Festiv’Art : puisque c’est comme ça, on s’en va !
Ils sont sur Lavelanet, une commune de l’Ariège soumise, à les entendre, « à des turbulences économiques et politiques ». Ils sont sur une Communauté de communes (celle du Pays d’Olmes) qui, peu de temps avant le début des festivités, leur a signifié (comme la Sacem d’ailleurs, aussi brutalement) la non reconduction de leur subvention. Ils sont sur un département qui leur octroie généreusement 1800 € : une aumône, presque un camouflet. Que font-ils donc ? Ils tirent leur révérence et s’en vont voir s’il fait meilleur ailleurs. Ils, ce sont les responsables du festival « Festiv’Art », dont la patronne n’est autre que Claude Fèvre qui, parfois, souvent, nous régale de ses découvertes et coups de cœur sur NosEnchanteurs.
Ce fut cet été, à la mi-août, le dixième anniversaire du Festiv’Art, joli cru d’ailleurs qui a contenté tout le monde, public, artistes comme organisateurs. Un plateau artistique de choix (Nicolas Bacchus, Jeanne Plante, Cyril Romoli, Zorozora, Garance, Strange enquète et d’autres encore), un millier de spectateurs, l’ambiance des grands jours… On a simplement, pour faire bonne figure, tenté d’oublier ces subventions sucrées au dernier moment : pour oser l’équilibre financier, dès lors impossible, on a même sollicité le public et les bénévoles, sans pouvoir mot dire (j’ai un léger doute sur l’orthographe à utiliser en ce cas-précis…). Je serais financeur que j’en serais pas fier. Malgré une gestion en « bon père de famille » comme on dit, le résultat est déficitaire, logique, qui englouti toutes les réserves de l’assoc (3 160 € !, rien que ça !). Il y a ça, et cette non reconnaissance de l’action (en dix ans, le Département n’a jamais voulu labelliser ce festival et la Région ne peut donner le sien si le département ne suit pas…). Et « aucune sérénité pour continuer » sur cette commune de Lavelanet. Exit donc ce festival d’essence populaire, qui plus est gratuit. Les élus regrettent déjà (les élus regrettent toujours, après), car « Festiv’Art est un événement majeur » mais la décision semble prise, irrémédiable, responsable. Des contacts sont déjà pris avec d’autres lieux, un autre département, une autre région pour profiler le Festiv’Art dans un avenir autrement plus respectueux.
Nicolas Bacchus sur la scène de Festiv’Art (photos DR)
Quand un gros biznessman vient proposer un événement culturel, sans avant ni après, les élus, de quelque bord qu’ils soient, de quelque collectivité soit-elle, ne mégotent pas tant pour ouvrir le porte-monnaie : une star chez soi, c’est toujours bon pour la com’, pour l’image, pour sa réélection. Mais quand une association locale mène sans relâche, depuis une décennie, un travail de fond, de culture, de découverte, là on chipote, on renâcle, on tergiverse, on invoque la crise et que sais-je encore. On donne l’euro symbolique comme on jette un bouton dans la sébile du clodo. Quand les élus (et pas que ceux d’une commune mais de toutes les collectivités territoriales) apprendront le respect, évalueront sans parti pris le travail effectué, les résultats attestés… Quand ils sauront ce qu’est l’action culturelle et la soutiendront sans s’en mêler plus que ça, en respectant les compétences, le professionnalisme fut-il des bénévoles en ce domaine, le monde changera. Pour en arriver, au soir du dixième anniversaire, à faire, avec élégance toutefois, un bras d’honneur aux collectivités qui les mal-traitent, les sous-traitent, il fallait que ces bénévoles en aient gros sur la patate.
Le 11e Festiv’Art devrait logiquement se dérouler ailleurs, en 2013, en des terres plus hospitalières.
Nous reviendrons dès demain, sous la plume de Claude Fèvre, sur deux des concerts de ce 10e Festiv’Art : Jeanne Plante puis Cyril Romoli.
bonne chance à vous, les amis… Pas rien de faire les bagages et de s’emmener promener ailleurs. Je vous souhaite un point de chute hospitalier.
Cette histoire pas drôle met en évidence un des travers de la société économico-politique envers les actions des bénévoles: le respect étant proportionnel au prix payé, on regarde de haut ces originaux qui oeuvrent gratuitement. Surtout s’ils n’ont pas une carte bien siglée.
Et puis un festival d’essence populaire, voilà bien de quoi inquiéter les tenants de l’ordre établi, si le peuple se met à s’émanciper, où va-t-on ? Il me revient une phrase toujours d’actualité : « Si vous ne voulez pas subir la révolution, faïtes-là ! »
C’était un « Conseil de Machiavel au Prince » et puis un jour ou l’autre, le peuple va aux urnes, c’est aussi une forme de sanction.
