La « libido ordinaire » de Vitor Hublot
Le « scandale Brassens » dont NosEnchanteurs fut, semble-t-il, pas tout à fait étranger à l’heureux dénouement (1) a semble-t-il donné des ailes à Vitor Hublot, a dopé sa productivité. Le fallait-il ? Non, répondront les amateurs de chanson de bon goût, estampillée NF, déplorant qu’on s’acharne ainsi sur des monuments du patrimoine qu’on lacère, qu’on détourne, à qui Vitor Hublot fait subir les pires outrages. D’autant plus que ce nouvel album, au délicat visuel, nous conte la libido ordinaire, en prélevant quelques perles à not’ chanson : Boum de Trenet, J’aime regarder les filles de Coutin, Fais-moi mal Johnny de Vian, Tous les garçons et les filles de l’osée Hardy, Elle m’oublie de Barbelivien ou encore La complainte des filles de joie du père Brassens, déjà célébré par ces fous belges.
Vitor Hublot, c’est Guy Clerbois, un tritureur de chansons comme, par bonheur, il en existe peu. Selon son humeur, il s’entoure de copains. Là, il a confié le micro à Jacques Duvall et à Isabelle Wery, very good ! Lui se réservant les manettes dans son laboratoire de savant fou, un rien destroy. On peut gloser à loisir sur Vitor Hublot, le mieux étant sans doute de donner la parole à Duvall lui-même, à nouveau embarqué dans l’aventure Hublot : « Vitor Hublot est un déséquilibré mental. Toute le monde sait ça. En tous cas moi, je le savais. Et pourtant je n’ai rien fait pour empêcher que le drame se produise. J’ai vu le monstre s’emparer sans ménagement d’oeuvres de Georges Brassens, Jil Caplan, Patrick Coutin, Raphaël Elig, Johnny Hallyday, François Hardy, Lio, Charles Trenet, Pierre Vassiliu, Boris Vian, Jean Yanne et les emmener dans son laboratoire de savant fou. J’aurais dû appeler les infirmiers afin qu’ils m’aident à lui repasser la camisole de force dont, bien imprudemment, quelqu’un avait jugé bon de le débarrasser. Mais non, une pulsion inavouable m’a amené à ne pas bouger et à observer de loin l’atroce martyre qu’il allait faire subir à ces pauvres chansons qui ne lui avaient rien fait. J’ai regardé le pervers s’attaquer à un couplet, torturer un refrain. Pour finir, gagné à mon tour par l’odieuse violence qui l’animait, de témoin je suis devenu complice agissant. Le maniaque m’a tendu un micro et, loin de repousser l’arme du crime comme j’aurais dû le faire, j’ai donné le coup de grâce aux malheureuses chansons qu’il avait commencé à démembrer devant moi. »
La compétence normale, exigée, du critique discographique s’arrête là où entre en scène Vitor Hublot, l’Attila de la chanson (un journaliste médical critique-t-il une opération à coeur ouvert ?). Car c’est plus un travail de chercheur, ingénieur es son, qui est là, non sous nos yeux mais dans nos oreilles qui n’en demandent pas tant. Et, ma foi, le résultat se laisse écouter. Quand on pose pour la deuxième fois ce disque sur la platine, le mal est fait. Si un Katerine, du haut de sa parisienne branchitude, malmène et ridiculise la chanson en en faisant un insipide brouet d’eau tiède, Vitor Hublot, lui, la dissèque avec soin, avec talent. Et va jusqu’au-dedans pour enfin voir si elle a des tripes. Si certains raillent, lui entrailles.
Vitor Hublot, Contes de la libido ordinaire, 2012, Psoriadiscs. Sortie le 1er octobre 2012. (1) On lira avantageusement les articles consacrés à ce disque d’abord interdit, donc pilonné, puis ressorti. C’est ici. Le site de Vitor Hublot, c’est là.
http://www.dailymotion.com/video/xnb4wj
J’avais raté le scandale Brassens de 2011… Un moment d’absence, ou de vendanges ? ou les deux… Je viens d’en écouter 3 extraits… comment dire ? J’ai le sentiment diffus que la seule finalité est de « démembrer les chansons »… Est-ce que ça suffit à faire un projet artistique ? Mais il y a là quelques paniers de bon grain à moudre pour une petite réflexion sur « l’art de la reprise » ou de la re-création, à supposer qu’il y ait création…