Michel Bühler, le journalisme fait chanson
Bühler est immuable et chacun de ses disques n’est pas un nouvel album mais la suite du précédent. Non qu’il ne ferait éternellement qu’une seule et même chanson, sans cesse répétée, mais le monde est ainsi fait que rien ne bouge, qu’au pire tout empire. Il échoit aux artistes (ne réveillez pas ceux qui se sont endormis) de dénoncer le monde. Et de nous donner grand renfort de tendresse comme on le ferait d’un baume pour nos cœurs meurtris, nos corps endoloris. Ça, c’est tout Bühler !
« Ce jour-là on avait rencard / Pour filer un coup d’ pied au cul / A ce vieux monde et aux tocards / Qu’en profitent et qui l’ manipulent. » Depuis longtemps notre suisse sans peur et sans reproche fait chronique de ce qui se vit en France, où il vit aussi : souffrance des licenciés, des laissés pour compte de la mondialisation. A la manière d’un colporteur de chansons de jadis, flanqué de sa guitare, il s’en va narrer nos luttes et nos espoirs, nos défaites aussi : « Même si le correct se nomme indifférence / Même s’ils parlent fort ceux qui baissent les bras / Je me bats. » Si la chanson est une des plus belles créations de l’Homme, si elle sert non à les endormir mais à les faire se tenir debout, à transmettre l’Histoire, à encourager les luttes et le progrès social, alors Bühler est pièce importante, fondamentale même. Si elle sert aussi à la tendresse et à l’amour de son prochain, à la compassion, à la solidarité, Bühler est modeste oriflamme de cette chanson. Avec ce qu’il faut d’humour et d’ironie (écoutez Cher Monsieur, ce duo assez irrésistible entre lui et Bel Hubert…). Avec comme toujours ces portraits d’hommes, comme la suite d’une galerie d’humanité et de souffrances, d’espoirs… « On a appris au long du temps / A recevoir bonne fortune / Puis mauvaise pareillement. »
Le temps d’écrire une chanson, le temps de l’enregistrer et une chanson d’actualité est souvent caduque, dépassée par les événements. Pas Tunis 2011 (« La peur a changé de camp /L’impossible est arrivé »), affaire en cours ; encore moins Actualités 2012, qui est allée aussi vite que sa musique : « L’avenir qui s’avance / A gueule triste et grise / C’est la faute à pas d’ chance / A l’époque à la crise / Les socialos confirment / Qu’on l’aura jusqu’à l’os / Sauf qu’eux, la vaseline / Ils la fil’ront gratos… » Michel Bühler est le fidèle chroniquer de nos temps présent, de l’actualité d’un monde fou qui se précipite je ne sais où et file un coton, bon parfois mauvais souvent. Il est le journalisme fait chanson, même si ces papiers ne sortiront jamais dans Le Nouvel économiste ou dans les colonnes du Figaro.
Michel Bühler, Et voilà !, 2012, autoproduit, distribution France EPM, Suisse Disques office. Le site de Michel Bühler, c’est là.
Pas de vidéos correspondantes à ce nouvel album. On se rattrape par cette chanson elle aussi en plein dans l’actualité, qui l’est depuis pas mal de temps et le restera : « En Palestine ».
Michel Bühler chantera vendredi soir 21H au Magique où il dédicacera son dernier CD, absolument superbe, et nous sommes fiers et heureux de le recevoir http://www.aumagique.com