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Monsieur Dylan, je vous tiens en grand honneur…

bob-dylan-6571Monsieur Dylan, ne vous froissez pas si d’aventure vous avez vent de cette délicate attention de notre Ministre de la Culture française, Aurélie Filippetti, de vous décerner un truc, un colifichet, une médaille. En fait la Légion d’honneur, un truc tout moche mais pour lequel certains tueraient père et mère pour l’obtenir. Parait qu’il n’y a pas mieux. C’est Napoléon 1er, profession dictateur, qui l’a créée, pour avoir à ses pieds ses courtisans, parce que « c’est avec des hochets que l’on mène les hommes. »

Oui, comme on donne un sucre à son chien, pareillement. Quand on pare les messieurs de cette médaille, il parait que leur queue frétille. Pour les dames, je ne sais pas.

Attention, pas n’importe quel quidam peut se voir octroyer ce machin. Non, c’est uniquement « en récompense de mérites éminents rendus à la nation. » Je ne sais pas vraiment, Monsieur Dylan, ou alors confusément, les services que vous avez rendu à la nation. Si ce n’est avoir fait exister Hugues Aufray, qui vous doit tout (savez-vous que cet ingrat dit exactement l’inverse ?) et, là, je ne vous en félicite pas. Non, je crois que votre œuvre (car, avec vous, il est vraiment question d’œuvre) a tellement irrigué la chanson de par le monde, et particulièrement en France, sans jamais la pervertir, que tout un chacun vous en est redevable.

Bon, il se trouve que le Grand chancelier de la Légion d’honneur, en quête de son heure de gloire, au mieux chipote, au pire refuse, votre candidature : vous seriez à ses yeux un mauvais élève. C’est qu’il s’est renseigné sur vous. Votre passé de pacifiste, ça passe pas. Vous auriez touché, aussi, et pas qu’un peu, à la drogue. C’est vrai que si, dans notre belle France en proie au Lepéno-Copéisme (du pur, même pas coupé), on médaille un drogué, ça fera tâche.

A la rigueur, vous chanteriez des trucs comme la plupart de vos collègues de travail, vous savez des machins sans importance, des bluettes faites pour grimper au hit parade, pour bien aseptiser les cerveaux, ne surtout point les encombrer de critiques sociales, économiques et politiques, si encore vous étiez un gentil chanteur… Mais non, on vous demandait de l’engageant, vous avez fait de l’engagé. Naguère, vous auriez même fustigé la guerre au Viet-Nam. Ce n’est pas sérieux, Monsieur Dylan.

Non, la Légion d’honneur est faite pour qui l’a dûment mérité. Un industriel qui exploite ses ouvriers, la maitresse d’un ministre, un comique vulgaire (il l’a eu, Bigard ?), un porteur de valises Paris-Genève, qui sais-je encore ? Pas un qui fout la merde.

Tiens, Mélenchon (je ne sais si vous connaissez ce rouge-là ?), il l’a pas eue ; Sylvie Vartan, si. Je ne sais pas à quel titre d’ailleurs, si ce n’est d’avoir sucé l’aqueu.

Non, franchement, si ce n’était les deux Juliette (la Gréco et la Nourredine) et quelques autres que je tiens en grande estime sans doute, je penserais volontiers que seule l’indignité vaut la Légion d’honneur.

Si l’Aurélie Filipetti veut se trouver l’occasion de papoter un instant avec vous, de vous dire son admiration, qu’elle le fasse, mais sans tambours, sans trompettes, sans faux prétexte et sans médaille. Vous méritez bien plus que cette breloque qui souvent ne sent pas bon. Vous méritez simplement la bise d’une fan devenue ministre. Et l’estime d’un tas de gens.

 

Pour la petite histoire, la Légion d’honneur a déjà fait l’objet d’un billet dans NosEnchanteurs. C’est même l’article qui, à ce jour, a eu le plus de lecteurs. Le voici.

