Prix Nougaro : Claude, es-tu là ?
Ô toi, l’ivre de sons, livre d’images et de mots, m’en voudras-tu si je viens à nouveau déranger ton coin de ciel pour te donner des nouvelles de ce Prix qui porte ton nom ? Prix d’écriture, dois-je préciser au risque du pléonasme. Et je te sais déjà ajouter : « L’écriture c’est comme la végétation, il faut jardiner ». Filons donc ta métaphore, allons en ton jardin… Hier, la Région Midi-Pyrénées ouvrait les portes de son grand Hôtel pour récompenser de jeunes jardiniers, tous entre 15 et 25 ans, qui relèvent le défi d’horticulter le verbe, travailler le terreau, y planter la bonne graine, retrouver d’instinct le bon geste pour aider la germination des mots et, au bout du conte, la floraison d’un scénario, d’une bande dessinée, d’une nouvelle ou d’une chanson.
La saison 2012 nous offre-t-elle un bon cru ? On passera vite sur le protocole inhérent à une telle rencontre, où le Président de l’exécutif régional doit à tout prix décliner, en prose dans le texte, un hommage à ton œuvre et rappeler l’inébranlable foi de la Région dans sa jeunesse, en faire osmose. Tel est l’art du politique. Je m’empresse de te dire que dans cette salle plus intime, plus chaleureuse aussi que le Phare de Tournefeuille des années précédentes, l’atmosphère était plutôt à la bonne humeur, à la simplicité aussi grâce au parrain de cette édition : Magyd Cherfi, choix que tu as dû apprécier, Claude. Bel exemple de jardinier, non ? Tantôt auteur de chansons pour lui en solo ou pour Zebda, tantôt de nouvelles. Tout au long de la soirée, il a parsemé la cérémonie de ses anecdotes personnelles. Magyd enfant des quartiers nord de Toulouse, « mal dans sa peau de fils d’émigré », a choisi « pour sauver sa peau » de « prendre le stylo plutôt qu’un doliprane. » Poussé par une mère qui menace de le pendre (!) s’il ne réussit pas à l’école, il avoue qu’au départ se mettre à écrire a été un cauchemar… tant d’outils à acquérir ! Mais il répète aussi que sans une flamme au-dedans de soi, rien n’est possible. Il évoque son choix au départ pour le cinéma et, dans un rire, ses tentatives vaines qui lui ont fait dire un jour, dépité : « Bon, ben je vais faire du rock and roll ». Sa bonne humeur, son écoute et son attention pour les jeunes qui défileront sur la petite scène, sa lecture remarquablement juste d’un extrait d’une nouvelle primée, ou de l’un de ses textes pour dire « Sois toi » avec cet accent toulousain qu’il porte fièrement, tout comme toi, Claude, ont participé grandement à la réussite de la soirée.
Je ne te quitterai pas, Claude, sans t’avoir dit que j’ai été assez étonnée de l’ouverture et de la clôture de la soirée confiées à Scarecrow, groupe lauréat 2009 (aux côtés des « Pauvre Martin ») sous-titré « Blues hip-hop ». Certes le chanteur a bien de l’allure, une belle voix, certes le mélange des genres, les recherches méritent le détour mais notre langue française y a fait de si courtes apparitions. Oui, je sais bien, il y eut Nougarock à Nougayork. Mais n’empêche ! C’est si difficile de convaincre cette jeunesse, ces jardiniers de nos mots à venir, d’écrire les chansons dans notre langue !
Voici donc, Claude, le palmarès dans la catégorie chanson :
Pour les 15/18 ans, la benjamine : Suzanne Belaubre (Haute-Garonne) ;
Pour les 18/25 ans : le premier prix à Ma pauvre Lucette (Haute-Garonne), le second prix à Cécile Cardinot (Lot), le troisième prix à Funky Kiwi.
A une exception près, le palmarès des autres catégories est entièrement féminin. Mais que font les garçons ? Renonceraient-ils à jardiner le mot, à cultiver leur créativité ?
http://www.dailymotion.com/video/xq5yv1
Bravo les filles ! qui mieux qu’elles sauraient faire germer et s’épanouir et faire swinguer les graines de mots semées par ce jardinier magicien de la langue française ?