Hélène et le garçon
Elle le dit avec humour pendant son tour de chant : « Je ne fais pas des « reprises » ! Ça, c’était ma mère, lorsque j’avais troué mes chaussettes ! »
Hélène, elle, s’habille des mots des autres (parfois aussi des siens) et elle les décore, les orne, les réinvente, leur redonne une nouvelle jeunesse, une nouvelle actualité, un nouvel éclairage. Comme un mannequin qui sait présenter et mettre en valeur les robes imaginées pour d’autres femmes par les grands couturiers.
J’ai sûrement dû faire, moi aussi, ce genre de réflexion idiote ! Un « vrai » chanteur se devait d’être auteur (si possible également compositeur) et les « reprises » ne pourraient jamais égaler l’interprétation originale. Eh oui ! J’ai été jeune et bête, un peu sectaire, un peu snob et pleine de préjugés… Je ne suis plus si jeune et j’espère avoir un peu mûri, avant de me résigner à devenir tout à fait blette ! Mes oreilles, ma sensibilité se sont habituées à ne plus seulement entendre, mais aussi à écouter.
Et puis j’ai subi mon lot d’auteurs-compositeurs qui auraient eu tout intérêt à trouver des interprètes… et apprécié des interprètes qui arrivaient à sublimer les chansons des autres, à faire oublier le créateur ou à apporter un nouvel éclairage à la chanson qu’ils décidaient de s’approprier. J’ai appris à apprécier ce décalage par rapport à mon « patron », cet ajout de matière qui n’appauvrit en rien l’original.
Tous les « repreneurs » n’arrivent pas à ce résultat, malheureusement ! N’est pas Piaf, Barbara, Brassens, Brel ou Serge Lama qui veut ! (Je ne cite pas ces noms par hasard : ce sont tous des spectacles que je suis allée voir récemment et dont je suis sortie avec l’impérieux besoin de foncer réécouter l’original !)
Avec Hélène Grange, pas de souci ! Vous pouvez ouvrir vos yeux et vos oreilles : c’est du grand art ! Elle prend les textes de Brigitte Fontaine, de Juliette, de Juliette Gréco et elle les fait siens. Elle bénéficie pour ce larcin de la complicité de Michel Sanlaville à la contrebasse ou à la guitare.
Le thème de ce spectacle (chansons écrites par des femmes, ou pour des femmes) permet à Hélène de proposer des auteur(e)s connu(e)s (Anne Sylvestre, Michèle Bernard, Rémo Gary, Barbara, Véronique Pestel…), et d’autres moins connu(e)s (Marie Zambon, France Léa, Jeanne Garraud, Noah Lagoutte, Claudine Lebègue, Élisabeth Ponsot, Jean-Baptiste Veujoz…). À deux ou trois exceptions près (essentiellement les Brigitte Fontaine), je connaissais presque par cœur toutes ces chansons. Eh bien j’en ai redécouvert certaines, sous un nouveau jour, un nouvel éclairage, un nouvel habillage musical. Hélène a choisi de mettre l’accent sur des mots, des idées que je n’avais pas forcément perçues dans la première « version » de la chanson.
Ce genre d’exercice m’intéresse et m’amène souvent à me demander si je serais capable d’en faire autant. Re-créer sans plagier, sans copier servilement. En respectant la lettre mais en changeant parfois l’esprit… Pas partout, pas sur tout, pas tout le temps. Il ne faut pas que ça devienne un jeu de massacre : tout changer sans but, juste pour le plaisir de modifier. Découdre entièrement la robe ne garantit pas que celle cousue avec ses morceaux soit réussie ! Il faut savoir se servir de l’ossature tout en apportant ça et là sa touche personnelle. Parfois juste un ornement, parfois davantage…
C’est ce que réussit parfaitement Hélène Grange. Elle renoue en cela avec une tradition qui n’a été bouleversée que depuis une cinquantaine d’années et qui voulait que les chansons n’appartiennent pas à un unique interprète. Elles pouvaient être « reprises » par des dizaines d’autres chanteurs et certaines versions avaient davantage de succès par un « repreneur » que par le créateur ou l’auteur lui-même !
Et puis, discrètement, Hélène présente aussi ses propres textes qui méritent d’être découverts : elle sait être à l’aise « Dans tes habits » (musique de Clélia Bressat-Blum), ou « Femme de peau » qui nous aide à être bien dans la nôtre, et dans nos fringues à nous !
Le prochain concert d’Hélène Grange, c’est un concert « chez l’habitant » à Bourg-en-Bresse… et puis des ateliers d’écriture ou de chant à Arras, Autrans… Le myspace d’Hélène Grange, c’est ici.
Un mot sur l’association qui propose des spectacles à Rians, dans le Haut-Var : animée par Hubert Dufour, luthier passionné de musique, l’association « Le chant de la Terre » s’est donnée la gageure de programmer « toutes » les chansons, toutes les musiques, sans exclusive… ce qui donne une grande ouverture sur le monde, sur les diverses cultures sous toutes leurs formes : contes, pièces de théâtre, concerts. Les spectacles sont à découvrir et l’association est à soutenir absolument !
Je ne connais pas (encore) Hélène Grange, mais je suis pleinement d’accord avec son propos sur l’interprétation. Les reprises (comme pour les chaussettes) servent à réparer, à boucher des trous… l’interprétation c’est autre chose. C’est une re-création qui n’est généralement pas comprise de beaucoup de « responsables » culturels. Pourtant, donner un prolongement de vie à de belles chansons, c’est en respecter le caractère artistique et les empêcher de tomber dans l’oubli comme de vulgaires produits (oui, je sais, Pierre D. va me dire que la chanson est aussi un produit !) ou simplement comme des créations mineures (autre débat).
Il suffit de voir Laurent Viel chanter Brel, Annick Cisaruk chanter Barbara ou Ferré ou plus récemment Elsa Gelly, pour comprendre qu’un interprète est un créateur.
Ha ben ça alors, ça fait du bien de lire des articles sur ma grande soeur… Je confirme, valide et renchéri sur tout ce qui est dit plus haut !
Salut lignes sur Hélène. Elle le mérite…!
Mais « le » garçon, lui 1 ligne de 9 mots pour le décrire.
Merci de l’oublier totalement.
On oublie que le « musicos » bosse des heures à trouver un jeu instrumental pour mettre en valeur les textes de la chanteuse….
Quelle écoute bien sélective.
Un musicien est aussi un créateur…
Michel SANLAVILLE… »le garçon ». Oui celui qui accompagnait ce soir là…!