Jean Dufour, un ouvrier dans la coulisse
Jacques Bertin et Jean Dufour sont des gens moins connus du grand public que leurs patronymes respectifs, assez fréquents dans les annuaires. Ce n’est pas leur seul point commun. Le premier, chanteur et poète et le second, animateur culturel et imprésario, ont écrit des livres sur la chanson, cette maîtresse insaisissable et obsédante dont ils connaissent les vices et dont ils veulent défendre les vertus.
Les vices, on les connait pour la plupart. Les vertus, ceux qui la vendent s’efforcent de les cacher, comme si elles pouvaient entacher l’attrait qu’elle doit avoir sur le plus grand public. La chanson n’est pas en effet seulement cette fille facile qui fait la retape à la télé, dans les boîtes de nuits et jusque dans les hypermarchés. Elle participe aussi, quand on la découvre, dans la proximité des petites structures, à l’oeuvre culturelle, à l’élévation de l’esprit, à l’ouverture intellectuelle… Zut ! j’ai dit le mot qui fâche les marchands de produits divertissants !
Jacques Bertin et Jean Dufour font partie de ce mouvement humaniste optimiste qui croit que tout individu, quelle que soit sa condition, peut progresser, développer ses connaissances et les qualités qui vont de pair, à condition de bénéficier d’un environnement culturel satisfaisant. Les médias auraient pu être un extraordinaire outil en ce sens et ils le furent jusque dans les années soixante dix, avant que les tyrans anonymes de la consommation de masse fassent main basse dessus.
Jacques Bertin (voyez son site) se fait parfois cinéaste. Après René-Guy Cadou, c’est Jean Dufour qui est le sujet de son nouveau DVD.
Jean Dufour raconte devant la caméra son parcours atypique : comment, d’abord ajusteur à la SNCF, il est devenu un personnage éminent de la chanson, agent de Félix Leclerc, Raymond Devos, Francis Lemarque, Yves Duteil et tant d’autres qui apparaissent un moment dans le film.
Ce témoignage sur le métier de la chanson et ses pratiques dans les années cinquante à quatre-vingt, est aussi la relation d’une vie marquée par un idéal humain avec lequel un homme peut développer honorablement ses qualités personnelles au service des artistes et de leur public. Au delà de sa biographie évoquée avec une grande modestie, Jean Dufour narre quelques anecdotes piquantes, mais il nous démontre surtout comment, dans le contexte d’une époque favorable à l’éducation populaire, il a pu exercer un métier difficile avec honnêteté et humanité.
Ce DVD peut être une illustration d’un morceau de l’histoire de la chanson. On peut y ajouter une pointe de nostalgie d’un temps révolu, pleurer sur les valeurs perdues et ranger le tout dans le musée des regrets. On peut aussi plus simplement saluer l’homme qui a fait de son mieux en son temps. Il est réconfortant de penser que d’autres, à leur manière, font aujourd’hui de même, loin des lumières et des tumultes et que ce sont ces gens qui font tourner les machines dans le bon sens.
Très intéressant témoignage… je vais aller voir ça de près très bientôt.. Je crains que ce genre de parcours ne devienne impossible aujourd’hui, à cause de ce contexte d’éducation populaire qui a été remplacé en très grande partie par la consommation télévisuelle de masse, et la dictature des marchands de soda. Et de leurs produits formatés…
Et si ça ne « dance » pas, le djeun boude … en anglais … Voir la programmation de quelques grands festivals. Heureusement, Barjac, Montcuq, Concèze, Paroles et musiques, Muzik’Elles … chantent le plus souvent en français, pourvu que ça dure…
Bon, je sens que je vais encore aller « titiller » mon libraire/disquaire attitré pour ce DVD sur Jean Dufour , j’y ai déjà été hier pour » Les rivières souterraines » de Pierre Barouh . On ne trouve pas ça en rayons, alors il commande, et souvent plusieurs à la fois, ça peut pas faire de mal …J’ai en tête les paroles d’une chanson de Jacques Bertin : » je vais à l’amitié comme on va aux auberges », il y a très longtemps que je ne l’ai pas écoutée, mais je me souviens que c’est une magnifique chanson . Un petit problème d’ordinateur m’empêche d’ouvrir la vidéo de » L’hôtel du grand retour », je vais essayer de le résoudre très vite …
Quand on parle d’éducation populaire je me demande toujours qui veut éduquer qui?
(à Danièle) Je crois que la meilleure façon de l’obtenir est de le commander directement chez Velen, 1bis impasse de Charnacé, 49000 Angers tel 09 53 19 06 25.
(à Pierre) Ouais… mais quand on parle de culture de masse, on sait bien qui va baiser qui !
Merci Michel Trihoreau, oui mais quand je commande chez un disquaire, ça « l’interpelle » et il y a souvent plusieurs commandes, ce qui est pas mal non plus …
L’éducation populaire telle que je l’ai vue à l’oeuvre fin des années soixante et début des années soixante-dix, c’était surtout une aubaine pour des tas de gens qui se sont rués sur des postes d’animateurs divers et ont largement profité de l’argent public pour se faire la vie belle, loin de salles de classe d’où ils venaient généralement.
