Concèze 2012 : Eric Guilleton, l’ami, le maître
Toujours il débute, en voix-guitare, son récital par Une ville, un soir, chef d’œuvre qui, d’emblée, s’impose par sa force, sa fragilité aussi, cette idée d’itinérance et de mélancolie, cette envie de « monde meilleur » : « Une chanson qui s’entête, quelques mots oubliés / Dans un coin de ma tête / Quelques notes alliées / Se bousculent et chavirent… »
Belle intro vraiment, pour nous dire bonsoir, belle carte de visite, faite de simplicité tout autant que de luxe, celui d’un art où la perfection la dispute à l’épure. Même si on découvre Guilleton – c’est possible – on comprend d’intuition autant que d’évidence qu’il n’est pas de la dernière pluie, de la dernière cuvée discographique. C’est un routard, aguerri, précis dans le mot, dans la rime, d’une rare et belle concision. Il y en lui le voyage, le mouvement : « J’ai de la fuite dans les idées. » Il le dit (Catherine Cour vous en en entretenu à propos de son passage il y a quinze jours sur la scène de Barjac) : il un faible pour les chansons « romantico-dépressives » : « Les gens ont beaux / Comme le reflet / D’un amour qu’on garde secret… » Lui installe des climats où prédomine la nostalgie. Une chanson est par définition une histoire. Mais plus encore avec Guilleton. Par lui ce sont court-métrages qui rêvent du long, s’égarent, faits de décors tangibles, palpables, quand bien même ne seraient-ils fait que de rails et de traverses, de personnages, de panoramiques et de quelques plans serrés, de chants et contre-champs. Des scénarios taillés dans la finesse où pas n’est mot, pas une note ne sont de trop. Guilleton est cinoche, il est redoutable et enviable perfection : « N’oublie jamais qu’un train peut en cacher un autre / Dans les coulisses d’une chanson. »
Sa guitare est claire, précise, que les doigts ne se contentent pas de gratter mais domptent de douceur et de confiance, qui se fait folk, qui sait se faire bossa. Dommage que le son d’hier, restitué dans les enceintes, ne faisait pas dans la nuance…
L’infatigable voyageur qu’il est, venu « de nulle part / Entre l’aube et l’aurore », qu’on connaît plus et mieux en dehors de nos frontières que dans l’Hexagone, le baroudeur de la chanson, est ici en escale, habitué, coutumier qu’il est de Concèze, de ce festival DécOuvrir. C’est en ami qu’il y est accueilli. Mais, à force de se frotter à la chanson chaque été, le public a découvert la chanson et s’est mué en amateur avisé. Et c’est bien à l’incroyable artiste qu’est Eric Guilleton qu’on fait ovation, tout en regrettant qu’il ne soit pas plus connu.
https://www.youtube.com/watch?v=FJz83A422YM
Sa musique, ses mots qui voyagent « entre l’aube et l’aurore » pour raconter les choses simples et belles de la vie, sa voix chaude et sensuelle me font penser à Jacques Yvart , un autre « baroudeur de la chanson » .