Christopher Murray at home
Souvenir d’une soirée de novembre au Chok-théâtre, à Saint-Etienne,
La dernière fois qu’il s’y était produit, c’était avec son fameux trio. Mais le cycle est achevé et le trio s’est dispersé. Il y est de nouveau ce soir et c’est comme soirée de gala. A force de se produire sur la scène du Chok-théâtre, il s’en est fait comme un autre chez-lui, là où convergent public et amis. Surtout ce soir-là où, à Saint-Etienne même, il présente son nouvel album, D’un océan à l’autre, avec, grand luxe, le renfort de tous ceux qui, peu ou prou, y ont participé. Et celui de tous ses amis, tant que pour le public ce n’est que chaleureuses retrouvailles. Il n’y manquerait bien que les programmateurs… mais ne chipotons pas, ne gâchons pas une telle soirée.
L’album est tout beau tout frais, qui sent fort l’encre d’imprimerie. Qu’une partie du public de ce soir ne saît pas encore. Autour du bar on devise, supputant le concert à venir, dont les initiés disent qu’il recèlera de (belles) surprises. La porte s’ouvre, le hall se vide, la salle se remplit. « Encore ce rêve étrange / Photo qui se déclenche / Aux frontières de ma nuit / Dans la poussière orange / Leur danse se mélange / Aux odeurs et aux bruits. » Murray est là, flanqué de son acolyte François Gonnet aux guitares. Premières notes, premier chant. Et de suite le prime invité, ce Gil Chovet qu’on connaît comme chanteur pour jeune public et qui, soigneusement, taît son œuvre adulte. Lui se fend d’une nouvelle fable à coups de vers et de verres : « Jeannot de la Fontaine / Je n’boirai pas de ton eau / Mon ami à la tienne j’vais finir en solo. » Toute la soirée, défileront sur scène les acteurs de ce nouvel album. Sauf quelques musiciens, Lalo et Bruno Ruiz, absents. Sauf François Villon, pendu ailleurs sans doute. Tous, même ce quatuor baroque impromptu (Mariette Wilson, Claudine Morel, Pierre-Yves Grange et Philippe Foray) irrésistible qui se fait insolite chantre du libéralisme : « Oui, c’est la Croissance / Qui rétablira l’emploi / Si la Bourse se maintient / Nous pouvons espérer / Ne point délocaliser / Oh, reviens Croissance / Notre espérance est en Toi. » Hilarant. Ecrit comme ça, la typographie est Capitale ; chanté ainsi, c’est l’intonation, le sérieux, la religiosité du moment, hors du temps, hors du tout… Eux reviendront pour un Si tu n’es pas boursicotable de la même veine… Baroque et rock à la fois, l’expression est facile mais bien venue : l’horizon musical de Christopher Murray est ce grand écart permanent. Aussi vrai que son inspiration va d’un océan l’autre. Murray aime à toucher des rives différentes, opposées. Avec toujours la même grâce, même si le début de ce concert le voyait tendu, bouffé de trac, pas à l’aise dans ses pompes.
Tous là, ou presque. Ainsi Jacques Tribuani, qui a composé une partie de l’instrumental-titre de l’album : lui est là ce soir pour reprendre Le luneux, ce traditionnel joliment popularisé jadis par Marie de Malicorne. Ainsi Fred Giroudon pour Rue Désiré, artère stéphanoise qu’il a connu, avec le renfort de Tom Murray (le fiston) au djembé… Ainsi, ainsi… la soirée n’est qu’invités qui, tous, viennent abonder au chant du Murray, qui « marche mon chemin d’homme », faisant de ce moment un état de grâce, un concert forcément d’exception.
Ce sont les lieux de théâtre (le Chok, le Théâtre libre) qui, pour l’heure, sauvent la chanson sur la place stéphanoise. Richement dotée de salles nouvelles qui ne sont pas faites pour cet art, la ville de Saint-Etienne s’appauvrit chaque jour plus encore en ce domaine. Gloire au Chok de faire un peu de place aux chanteurs et de reconnaître pour grand le sieur Murray. Il l’est.
Le site de Christopher Murray, c’est ici. On lira la chronique discographique de Francis Panigada là.
Ah oui ! Christopher Murray , je me souviens de lui … » Géométrique ». Un poète d’aujourd’hui, avec la (belle) musique en plus . Il faut que je fasse ce voyage, » D’un océan à l’autre » .
« Deux parallèles s’aimaient d’un amour platonique
Elles étaient la risée en ces temps révolus
Où la géométrie plane, mais tyrannique
Régissait des figures aux moeurs bien dissolues… »
Je serais curieux de savoir où vous m’avez entendu chanter ce texte de Jean-Claude Mourlevat.