FestiFaï 2012 : Être ou ne pas hêtre, y’a du bouleau
De l’hêtre à l’être, du bouleau au boulot, la rituelle création du FestiFaï n’a pas faillit à sa jeune réputation. Glisser sur les mots, se laisser emporter par leur sonorité, les faire parler plus encore, les faire presque avouer, l’exercice est coutumier au chanteur Xavier Lacouture. Qui n’est ici que le metteur en scène, inquiet, nerveux, comme l’entraîneur sur son banc lors d’un match décisif. L’équipe est addition de talents individuels qui va, devant nous, se la jouer collectif.
La foule du grand jour est là. Ce n’est certes pas Bercy ni le théâtre antique d’Orange : cette scène-là, il faut la mériter et la payer d’une longue escapade, d’une redoutable escalade. Sur scène, Hervé Lapalud, Fred Radix, Jonathan Mathis, Lior Shoov, Noémie Lamour, Grégoire Gensse, Lionel Blanchard et BATpointG. A travailler le bois de leurs chansons, les leurs comme celles reprises au répertoire. L’inspiration est d’abord végétale. C’est Sacré géranium mais pouvait-il en être autrement ? Et Marions les roses pour faire joli a capella… Ou, plus surprenant, La p’tite olive des Wriggles. C’est champêtre, c’est sylvestre, jusqu’à ce requiem du romarin… La montagne ne tonne pas, pas encore, mais l’humain fait ce qu’il sait faire et trouble la belle harmonie. Le Monsieur de Fersen aurait dû nous mettre la puce à l’oreille, lui qui est un assassin… Un coup de fusil, puis un autre. Le chasseur, de Delpech, s’invite sans trop crier gare. Et la moto que combat alors la tronçonneuse, homérique duel en vrai, pétaradant, qui sent plus le mélange 2 temps que le souffre. On dit que Gensse sait tout faire et c’est lui, encore, qui triomphe de l’intrus à deux roues. Plus rien n’est pareil et nos artistes remettent leur art sur le métier, faisant feu de tout bois, et fête la langue de bois. Alors on travaille, même si Je ne veux pas travailler chante Lior avec ce délicieux accent de la dissidence. Je travaille dans ma tête, Putain quel beau métier, Le pire des métiers… même Antisocial (un grand moment que truste avec efficacité et pure folie Noémie Lamour…), même Le front des travailleurs qui trouve écho et chœurs dans l’assistance…
Bon, on peut ne pas tout comprendre, ne pas bien saisir toutes les transitions, mais le fruit du travail est là, sous nos yeux, bien deux heures sans répit ni relâche. Et c’est plus que probant. Bien sûr ils font chacun le beau, la belle, prenant soin de tous avoir leurs moments de gloire. Certains semblent plus à l’aise dans le jeu collectif : ce qui est exercice coutumier chez un Lapalud ou un Radix l’est moins pour d’autres. Ce n’est qu’en fin de spectacle que BATpointG prendra sa juste dimension dans ce qui sera au final l’hymne de cette création, cette Salle des fêtes ici végétale. Chacun fait ce qu’il sait faire. Et le fait bien. Grégoire Gensse n’est pas qu’au piano et à la tronçonneuse. Il fait chanter la montagne et c’est l’instant le plus fantastique de cette soirée. Il est arrangeur de talent, on le sait, mais là, il s’arrange des végétaux et des minéraux qu’il fait même fredonner : lui le cool coule de source. Chapeau l’artiste ! Radix en animateur, Shoov en illuminée lumineuse, Lapalud en voyageur lunaire, BATpointG en star taillée dans le roc… et Lamour en comme son nom l’indique, chacun a donné ce qu’il est, a offert son je au jeu. Eux et cette fanfare aux costumes comme tirés de Mad Max, eux et cette scène à son zénith, eux et le public repu qui sagement reprend la route, descend la montagne à pied dans la pénombre et se donne du courage en chantant et sifflant : « Eh ho, eh ho, on rentre du boulot ! … »
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