Mes camarades chanteurs de l’époque en ont aussi largement profité, à « éduquer le peuple » avec des chansons assommantes
et des spectacles rasoirs. Ils sont à mon avis autant responsables de la désaffection du public que le système de consommation lui-même (qui était déjà à l’oeuvre d’ailleurs à l’époque). Bien sûr ceci ne concerne que la chanson, et sans doute dans d’autres domaines ce concept a-t-il apporté des choses positives. Peut-être même dans la chanson, mais je en sais pas lesquels.
Quant à l’éducation populaire d’aujourd’hui se porte-t-elle si mal que ça?
Il n’y a jamais autant de public dans les musées, les festivals de jazz font le plein, et il y a même des festivals de chanson…Combien y en avait-il à la fin des années soixante?
Voilà de quoi polémiquer, puisqu’il m’a semblé voir quelque part que cela te manquait! Amitiés
L’éducation populaire, c’est comme le poisson : on prend le meilleur, car il y a toujours des arêtes, des déchets, et des gens qui n’aiment pas ça, mais c’est quand même bon pour le cerveau. L’abrutissement populaire ça vient tout seul, mais quand on l’aide ça va encore plus vite, plus loin et plus fort. Il faut seulement savoir quelle société on veut laisser à nos enfants.
Pas de doute que l’éducation populaire a laissé des traces positives, dans les médiathèques par exemple et sur le terrain ici ou là.
A Marciac, pour le jazz, Avignon, pour le théâtre, La Rochelle et Bourges pour la chanson, il y a foule, c’est exact, mais c’est UNE fois par an ! Et les phénomènes de foule m’ont toujours fait peur : une foule a des bras, mais pas de cerveau !
« L’abrutissement populaire…des bras mais pas de cerveau… »
Mais nous-mêmes, cher Michel, ne sommes -nous pas également « abrutis et sans cerveau »? Ne faisons-nous pas partie du peuple, de la « masse »? Sommes-nous à part? Ne sommes-nous pas « les gens »? Qu’est-ce qui peut permettre de dire que nous nous en distinguons? Le fait d’apprécier une chanson « à texte »? Est-ce plus valable que d’apprécier le foot par exemple, ou de collectionner des fers à repasser? L’éducation populaire c’est peut-être d’abord essayer de s’éduquer soi-même avant de vouloir éduquer les autres (considérés comme des abrutis), d’apprendre à débusquer sa propre bêtise et son ignorance avant de fustiger celle des « autres » et vouloir la corriger.
Être éduqué c’est peut-être avoir les moyens de ne pas prendre les vessies pour des lanternes, mais comment être certain qu’on échappe aux illusions et au manque de connaissances? Rien que dans ce blog, où interviennent des gens tout à fait sincères dans leur goût pour la chanson de qualité, je lis beaucoup de choses que je considère de mon côté comme des bêtises, dues au manque de connaissances musicales et poétiques. Dans le petit monde de la chanson de qualité beaucoup de vessies brillent comme des lanternes aussi.
Ah ! la polémique est lancée !
Je distingue l’individu et la masse. Tout individu est respectable, isolément. Il existe cependant une dynamique de groupe bien connue des sociologues et autres machinologues qui font que l’individu sain subit qu’il le veuille ou non une influence de la part du groupe. Je ne m’en exclus pas : combien de fois me suis-je laissé prendre à applaudir bêtement par mimétisme ou par instinct grégaire un chanteur que je trouve mauvais après coup. Je me fustige moi-même dans ces cas-là !
Sans critique on ne peut pas avancer et sans avancer on reste à l’âge de pierre (pardon, j’allais écrire de « Pierre » !). Sans être complotiste, je crois que les marchands qui gouvernent le monde souhaitent que nous restions de bons consommateurs sans cerveau et en faisant de la consommation de masse, ils y parviennent.
Je me méfie de la distinction hâtive entre individu et groupe. S’il est vrai que le « phénomène de groupe » peut entraîner des comportements qui resteraient inhibés chez l’individu, il n’en reste pas moins que l’individu n’est pas un être « sain » qui préexisterait au groupe et à la société, il est traversé, hanté, habité, par la société (le groupe) qui le fabrique. En ce sens je ne vois pas ce que peut signifier « individu sain » qui serait contaminé par le groupe.
D’autre part en groupe, ou même en masse, on peut faire des trucs très bien, ne serait-ce que manifester par exemple, pour dire non, aux marchands ou autres modes de vie.
La part originale en chacun de nous, représente quoi ? Allez, 1%, 2%, tout le reste c’est la société qui s’exprime à travers nous.
Nous voilà loin de la chanson !
Libre à chacune et chacun d’écouter l’entretien réalisé avec Jean Dufour en avril 2013 lors du Salon du Livre et de la Chanson (Randan / Allier) : http://3-2-1-chansons.wifeo.com/jean-dufour.php
Libre à quiconque d’écouter l’entretien réalisé avec Jacques Bertin en avril 2013 à Blanzat (69) : http://cista.canalblog.com/archives/2014/01/09/28897064.html