Concèze 2012 : Dautin, du pitre au pire
C’est configuré récital d’antan ou presque, qualité NF. Un pianiste (Gilles Bressette), les tempes blanches, forcément sérieux. Le piano bien noir, lustré, accordé du jour. Et le chanteur en noir, bedonnant et pas tout jeune, qu’on sait amoureux du verbe, d’un classicisme attesté, survivant d’une époque mythique, héritiers de ces cabarets de gauche, avec ou sans rive. Il démarre bien son show, il a du savoir-faire : « Vivre d’amour et d’eau fraiche / Quelle drôle d’idée me direz-vous… » Envisagé comme ça, effectivement… Du classique vous dis-je. Sauf que… Sauf que c’est Dautin, pas hautain, loin s’en faut, et que ce chanteur fait déjà ses œillades aux dames des deux premiers rangs, ne calculant plus au-delà, leur envoie mille bisous langoureux, limite libidineux, fait douter ces messieurs qui les accompagnent et se savent quoi dire de peur de se voir pousser des cornes devant leurs électeurs. Dautin est un pitre, un clown, gueule de caniche triste, de bas basset ou de saule pleureur, mais c’est un drôle, un comique gestuel qui a plus d’une main dans son sac, un secoué de grimaces et de complicités, qui vous met le public (les dames surtout) dans son veston. C’est dans la poche. Alors on se dit que tout sera comme ça, des constatations puissantes sur le monde et ses ravages (La portugaise est morte, ensablée…), un peu d’exotisme que le peuple aime tant (Est-ce que c’est sale, ça ?, une salsa brevetée lavomatiques), des portraits tranchants (« Elle est délicate, Kate / Comme une tranche de cake »)… Dautin fait dans l’humour, le public fonctionne, c’est harmonie. Il fait aussi dans les choses relative à l’amour, se mirant dans les yeux des dames du premier rang, rallument en elles l’envie, les fait tousser : « Elle allume une cigarette / Après l’amour… »
Mais Yvan Dautin n’est pas que facéties, que désirs. Face B c’est autre chose, piques pas bien méchantes au début mais répétées sur nos vies, sur cette vie qui « ne vaut rien / pas un pet de lapin. » Le bougre insiste et finit par ne parler, ne chanter plus que ça. Thématique de vies en prise avec les difficultés, pas celles qui s’égarent et qui font bien, aux comptes des psys surtout, non… de la difficulté concrète de pouvoir bouffer, payer son loyer, de s’en sortir. Et le tour de chant devient réquisitoire, à l’adresse notamment de nos élus, ceux du premier rang comme ceux d’ailleurs, législateurs d’un mondialisme triomphant et sans partage, aux députés, aux dépités. Sans en avoir l’air malgré sa partition, Dautin fait utile cours d’économie, ponctué d’un implacable « Ne pense plus, dépense ! » Même s’il égrène encore quelques mimiques de vieux comique de music-hall, même s’il dispense toujours des baisers à son fan-club ridé et massé devant la scène, le sourire est amer, l’exposé explose la scène et met à nu notre monde. Cendrillon a gagé son soulier de vair au Mont-de-Piété et dort au grand vent dans un carton, bien au froid. Effroi : le brillant chanteur a dit la vérité, faut-il l’exécuter ?
« Ne pense plus, dépense », audio
En effet, qu’on le condamne à l’éxécution publique de son art, en prime-time sur TF 1… Qu’urbi et orbi, on sache ce qu’il est est de ces saltimbanques impertinents, et que le bon peuple soit enfin informé des avanies de la méduse de St Malo, et des risques inhérents à une sortie boulevard de Batignoles, au cas où le bon peuple ait eu une distraction ces 30 dernières années.
( et qu’on lui mette comme choriste cette créature satanique qui prône le pouvoir de non-achat, sur TF1, ça va faire un tabac!)
Je ne suis pas fan de ton titre, Michel, je ne vois pas oû est le pire ! Mais pour le reste, tout va bien ! À part qu’il n’avait pas de fan club et que ce n’est pas très gentil pour nos rides !!!
Bises et bon retour !
Ben ouais…. ou on est une ménagère de moins de 50ans (ok avec Céline !)ou une vieille fan ridée ( pas bien , Michel ,pas bien ! ). Allez , il faut rire , chanter , danser , et tout est bon pour celà (merci Enzo Enzo ! )
Pas de femmes ridées, Annie, ou si peu, pas de fan-club non plus, pas plus d’élus cocus, non… mon esprit s’est mis à battre la campagne et l’écriture de ce papier est en échappement libre, déconnecté de Concèze. Dautin a dû m’inspirer à ce point que j’ai pris d’énormes libertés avec le public de ce soir-là, qui me le pardonnera (enfin, j’espère !).
pardonné… pour cette fois ! Mais pourquoi pas de petit billet d’humeur pour Enzo Enzo ?
Réponse : En cours de rédaction, les billets sur Emilie Marsh et Enzo Enzo, entre ce soir et demain sur le site… MK