Belle de Jur
Jur, 14 février, Le 104, Paris,
D’abord le souffle de flacons de shampoing qui expirent sous ses doigts et qu’elle sample… Singulière entrée en matière pour étonnante artiste qui n’entre dans le domaine chanson qu’au chausse-pied. Jur (prononcez « jour » ; son vrai nom c’est… Georgina Domingo Escofet) est grande de taille, filiforme, un peu Birkin dans la silhouette (comme Jane elle maîtrise son accent à souhait, ce qui n’est pas rien dans son aura, dans son charme), dégingandée, ci-devant vêtue d’une longue robe pourpre dont elle se joue, en un érotisme qui n’est pas sans lien avec la fascination qu’elle peut susciter, au moins chez son public masculin. La belle chante bilingue. En catalan et d’intuition on se dit que les textes sont construits. En français et c’est pour le moins minimaliste, rudimentaire. D’un fil d’argument, elle fait (parfois, pas toujours) un monument d’interprétation, sombrant en d’inénarrables folies où sa voix et son corps battent la chamade. Son corps dont postures et impostures défient parfois l’entendement, comme soumis à tous les vents. Ne tentez pas d’accoler un style précis à Jur ou vous le chercherez encore : tango et flamenco, rock et blues… Jur est allumette qui fait feux de tous bois, dramaturgie de son corps et de son âme qui emprunte à ce qu’elle est, femme de cirque en totale exhibition, désinhibée, sans limite. Sans être un cri, sa voix est longue et onctueuse mélopée d’une presque diva qui chemine sa déraison. Il y a des moments superbes, d’autres tellement incongrus qu’ils tombent à plat, comme ce musicien symphonisant avec ses mâchoires, ses dents, en dedans. Comme ce lancé de pull (on attend bien plus…) en direction de la salle par lequel elle fait d’emblée copain-copain avec le public. Comme cette fin insolite où elle planche, toute raide, entre deux tréteaux puis se fait ensevelir par ses comparses d’instruments et accessoires de scènes… Hors ça, Jur, toute grande perche qu’elle est, vous la tend souvent, en un rapport à la scène jusqu’ici inconnu, en d’autres codes partagés avec ses complices, musiciens tout aussi éthérés et démoniaques qu’elle. Ça désoriente, ça déboussole, ça fait du bien. On en ressort tout coi, tout chose, satisfait ou non, de toute façon interpellé par cette chanteuse pas pareille. De là à désormais ne jurer que par Jur, y’aurait parjure…
« ça désoriente, ça déboussole » …Oh oui ! Comme je l’avais écrit aussi à ma façon …Intéressant de rapprocher nos plumes … sur un même artiste ou groupe !…N’est ce pas , Michel ?
http://www.nosenchanteurs.eu/index.php/2012/04/22/jur-nous-fait-son-cirque-jure/
Ah, ça peut donner des ressemblances, des dissemblances aussi. Mais, oui, c’est intéressant ces lectures et plumes différentes. N’est-il pas, Claude ?
Vraie découverte….une Loizeau fragile, un peu barrée…De l’art plein les ailes…