Philippe Séranne : de lui ou de nous, qui est le plus fou ?
Le livret collé au digipack est lourd, gorgé de mots, ivre de vers, tant ses chansons ont à dire. Plein de dessins aussi, aux pastels gras, qui font presque bédé sinon livre de jeunesse, presque gamin donc, sympas et familiers. Revoici Séranne, notre Saltimbanque mondialisé (chanson titre du précédent album, qu’il reprend sur celui-ci) qui, du haut de ses déjà Hautes-Alpes, vient à nouveau nous tirer de notre torpeur, semant de belles notes entortillées de mots dans notre conscience : « J’ai vu trop grave / A m’en forcer la plume / J’ai vu trop beau / A m’envahir le piano. » Philippe Séranne a la plume diablement baladeuse, toujours en chemin, à survoler les continents à récolter dans son herbier les essences les plus rares, les sentiments les plus doux, à faire récoltes de sagesse : « J’ai pour racine le monde entier. »
L’oeuvre de Séranne est à la fois intemporelle et tout à fait en prise avec les temps présent, presque engluée dans ce monde sans issue, révolution par l’impasse et faillite équitable : « Abattons les forêts bouffons tous les poissons / Baffrons-nous comme des gorets jusqu’au dernier sillon / Nos bagnoles impures de sang noir de la Terre / Leurs égouts de carbure en pleine stratosphère. » Séranne est militant avec sa part d’utopie, insoumis et plein de colères. Il lève les vers en une partition originale comme on soulèverait les foules. Ça fait un peu pièce radiophonique, un rien symphonique, parfois à peine chanson, avec des pièces surprenantes, parfois incongrues. Mais rien n’est surprenant, pas même la harpe celtique, en ces plages étonnantes. Avec rien que des mots tirés au bon sens, une philosophie qui place l’être au centre, une élévation spirituelle. La somme de ses vers, de ses chansons, fait comme programme politique idéal (écoutez J’attends ce jour qui aiguise, affine et embellie votre bulletin de vote), non forcément la synthèse de ceux actuellement sur le marché électoral, mais comme celui que l’homme intègre se doit de mettre en place pour sauver ce monde et ses habitants. Je suis le fou est une rêverie les yeux ouverts, ouverts sur ce monde. Et le fou celui qui l’est sans doute le moins, fait de bon sens, de vérité.
C’est au poète qu’échoit ce rôle, à Séranne ici accompagné d’une fière et belle équipe de musiciens, de choristes, d’une fanfare même, joyeuse armada d’une bien noble mission.
On (re)lira l’article d’Agnès André, reportage in vivo sur l’enregistrement de cet album. C’est ici.
Philippe Séranne, Je suis le fou, Pom pomme prod (2012) Le site de Philippe Séranne, c’est là. http://www.dailymotion.com/video/xwtbkq
Une poésie qui n’a d’égal que son humanisme !!! et beaucoup de neuf dans les arrangements musicaux !