Histoires de (hi hi) tunes…

Je retrouve par hasard ce billet, jadis publié dans « L’Oreillette » en novembre 2006. Comme rien à vraiment changé, on peut le relire tel quel…

Thomas Fersen, de l’alternatif ? Affirmatif !

Je ne sais comment fonctionne i-tunes mais reste qu’il m’épate. Il connaît presque tous les cédés que je lui donne à lire. A l’exception, bien sûr, des maquettes et de la plupart des autoproduits. Mais il en connaît un rayon tout de même. Et me donne sans sourciller le nom de l’artiste, celui de l’album, les titres, la durée… Et le genre. Bon, c’est là où ça déconne : on dirait un vendeur de disques chez Auchan ou chez l’autre, l’agitateur depuis 1954. On dirait un programmateur radio, un de chez RTL ? de Skyrock, d’NRJ ou de la plupart de celles qu’un temps on a osé dire « libres », libres de nous ruiner les oreilles. Des incultes ! Sur i-tunes, y’a peu d’étiquettes mais faut obligatoirement en coller une dans la colonne « genre ». Tenez, je mets le premier Cali (L’amour parfait) dans l’ordi : ça me dit que c’est du rock ; je mets le second (Menteur) : ça me dit que c’est du folk. Pour i-tunes, Claire Dit-Terzi fait dans l’alternative. Et Bénabar dans la pop, alors que le chanteur de Maritie et Gilbert Carpentier ne fait que dans le pop… ulaire. Entre 2 Caisses, Georges Chelon, Anne Sylvestre, Jane Birkin ou Da Silva sont à ranger, eux, dans la world, gigantesque catégorie fourre-tout (je n’ose parler, pour ces artistes-là, de catégorie poubelle).

Gotan project est estampillé « électronique », Henri Salvador (pour son Ma chère et tendre) est rangé dans le jazz, Thomas Fersen dans l’alternative (pour Pavillon des fous), le Joker de Clarika est pop, comme Brassens, tant pour ses chansons de jeunesse que pour le reste ! Dans mon petit test, seule Annabel est reconnue pour ce qu’elle est : country. Ça rassure ! Nicolas Jules, s’il est reconnu, n’est pas du tout étiqueté. Inclassable, ça reste la classe…

On peut multiplier les exemples à l’infini, c’est pareil pour tous. On en rirait que ce n’était à l’unisson du mépris et de la méconnaissance de la chanson, de la musique en général. Je ne sais pas qui donne de telles indications à monsieur i-tunes. Un ordinateur, peut-être. Peut-être le même d’ailleurs que celui qui instruit et forme les nouveaux programmateurs de France-Inter, radio du service public, esprits étroits dans des corps flasques, qui méprisent tout un large pan de la chanson française pour ne plus développer que d’intéressants « partenariats » (à tunes ?) sur un échantillon réduit baptisé « nouvelle scène ».

Peut-être cet ordinateur siège-t-il au Ministère de la culture et que le jeu en vogue est de ne surtout pas dire le mot « chanson », de ne pas reconnaître celle-ci, d’en faire silence ? Après avoir privé la chanson de toutes traces de subventions, de toutes tunes, de toutes salles, on veut être parachever l’œuvre en massacrant le corps du délit, en effaçant toute trace de cette chanson honnie ? Ils font quoi, déjà, les Jacques Brel, Barbara, Henri Tachan, Barbara ou Serge Reggiani ? De la « world » pour i-tunes. Et sans aucun doute de la chansonnette pour nos dirigeants, un truc forcément pas important qu’on peut à loisir dégraisser de toutes aides publiques.