(Voilà le message que j’avais expédié à Claude Fèvre et à Festiv’art, récemment… et merci Michel pour le billet sur « Nos enchanteurs »!)
Chère Claude..
Mon coup de râlage de ce dimanche soir que je te donne en lecture, en partage…
Je suis en colère… très en colère ce soir !
Ton festival est comme « quelques autres », un arbre de vie qui, selon les saisons et les années, offre graines, fruits, fleurs…. (chant Vie-vent, peau et vie… vivante poésie)
Oui je sais ton investissement et ton attachement fondamental, à la mise en oeuvre d’une culture populaire accessible pour le meilleur.
Comme toi, à mon niveau et de ma place d’artiste (et avec mes amis musiciens car cela va ensemble pour nous…), je cherche à élever les coeurs et les consciences, à fédérer des énergies solidaires pour lutter contre l’ostracisme , qu’il soit politique, culturel ou iédologique, en cherchant à établir des passerelles entre l’interprète et son auditoire, entre l’écrivain-le poète et son lecteur, entre l’artiste et le spectateur, entre les peuples et leurs patrimoines culturels, entre la joie de donner et celle de recevoir..
Sans doute il s’agit là d’utopie, mais pourtant si concrète, vivante et humaine tout simplement.
Alors comme c’est difficile de lire que tu vas devoir arrêter ce festival et/ou ( dans le moins pire des cas), le déplacer ailleurs(dans une autre région)!
En cette période de crise, la culture plus que jamais doit être au coeur des préoccupations et l’objet d’attentions renouvelées de la part des pouvoir publics et de chacun !
Sans art, sans culture, nous serions privés des paroles, des musiques et des chants qui sont là pour nous faire avancer, réfléchir, entendre et voir le monde autrement.
Sans ces festivals plein d’énergie, de talents et de lucidité (festivals petits, et grands, modestes ou moins), nous artistes (comme le public aussi) serions privés de ces moments uniques de partage…
Nous artistes verrions nos possibilités de travail et ce champ d’exercice de notre art, se réduire de façon très inquiétante..
Ces festivals avec lesquels nous compagnonons depuis des années pour certains, représentent des liens forts et qui nous rassemblent vraiment.
C’est pourquoi je me sens profondément triste et comme hémiplégique, quand je lis que tel festival doit baisser pavillon !
Il faut qu’une région valeureuse accepte d’héberger l’amie Claude Fèvre, ses camarades d’infortune et cette aventure qu’est « Festiv’Art » , pour que le travail se poursuive…
Nous allons aborder 2013… et je me demande ou sont passés l’esprit d’André Malraux (le fondateur des maisons de la culture), l’élan créateur d’un Jean ViIlar, en Avignon, et l’esprit même d’une véritable décentralisation culturelle, capable de faire avancer sans exclusion, la vie de ces courageux festivals et évènements artistiques, la vie des programmations-chanson, et la vie des artistes : auteurs compositeurs interprètes ?
Ceux qui ont le pouvoir de la répartition des crédits ont peut être perdu précisément ces données essentielles et élémentaires.
Nous artistes, auteurs, interprètes, musiciens, chanteurs, poètes, diseurs… nous nous obstinons à parler, à porter très haut et réclamer, malgré les difficultés, les exigences et les revendications qui fondent une véritable et authentique politique culturelle et nous ferons connaitre ces festivals rebelles et fraternels que nous aimons..
Et, de toutes façons, nous ne laisserons à quiconque ni le droit ni le pouvoir de nous confisquer cet amour là.
Rien ne pourra jamais faire taire mon chant… Ce chant des artisans en chanson, le chant des saltimbanques.
En amitié
NATASHA
Je signe des deux mains ce courrier de NATASHA et j’aimerais pouvoir le diffuser autour de moi et pas seulement grâce à NosEnchanteurs, évidemment si elle en est d’accord.
Personnellement il y a longtemps que j’affirme que les associations et de nombreux artistiques sont les penseurs et réalisateurs des politiques culturelles des collectivités locales. Nombre d’entre elles (pressées par leurs électeurs) se contentent d’un saupoudrage financier (pour ne pas déplaire) plutôt que d’une réflexion profonde sur « qu’est ce qu’une politique culturelle, et quels moyens ? ».
Courage, amis, des épreuves naitront un projet plus fort, j’en suis convaincu et je suis à votre disposition.
Juste quelques mots pour dire à l’Ami Christian Camerlynck, que les mots sont à tous le monde ! Alors bien sûr c’est bien quand la parole et les propos qui nous rassemblent, circulent !! En amitié à Toutes et tous, ami.e.s-chanson !!
