Ce romand de Zedrus…
C’est un helvète, un romand, qui signe, de son micro, d’un Z qui veut dire Zedrus. Ou pourrait le faire, tant il aime la provocation, l’éternel décalage. Qui aime à se définir comme un Brassens trash. Rien que lire, à une certaine époque, le titre de ses chansons (Salopard, Vieux con…) validait l’affirmation. Zedrus vient de sortir son cinquième opus, toujours autoproduit, dans l’attente sans doute d’un producteur plus courageux que d’autres, qui ose l’impertinence adoubée au talent. La galette se nomme « Dans la différence générale » : sortons cette différence du silence ambiant et mettons-là en exergue : c’est franc, direct, sans ambages, sans vaseline. Autoportrait désillusionné (« Eh ben cochon ! / C’est pas le produit qu’on m’avait vendu ! Pour affronter la société / Mieux vaut être con / Con sans sommations »), solitudes, vies bridées (« Avec les lois qu’ils ont votées à l’Assemblée / J’ai perdu pour un oui pour un non / Ma liberté d’expression et d’érection »), vies sans fard, pas forcément sans cafard ni sans regrets… Il y a un peu de foule sentimentale en Zedrus, un type qui a envie de tout donner, de tout aimer, de vivre libre, mais se heurte à la réalité de notre monde, là où « Tout va mal » : « Et j’aboie, j’aboie, j’aboie / Dans une bouteille à la mer. » Dit comme ça, c’est pas avenant, sauf que Zédrus a l’art et la manière de (bien) le chanter. Si comparaison vaut raison, on associera Zedrus à La Blanche : l’univers y est presque pareil, avec ce cynisme comme ultime bouclier. Et cette tendresse qui, parfois, plane sur les vers et s’attarde plus longuement ici sur une magicienne qui « du fil de fer barbelé fait un porte-jarretelles », là sur l’épouse et la maitresse (« Avec elle, je finirai mes jours / Avec toi, je ne les vois pas passer »). Et sur l’amour d’un père, magnifique chanson qui rappelle le meilleur de l’autre romand qu’est Sarcloret. Ecoutez Zedrus, écoutez la différence !
Zedrus, Dans la différence générale, 2011, autoproduit, distribution Disques Office en Suisse, L’Autre distribution en France. Le site de Zédrus, c’est ici. https://www.myspace.com/zedrus
Je ne sais pas si cela vient du choix des citations mais cela ne me donne vraiment pas envie d’en savoir plus. S’Il suffisait de dire des gros mots pour faire de la chanson, cela se saurait. Vous me rappelez que je crois avoir vu cet artiste il y a quelques années à Portes les Valence et que j’en avais gardé un très mauvais souvenir !
Gérard DEBARD
Peut-être, Gérard, les citations sont mal choisies, et encore, mais ça n’enlève rien, vraiment rien, à la réelle qualité de Zedrus. Kemper fait le rapprochement avec La Blanche, avec Sarclo aussi. Il aurait pu même citer Thierry Romanens et quelques autres du même et bon tonneau : Zedrus est de ce gabarit-là, au moins en disques. J’ai le souvenir, lointain, très lointain, de l’avoir vu en scène et de ne pas avoir été emballé, comme vous. Il me faudra le revoir (j’en ai très envie) pour constater l’avancée…
pour Gérard,
Petit mortel fais de ton mieux
Mais n’oublie pas quoiqu’il arrive
Que les salauds sont moins nombreux
Que ceux qui les suivent
Sans elle, la vie est belle mais la beauté m’ennuie…
Les derniers des rebelles sont ceux qui trouvent que la vie est belle…
Il n’y a rien de plus beau que les défauts d’une femme…
On allait si bien ensemble comme la douleur et la torture…
Quand tout va mal, il faut en profiter car cela ne va pas durer…
Je remplis le tanin des Danaïdes et j’aboie dans une bouteille à la mer…
Vivre sans l’amour d’un père c’est triste comme un gâteau d’anniversaire aux épinards…
Grâce à ce petit astre, je vois l’envers du désastre…
La vie est un dessin abimé…
Avec elle la vie c’est du vent, mais du vent qui soulève sa robe…
Il n’est pas nécessaire pour se sauver de prendre la fuite…
Sache que tu peux être au bon droit au beau moment…
Ses yeux sont plus beaux que les tiens, mais les tiens me regardent…
amicalement
zedrus
Comment avoir un mauvais souvenir de Zedrus ? Ce mec est formidable !
