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Le rock à prix Coutin

S’il fallait se défaire du passé, il faudrait oublier ces filles qu’il aime (toujours) regarder marcher sur la plage, leur poitrine gonflée par le désir de vivre… Ce fut, en 1981, le tube de Patrick Coutin, énorme, de ceux qui griffent à tout jamais une génération d’une élégante cicatrice, comme on grave l’écorce d’un arbre. Son seul tube d’ailleurs, qui tient tant du hasard que de la fulgurance. Ce titre allait le propulser en pleine lumière, au moins le temps de voir comment ça se passe, de constater l’effet que ça fait, comment la tête tourneboule quand on touche la cime des ventes, quand on tutoie à ce point le chaud bizness. « Durant quelques années, ça a été rageant de n’avoir en face de moi que des gens qui attendaient que je fasse la même chose. Mais ça m’a aussi  fait rencontrer des tas de musiciens, qui ont naturellement envie de jouer avec moi. Ça me classe là où je suis. » Là où il est ? Modestement dans le rock, dans l’esprit du rock, à le vivre au quotidien, sans frime mais avec plaisir, à s’amuser, à le partager.
Loin des plateaux télé, Patrick Coutin dirigera par la suite une salle de spectacles, produira une dizaine d’albums pour lui, une dizaine pour autrui (Les Wampas, Dick Rivers…). Homme-orchestre, il est tant auteur compositeur, musicien, ingénieur du son que réalisateur. « J’ai toujours quelque chose à faire » confie-t-il, fier qu’il est de maîtriser à peu près tout dans le son, dans la façon de fabriquer le son : « C’est ça un peu, l’histoire d’une vie : essayer d’aller jusque-là où la passion vous emmène. »
Coutin n’est pas homme de calculs et ses disques ne sont pas planifiés. Si sa discographie est chaotique, c’est qu’il usine ses pièces à la main et prend le temps. En 2010, neuf ans après son précédent opus, il sort « Le bleu », un bijou country folk, un peu blues, un peu introverti, aux textes ciselés comme jamais, qui lui fait retrouver la scène. Avec The Band, le groupe qu’il se constitue, fait de François Bodin, Gilles Michel et Eric Laffont. L’entente est parfaite qui touche au pur bonheur même si le groupe sonne d’une autre façon que le disque qu’il est censé défendre : il est fait pour le rock et « Le bleu » change de couleur sur scène.
La tournée achevée, Coutin se remet vite à l’écriture et, d’instinct, compose pour ce groupe-là, entre tous idéal. Il est vrai qu’il n’a qu’une envie, celle de reprendre la route avec ses trois nouveaux compagnons. Il a certes déjà le répertoire du Bleu mais lui semble manquer quelques paroles, quelques autres notes d’évidence, du gros son ludique et lumineux, mots qui cognent et guitares qui gueulent, dans la presque démesure. C’est ce qu’il s’emploie à écrire, « comme si j’avais des choses à dire… » Et ça pisse du bras. Nait ce disque qui, plus encore que les autres, parle de lui, de ce rock qui est en lui. Tout est à l’unisson de ce renouveau, même la marche du Monde : nous sommes en janvier 2011 et l’hiver est déjà printemps qui bourgeonne de l’autre côté de la Méditerranée. Le début des révolutions au Maghreb nourrira deux textes, dont « Babylone panic », jolie métaphore pour un système qui se disloque. Car si le but avoué est de retrouver au plus vite le gros son, les textes n’en sont pas moins écrits avec délicatesse, extrême sensibilité, tant il est vrai qu’on ne se refait pas. Quitte à prendre le micro, autant asséner quelques bonnes vérités et dire le monde tel qu’il est. L’état du monde comme celui des sentiments…

Patrick Coutin, Babylone panic, 2012. Le site (tout beau, tout neuf) de Patrick Coutin, c’est ici.

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