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10 Réponses à Monsieur Dylan, je vous tiens en grand honneur…

  1. Norbert Gabriel 8 mai 2013 à 14 h 41 min

    En mai, les bourgeons éclosent, et le Kemper nouveau explose avec sa verve urticante et décomplexée. C’est de bon augure pour une saison pleine de sève chansonnesque. Ou Chansonneuse, comme sonneuse de tocsin, envoyez le carillon, et gare au torpilles… à défaut de gorille.
    Parmi les idées saugrenues qui viennent aux ministres, en voilà une assez malvenue. La Légion d’Honneur à un anti militariste, c’est un peu comme le Mérite Agricole décerné à Monsanto, un oxymore majeur.
    Toutefois, permettez cher cyranesque Kemper, que je me mêle modestement au débat, sur une pique acidulée, due à votre jeune âge : l’ancêtre peut-être vénérable que je suis, avait dans les 20 ans en 1962, et quand ce cher Hugues Aufray a fait connaître Dylan en France, en 1964, il était déjà une grosse vedette, à contre courant des déferlantes yé-yé qui ont laminé la chanson ‘à texte’. Et il l’a fait avec un répertoire qui a permis à Renaud, entre autres, d’imaginer un genre de chanson que les Johnny-Sylvie-Anthony-etc ne donnaient pas à entendre. Peut-être qu’il a mal vieilli, Hugues, et qu’il déparle parfois, ce sont des choses qui arrivent, mais en 1964, c’est parce qu’il était une grosse vedette respectée par les marchands (dollar-dollar) qu’on lui a concédé ce caprice, un album d’une sorte de voyou américain qui chantait des horreurs antimilitaristes. Et qui fumait des trucs bizarres, si ça se trouve… Dans ce contexte, on peut aussi trouver rigolo que la Légion d’Honneur soit envisagée pour un énergumène aussi peu recommandable dans la bonne société.

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  2. Danièle 8 mai 2013 à 15 h 53 min

    « Vous portez la Légion d’honneur !
    - Oui. Parce qu’elle impressionne les imbéciles. »

    Louis Jouvet dans le film Entrée des artistes (1938)
    Citations de Henri Jeanson

    Bob Dylan indigne de la légion d’honneur, mais digne du respect et de l’admiration de beaucoup. Eh bien j’espère que, finalement, cette décoration lui sera offerte, d’une part parce que ce serait un pied-de-nez à la cohorte des gens de la « bonne société » qui l’ont eue, et afin qu’il ait le plaisir de la refuser !

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  3. Michel Kemper 8 mai 2013 à 16 h 05 min

    Cher Norbert « Peter » Gabriel,
    Vous avez mille fois raisons mais, c’est ma faiblesse, il faut que j’exerce, parfois, ma hargne sur quelques chanteurs en particulier, que je m’aiguise les dents. En ce domaine, Hugues Aufray me plait beaucoup. Si je ne rechigne pas, de temps à autres, à poser un de ses disques sur la platine (chacun à ses faiblesses), je dois avouer ma parfaite détestation du bonhomme. J’ai déjà eu l’honneur (est-ce vraiment le mot ?) de m’entretenir avec lui et j’en garde pour toujours un certain dégoût. Tiens, pire que Copé, pire que Le Pen, des propos en tous points nauséabonds et une prétention absolue. Donc, surtout à l’occasion d’un billet d’humeur, il ne faut pas me demander beaucoup d’objectivité. Je crois effectivement qu’Hugues a beaucoup vieilli et porte bien mal son nom.

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  4. Soleille 8 mai 2013 à 19 h 03 min

    Merci Norbert de tempérer les humeurs de Michel qui parfois se laisse emporter par ses passions. Je me suis quelquefois laissé influencer par ses coups de gueule contre les Inrock, les Victoires de la Musique…pour m’apercevoir après qu’il n’était pas complètement objectif, sans doute parce qu’il est passionné, et des critiques trop acerbes peuvent passer pour de la jalousie… Comme il le dit lui-même, il n’y a pas tellement d’endroits où l’on défend la chanson française, alors unissons nous tous pour le faire, et continuez à nous enchanter avec vos coups de coeur qui m’ont fait découvrir tant d’excellents artistes. Merci encore à tous.