Ce qui a de bien avec Zedrus, c’est qu’il ne laisse pas indifférent. J’invite Serge et Gérard de re-voir à nouveau un concert de Zedrus avec le risque de changer d’avis.
Pour l’avoir vu il y a 5 ans, et revu il y a quelques mois, je peux confirmer qu’il faut ABSOLUMENT revoir Zedrus. J’étais pas convaincu moi non plus avant de le revoir, son côté trash était too much, il dosait mal ses vannes et il manquait quelque chose, le petit plus qui déstabilise, mais depuis qu’il cottoie son côté tendre, notamment avec la chanson Vivre sans l’amour d’un père, qui est une merveille de délicatesse, je dois avouer qu’il m’impressionne. Zedrus est une bonne leçon pour nous les professionnels de la musique, il ne faut jamais mettre une croix sur un artiste, leur laisser la chance de l’évolution. Lui, je l’avais enterré trop vite, depuis, son album tourne en boucle chez moi.
Moi aussi, j’ai vu et entendu Zedrus, il y a quelques années, 5 ou 6, peu importe.
J’avais été atterré par la « médiocrité », c’est mon avis, de son spectacle.
Je pense être large d’esprit, musicalement et « textuellement », mais, là, cela ne l’avait pas « fait » du tout.
Comme il y a que les « cons » qui ne changent pas d’avis, je vais écouté le nouvel opus du Romand qui me fait « tiquer ».
A Gérard Debard:
« Cher old-timer, heureux de vous relire, d’être pour une fois d’accord avec vous. J’ai été un peu déçu de ne pas vous voir à Montauban en 2011, où nous aurions pu poursuivre notre discussion sur Nicolas Jules !!!
En espérant vous y revoir cette année.
Cordialement. »
Juste pour signaler cet autre article, publié après coup, qui annonce la médaille d’or attribuée à Zedrus lors d’un des concours chanson les plus importants en Suisse. C’est à lire sur http://nosenchanteurs.com/2012/05/02/zedrus-en-or/
Connaissant l’exigence de ce concours-là, je me dis que Zedrus n’a pas dû être si mal que ça…
Moi j’aime Zedrus. J’aime qu’il ait son univers, j’aime qu’il nous propose quelque chose de différent, j’aime qu’il ne suive pas les modes et qu’il nous serve autre chose que la soupe bien pensante et lisse, j’aime qu’il soit pas toujours parfait sur scène, j’aime qu’il ne soit pas sous contrainte quand il répond à une interview, j’aime que ses textes soient rocailleux, j’aime qu’il ait une âme, j’aime qu’il n’ait pas peur du public et j’aime aussi qu’il estime que les femmes ont de l’humour, j’aime quand il fait preuve de pudeur pour évoquer l’amour et la tendresse, j’aime qu’il soit fragile comme tous les grands poètes, j’aime qu’il se foute du star system, j’aime qu’il prenne le risque de ne pas être aimé par tous, j’aime qu’il explose toutes les petites cases dans lesquelles on aime enfermer les artistes, j’aime qu’il ne soit pas un fonctionnaire du mot, j’aime qu’il s’autorise tout, tout le temps, qu’il soit sur le fil et que parfois il tombe, j’aime qu’il impressionne comme j’aime qu’il dérange, j’aime que les professionnels lui fassent confiance quitte à heurter un brin le public, j’aime qu’il ne prenne pas le public pour une oie à gaver, et j’aime ne jamais savoir à quoi m’attendre quand je vais le voir sur scène, j’aime aussi discuter avec lui après les concerts parce qu’il ne parle jamais de lui, parce qu’il s’intéresse à l’autre, parce qu’il n’est pas différent en dehors de la scène, parce qu’il cache ses failles sous une force de générosité, parce que c’est un artiste véritable à la Brassens, à la Reggiani, à la Brel, et que dans ce monde de la musique ces gens-là n’existent plus (plus depuis la mort d’Allain Leprest), ce modèle ayant été remplacé soit par l’artiste engagé qui gueule que la vie c’est de la merde (avec la variante je remplis mon porte-monnaie en chantant la misère des autres et je trouve juste ça normal parce que grâce à ça je finirai aux Enfoirés), soit par l’artiste fleur bleue qui gueule que l’amour dure toujours (avec la variante Bénabar l’amour ça dure pas toujours mais ça fait tsouin tsouin quand même), j’aime son dernier album parce qu’il est vrai, qu’il chante vrai, qu’il écrit vrai, qu’il provoque vrai. J’aime Zedrus pour tout ça. Je suis pas un professionnel de la musique, je suis juste public, pas grand chose en somme, sauf pour lui.