Festival Bernard-Dimey 2013 : un dix mai dans la cave à Bernard
Vendredi 10 mai, Centre Culturel de Nogent,
Extravagante histoire que celle de ces comédiens amateurs (attention ! ne pas se méprendre sur le choix du qualificatif !… il s’agit bien de ceux qui choisissent une activité avec le cœur !), extravagante, étonnante histoire pour le moins. Se retrouver un 10 mai sous la voûte de pierres de la cave à Bernard, au sous-sol de la médiathèque Bernard-Dimey, pour rendre hommage au poète natif de Nogent, en plein coeur du festival qui porte son nom, a quelque chose qui s’apparente au rêve. L’histoire méritait qu’on en parle ici.
Tout commence par une rencontre, celle de Serge Saint-Eve, qui dans sa jeunesse découvre le disque de Bernard Dimey « Ivrogne et pourquoi pas », qui s’éprend de cet univers, de ces mots, gouaille et tendresse, de cette poésie proche d’un Gaston Coûté ou d’un Jehan Rictus, écrite au plus près du ressenti, très loin des chapelles littéraires. C’est un coup de cœur, un coup de foudre que le hasard – mais y en a-t-il vraiment ? – prolongera par d’authentiques partages.
Quelques décennies plus tard, voici donc l’ami Serge offrant à Nogent un spectacle cabaret théâtre avec deux complices, Serge Martel dont le visage encadré d’une barbe légèrement hirsute, les lunettes… et disons-le surtout un ventre en protection, rappellent étrangement la silhouette de Bernard, et Bernard Lelu, musicien de jazz, guitariste.
Le trio connaît une forme de succès dans sa région d’origine, la Bretagne, avec déjà quelques 4000 spectateurs au compteur, sera invité par l’Alliance française au Danemark et aujourd’hui, c’est – osons le mot – une consécration ! Certains jours on se dit que la vie n’est pas si mal faite ! L’aventure est chez toi, aurait dit Bernard Dimey, mais tu n’en savais rien ! Serge Saint-Eve est allé son chemin tout droit avec son rêve en bandoulière et voilà !
En deux fois trois quarts d’heure le trio évoque le talent de l’immense jongleur de mots, l’illusionniste que fut Bernard Dimey. Dans un subtil montage de textes dits, chantés, mimés, se dessine une vie faite d’ivrognerie, de partages fraternels, d’amours, de colères, une vie d’Arlequin, mais sans l’avoir voulu. Le spectacle foisonne de portraits, celui des ivrognes bien entendu, c’est un mot de misère qui ressemble à de l’or à quatre heures du matin, des imbéciles qui parlent pour que l’air se déplace, du populo plus fumier que les bourreaux, des vieillards, des pauvres – au fond la pauvreté c’est un genre qu’ils se donnent – des clochards, d’imminents et décadents représentants de l’Eglise, des militaires, bien entendu… Le trait est caustique et rappelle par plus d’un exemple l’univers des Contes et Nouvelles de Maupassant. Devant ce défilé quasi fellinien, on s’émeut souvent comme dans l’évocation de l’enfance nogentaise - c’était beau […] Bon dieu que mes 12 ans ont du mal à finir - ou celle de la destruction du quartier des Halles, malgré moi j’ai le coeur éclaté de tendresse, Ste Eustache a gagné, les diables sont partis, ou encore ce troublant hommage au silence des chiens qui lui fait dire J’aimerais que l’on m’enterre au cimetière des chiens, et bien sûr le célèbre texte Mémère où les plus anciens d’entre nous entendent en écho la voix de Michel Simon. Mais dans ce spectacle on rit franchement aussi comme avec l’incroyable récit de la crucifixion ou la naissance de Jésus, et l’on retiendra particulièrement la séquence animalière qui offre un délirant zoo remarquablement mis en scène. Le rire, ça ne fait de mal à personne.
Ne pas trop se prendre au sérieux, être seulement heureux du partage, voilà de toute évidence le propos de ces comédiens du Topel Théâtre qui servent avec brio le talent d’auteur de Bernard Dimey. Empruntons lui ses mots : Maintenant que tout le monde a la gueule triste[…] maintenant que les rires de [la] jeunesse sont frigorifiés, j’vendrais du paradis…
Dans la cave à Bernard, deux Serge et deux Bernard, avec seulement deux tables et trois chaises, une guitare et une bonne bouteille de rouge, ce vendredi 10 mai 2013, nous ont offert un petit coin de paradis.
Le Topel Théâtre : un de mes plus beaux souvenirs de l’édition 2012 du Festival Bernard Dimey !
Du rire, des larmes… les mots de Dimey interprétés de façon magistrale. Un pur moment de magie ce voyage dans la Cave à Dimey avec le Topel Théâtre. Bravo les amis…
Un coucou à la belle équipe de festivaliers et un grand merci à Albert…