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  5. Maynard Olivier 9 mai 2013 à 11 h 23 min

    C’est le rôle du critique, du polémiste, de parfois forcer le trait, comme une caricature, comme un acteur qui parle plus fort pour être entendu même au fond de la salle. C’est vrai que NosEnchanteurs avait délaissé le genre depuis quelques temps et ça nous manquait. Mais rien dans les propos de monsieur Kemper ne me semble exagéré, même si parfois les termes sont crus, ce qu’il me semble bien aimer. On peut effectivement contester, sans doute avec raison, comme le fait monsieur Gabriel sur qui est né en premier, la poule ou l’œuf, Bob Dylan ou Hugues Aufray. Mais pas forcément l’appréciation de monsieur Kemper quand il parle d’Aufray : il suffit pour ça d’avoir lu un jour une interview de ce chanteur pour être convaincu de certaines choses.
    Quant aux Inrocks, il suffit de feuilleter cet hebdo pour approuver sans réserve les propos de monsieur Kemper : ce n’est pas de la caricature, c’est de l’observation, de la restitution.

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  6. PhilKirl 9 mai 2013 à 15 h 13 min

    Pas mal Michel…. Et les comms sont excellents aussi :-) A propos des Inrocks, il faudra voir l’évolution..ce journal etait remarquable dans sa période fanzine à ses débuts dans les 80′s.. il se consacrait uniquement et trés sobrement aux entretiens d’artistes (avec des photos soignées )…! J’ai entendu bien plus tard et en privé Fredéric Bonnaud qui vient d’en prendre la direction aprés y avoir eté plusieurs années journaliste ciné s’en gausser, en le qualifiant en rigolant de quelque chose du style « petit journal pour ados »…Times are changin’ :-)

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  7. PhilKirl 9 mai 2013 à 15 h 24 min

    A part ça, que fait réellement Aurélie pour la Chanson et les artistes ? Z’avez une idée ? Et des propositions ? Déja supprimer l’attribution à TF1 puisqu’ils n’ont jamais respecté le cahier de charges qui leur a donné naissance… Et Fred Hidalgo, il l’a eu lui la médaille ? En plus il y a une rente mensuelle attribuée avec je crois… Quand on pense que Mick Jagger a été fait Lord de la main de la reine d’Angleterre, ces trucs sont surtout à l’image de l’époque : une forme désuette de reconnaissance fiscalo-économique..!

    Réponse : La médaille des arts et lettres pour Fred et Mauricette Hidalgo http://planetefrancophone.fr/portraits/fred-et-mauricette-hidalgo-un-destin-commun-au-service-de-la-chanson-francophone/ Quant à l’Aurélie, au bout d’un an, je ne l’ai toujours pas entendue parler chanson…MK

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  8. PhilKirl 9 mai 2013 à 16 h 48 min

    Ok !Merci et Merci pour eux !
    Tout à fait d’accord avec le petit texte de JJGoldmann , la disparition de Chorus laisse néanmoins un parfum de malaise car c’etait une réference, même plus : une mémoire… et un journal aussi important, aussi dense n’aurait jamais du disparaitre car sans vouloir lacher les grands mots , Chorus tenait un rôle concret et vivant qui touche à l’identité culturelle du pays réel ( qui part à veau l’eau sous l’effet de ce que l’on sait..) et au patrimoine…et qu’aucune institution ne fait à sa place alors que pour les plasticiens par exemple il y a les Frac, les catalogues d’exposition etc … Sans Chorus et ses articles je n’aurais pas pris conscience de l’importance que revêt la Chanson et le spectacle, même pour moi mais aussi à un niveau collectif et ce qu’on est train de perdre si on s’accroche pas mordicus à une belle et saine idée de la culture…

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  9. PhilKirl 9 mai 2013 à 16 h 54 min

    Lire « spectacle vivant », non-spectaculaire….et par « saine idée de la culture » lire « saine éthique » permettant et régissant la diffusion culturelle et celle de la parole et
    des idées ….:-)

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  10. Danièle Sala 15 novembre 2013 à 11 h 17 min

    « Mieux que quiconque, vous incarnez, aux yeux de la France, cette force subversive de la culture qui peut changer les gens et le monde », a déclaré Aurélie Filippetti en remettant les insignes de chevalier de la Légion d’honneur au légendaire chanteur américain, né Robert Zimmerman voici 72 ans (le 24 mai 1941 à Duluth).  » La légion d’honneur deviendrait-elle subversive ?

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