Benjamin Paulin, qui vînt du rap
Benjamin Paulin, Lycée Jean-de-la-Fontaine à Château-Thierry,
« J’suis l’homme moderne élevé aux plateaux télé / Génération micro-ondes et plats surgelés / Collectionneur d’objets sans utilité / Nostalgique d’un passé qui n’a jamais existé / J’suis l’homme high-tech, discothèque, internet / Pas de bibliothèque comme en avaient mes ancêtres / Ou peut-être pour la décoration du living / Avec d’authentiques objets d’art fabriqués en usine… » : juré que le premier titre est impressionnant ! Une première chanson est, en concert, une chanson perdue. Qu’on n’écoute pas, ou peu. Car on découvre le chanteur, on le scrute tant et tant qu’on en perd le fil de ce qu’il chante. Là non. Le titre s’étire bien au-delà d’un format convenu, autoportrait effrayant mais où tout sonne vrai, miroir qui est aussi le nôtre, reflet de nos vies, de notre condition : à un moment donné, on ne peut que s’y retrouver. C’est bien écrit, bien amené : c’est du rap et ce fut le passé de Paulin. Excellent, dis-je ! Le reste moins. Benjamin Paulin a fait le grand écart, a quitté la case « rap » pour celle, plus facile en apparence, de la « variété », tendance Etienne Daho / Marc Lavoine (le « Si les fleurs marchent plus / Dites-le avec des flingues » de Paulin nous renvoie-t-il au « Elle a les yeux revolvers » ?). Avec une voix qui emprunte souvent à celle de Michel Delpech, parfois de Francis Cabrel. C’est efficace, oui, très dans l’air du temps, promis au succès radiophonique, d’un sentimentalisme volontairement froid, de ces refrains qui se mémorisent facilement (essayez-donc avec le rap !) et se reprennent on ne sait pourquoi. Par relâchement ? « Je vais m’envoler / M’envoler dans le noir / J’ai tellement volé / Au-dessus du désespoir… » On peut comprendre que son ancien public crie à la trahison. « Est-ce que je marche vers la gloire en courant à ma perte ? » chante-t-il d’ailleurs avec grande lucidité. Ceci dit, ce n’est pas mauvais, loin s’en faut : simplement un peu aseptisé. Là, ce soir, sur la scène castelthéodoricienne du Lycée La Fontaine, Benjamin Paulin est à la tâche : à chanter certes, à bidouiller aussi ses machines électroniques qui le cernent de toutes parts, lui et son compère aux claviers. D’autant plus que, va-t-on savoir pourquoi, le son n’est pas bon, limite désagréable. Pas d’apartés entre les titres : on enchaîne. Ce n’est pas que Paulin soit plus distant que cela, simplement il chante. Il prouvera après son set son irrésistible sympathie en se prêtant au jeu de l’interview lycéenne comme au cliché de groupe (l’artiste et les élèves) que souhaite le photographe présent des Inrocks (un hebdo culturo-bobo qui, à chaque numéro, étrille la chanson pourvu qu’elle soit d’expression française…). Les lycéens le titilleront gentiment sur le pourquoi d’avoir préféré la chanson au rap. Question mille fois entendue, autant de fois répondue : il en sourit Paulin…
Le site de Benjamin Paulin c’est ici.
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