle de Florent Gourault, auteur et chanteur des Pauvres Martins, on se dit que l’on voit s’exprimer à l’instant même, sur cette scène de Nogent, une nouvelle chanson.
Une chanson sans compromis, une chanson souvent âpre dans ce qu’elle nous dit certes, mais une chanson habillée de musiques et d’arrangements particulièrement savants. Dans l’univers sonore de Chouf la trompette de Daniel Dru est omniprésente, elle offre des solos où gravit l’émotion – par instants comme un rappel de la trompette de Gelsomina et la musique de Nino Rota dans la Strada de Fellini – les percussions et la batterie de Gaël Carigand, crient, hurlent, tempêtent, la contrebasse (et la basse) de Yohann Perret est comme un cœur qui bat. Cette musique me semble être une touche d’originalité de Chouf. On dira d’elle qu’elle navigue entre jazz, fanfare, rock… c’est vrai, mais ce n’est pas suffisant pour appréhender sa texture. L’écoute de l’album permet sans nul doute de mieux sentir ce que j’essaie maladroitement de dire. Que les musiciens veuillent bien me pardonner l’inexactitude, l’approximation…
Quant aux mots, ils méritent aussi que l’on s’y attarde. Qui aime la poésie – celle qui naquit à la fin du XIXème siècle notamment – sera particulièrement servi. L’atmosphère baudelairienne est évidente, que l’on suive le poète au fond de sa chambre à l’hôtel des fous, que l’on s’imagine porter un masque de corbeau pour s’abriter un peu contre vents et marées, que l’on assiste à la cuisine de sorcière, ou que l’on regarde la chanteuse de blues dont les yeux flottent.
Artiste ou pas, on pourrait entonner avec Chouf Aïe, aïe, aïe/ si c’est ça la vie d’artiste/ c’est pas triste, on pourrait partir pour Baïkal /où s’arrêtent les rails (un écho au Transsibérien de Blaise Cendrars ?) car on voyage peut-être pour savoir d’où l’on vient, ce qui est sûr c’est que la vie ne dit pas ici ou par là…on cherche son chemin entre deux trains. Quant au prix à payer pour nos histoires d’amour, n’est ce pas… Tu ne m’aimeras pas… pourtant dur comme fer j’y crois et je reviens vers toi…
Laissons pour la circonstance les mots de la fin à Bernard Dimey dont le superbe texte, Les enfants de Louxor, mis en musique par Manu Galure, figure au répertoire de Chouf : Quand je sens certains soirs ma vie qui s’effiloche, je tâte dans ma poche un caillou ramassé dans la Vallée des Rois […] à l’intérieur de soi, je sais qu’il faut descendre […] je suis comme un désert qu’on aurait moins fouillé…
Certes, tout semble si triste et même du côté de l’enfance avec Soldats de papier qui offre l’occasion d’un déchirant solo de trompette. Sans doute faut-il voir là l’expression de jeunes artistes éprouvés par le monde tout autour d’eux. Ce 10 mai les deux spectacles dont j’ai rédigé la chronique me paraissent se répondre.
Bernard Dimey est-il si loin de Chouf, de Manu Galure, de Forent Gourault car depuis toujours on déraille, on s’amarre, on s’accroche aux branches…Non ?
Le site de Monsieur Chouf, c’est ici. http://www.dailymotion.com/video/x541cu
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