La culture est en première ligne pour subir les coupes ravageuses dans les budgets. On ne va quand même pas réduire le train des réceptions officielles, les dépenses de prestige, les aides aux associations qui n’en ont pas besoin mais qui sont pleines d’électeurs, mieux vaut détruire le tissus associatif qui s’efforce de retarder la bêtise et la barbarie. On a besoin de la bêtise et de la barbarie pour que la croissance augmente. On n’a pas besoin de culture, y’a la télé !
… J’enrage ! Nous avons déjà vu, au pieds des Pyrénées, dénaturer le Pic d’Or et le vider de sa substance, par une municipalité sans scrupules. Où faut-il donc aller ?
Courage, Claude, j’espère que Festiv’art continuera ailleurs, envers et contre tout !
Sans prétendre avoir la dimension de Festiv’Art, nous sommes nous aussi confrontés à de nombreux soucis concernant nos Poèmélodies. Il n’y a pas que les soucis de subventions, bien maigres à vrai dire, mais aussi des problèmes d’intendance, de fréquentation, de nombre d’adhérents et de trésorerie disponible.
Nous avons une réunion de CA demain soir pour faire le bilan (déficitaire comme chaque année) de notre festival, de son avenir et aussi malheureusement de l’avenir de notre association Plumes et Croches. Qui vivra verra.
Retarder la bêtise et la barbarie? Leur arrivée est-elle donc inéluctable? Si c’est vrai, ça n’est pas quelques petits festivals de chanteurs méconnus pour public d’amateurs qui vont y pouvoir grand-chose…Il va falloir mobiliser d’autres forces et si nous avons le temps nous chanterons en même temps comme ont fait nos aînés. Ah ça ira, Tous ensemble, tous ensemble, ouais!
Moi, Pierre, je ne me vois plus sortir dans la rue comme en 68 et chanter ça ira, ça ira ! Si les jeunes ne sont pas assez cramoisis par les médias, les mondes du profit et de la consommation, qu’ils prennent le relais et j’applaudirai, si j’en ai encore la force.
C’est vraiment moche. Vous aviez réussi à créer un chouette festival, avec de bonnes conditions techniques pour les artistes, et une équipe de bénévoles qui se donnait à fond.
Mais déterminés comme je vous connais, je ne doute pas un seul instant que Festiv’art trouvera un territoire plus accueillant pour une 11e edition, une 12e edition, … une 20e edition encore plus rock’n'roll !
Longue vie à Festivart !
@Papa Momo
Les « jeunes » sont loin d’être tous « cramés » ou « cramoisis » (?) par les médias, le monde du profit et la consommation. Ils se débrouillent autrement, passent par d’autres canaux, internet notamment, ils créent des réseaux et vivent leur vie sans se soucier des médias ou de Télérama ! Ça, c’est un truc de vieux comme nous sommes !
Ils sont nombreux et souvent très inventifs, il faut avoir confiance en la jeunesse, nous ne pouvons pas passer notre temps à attendre de voir réapparaître Brassens ou Jean Ferrat !
« Il faut avoir confiance en la jeunesse, nous pouvons pas passer notre temps à attendre de voir réapparaître Brassens ou Jean Ferrat ! » : bien dit Delorme !
En préambule, je tiens à dire que je ne veux en aucune façon peser sur une décision qui n’appartient qu’à cette formidable équipe et son animatrice Claude Fèvre.
Depuis 10 ans ces militants culturels œuvrent à la diffusion de la chanson et du spectacle et la qualité de Festiv’Art n’est plus à démontrer.
Mais parler à des amis ne consistent pas seulement à les complimenter mais également leur parler avec franchise.
Je pense sincèrement que l’histoire du festival, sa reconnaissance dans le métier et dans le public des amoureux de la chanson pouvaient permettre de « pousser le coup de gueule nécessaire et en même temps mobiliser les énergies pour créer le rapport de forces nécessaires et les conditions financières nécessaires à la poursuite.
Loin de moi, l’idée que le résultat positif aurait été au rendez vous mais je n’aime pas reculer face à l’adversité quelle soit de droite ou de gauche!
L’Ariège et la région Midi-Pyrénées, ce n’est pas seulement quelques décideurs timorés et préférant se servir de manifestations culturelles « spectaculaires » à des fins électoralistes.
J’avais envie de vous dire tout celà, en toute modestie, avec beaucoup de respect pour Festiv’ART et beaucoup de colère pour le désengagement de la puissance publique dans ce type d’action culturelle décentralisée.
Avec toute mon amitié.