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Se rendant à Randan (la route aux quatre chansons)

Rémo Gary, Michel Bülher, Isabelle Aubret, Charles Dumont, Michèle Bernard et Yves-Ferdinand Bouvier (photo Roland Moulin /La Montagne).

Dimanche des Rameaux. Les vieux marchent à pas précautionneux mais décidés vers l’église, tous avec leur bouquet dans la main, plus qu’il ne leur en faut, largement de quoi se protéger dans un futur indécis. Le parking est à guichets fermés. Il est tôt ce dimanche mais la petite commune de Randan vit sa foi en une rare communion. En face, la salle de l’ancien marché ne s’est pas encore réveillée. Se fêtent ici tant le livre que la chanson, le livre de chanson. Les artistes sont lève-tard. Hier au soir, une partie d’entre eux sont allé se produire à La Capitainerie, très belle salle dans la petite commune de Joze. Michel Bühler, Rémo Gary, Sabine Drabowitch, Anne Sylvestre et Michèle Bernard (ainsi que Nathalie Fortin et Arnaud Lauras, le commandant de cette capitainerie, au piano) ont donné le meilleur d’eux-mêmes et c’est peu de le dire. Puis le grand repas, d’un raffinement exquis…

Michèle Bernard et Ane Barrier (photo Laurent Balandras)

Ils auront du mal d’être à l’heure ce matin. Edda, en bonne organisatrice en chef, est la première arrivée, à ouvrir la salle. A la réveiller, à préparer le café. Leny Escudéro est à l’heure, prêt à jouer du stylo et dédicacer disques et livres. Ses livres ? Deux recueils de ses chansons, parus chez Christian-Pirot éditeur. Pirot était un fidèle de La Chanson des livres de Randan, avec chaque fois son étal de livres pas comme les autres, fait avec l’amour de la chanson, avec l’amour du livre, du vrai, dont l’encre et le papier se hument longtemps, pages qu’on palpe, qu’on tourne avec précaution et respect. Pirot est mort et tous ses bouquins sont passés au pilon, sans autre forme de procès. Ne reste qu’un site désespérément figé dans un flamboyant passé.

"C’était tout c’qu’elle avait, pauvrette, comme coussin" (photo Serge Féchet)

Hormis Lény, les deux vedettes de cette dixième édition sont sans conteste Isabelle Aubret et Charles Dumont, les deux seuls d’ailleurs à s’affranchir de la vie de groupe, de cette confraternité d’artistes, englués dans leur statut, dans leur image, dans une grande solitude qui contraste tant avec cette foule d’admirateurs qui attendent leur précieuse et sainte dédicace. Dumont qui ne regrette toujours rien, Aubret pour qui c’est toujours beau la vie, sont stars pour deux jours. Il y a là, outre les artistes déjà cités, l’ami Bertin qui fait le Jacques, très pince sans rire d’un humour fou. A ses côtés, Ane Barrier, la veuve au Ricet, qui prolonge la fidélité de son mari à cette fête, toujours présent, sans jamais le moindre mot d’excuse. C’est pas demain que le souvenir du Ricet s’estompera… Il y a aussi Kitty, la veuve au Bécaud, le dessinateur José Corréa, Bruno Théol… Et Jean Dufour, un grand personnage de la chanson s’il en est, un type bon comme le bon pain, un mec bien. Lui, Laurent Balandras, Yves-Ferdinand Bouvier… Patrick Piquet aussi, pour « Le temps d’amour », très beau livre-disque sur Gaston Couté, concocté avec l’ami Pierron il va de soi. Et Kemper, votre serviteur, qui toute la matinée dessine les poissons du premier avril et les colle dans le dos de ses copains. Qu’ils sont beaux Dufour et Escudéro avec leurs poissons ! Isabelle Aubret, elle, se colle le poisson entre ses seins : « C’était tout s’qu’elle avait, pauvrette, comme coussin. » Blagues, rires, ambiance bon enfant et, de temps à autres, un bouquin vendu, une belle dédicace, la fortune qui vient.

Yves Vessiere et Jacques Bertin (au fond, Coline Malice). Photo Christian Valmory©Vinyl

L’après-midi sera rude. Un public nettement plus important, certes, mais aussi la difficile digestion. Du festin de la veille et du cochon de lait de ce midi. Mais cochon qui s’en dédit, nous sommes les forçats de la dédicace. Seule Ane ma sœur Ane, en habituée des lieux, avait prédit le coup, qui dédicace les disques de son défunt mari par l’empreinte de la signature du Ricet qu’elle poinçonne sur le livret. On se rue sur les stars. Franchement, Charles Dumont ne regrette pas d’être venu. Même les fanzines se targuent de leur nouvelle notoriété : « Le Club des années 60 », « Je chante », « Vinyl », que du beau et du solide d’ailleurs, du testé, de l’éprouvé. Mais des chansons qui ne savent que rester dans les livres, c’est un peu triste. Fortiche, la Fortin sort son petit piano autour duquel s’agglutinent nos amis chanteurs : les Sylvestre et Bühler, les Bertin et Bernard, Coline Malice et Sabine Drabowitch, Yves Vessière, Kandid, Rémo Gary… Pas les stakhanovistes de la dédicace, non, qui eux signent à tour de bras, à s’en fouler le poignet.

Leny Escudero, autre chouette type (Photo Christian Valmory©Vinyl)

Belle journée vraiment, belle fête. C’est trop beau, c’est trop bien, on reviendra, Edda. D’ici là, Dumont aura pondu son troisième tome, qu’il ne regrettera toujours pas.

Une réponse à Se rendant à Randan (la route aux quatre chansons)

  1. Gérard PIGNON 2 avril 2012 à 9 h 01 min

    C’est de là, des coins de province, par tous les bénévoles de la France que, quand on y est pas, l’on dit d’en bas, la chanson, la vraie, vit.

    Hier, c’était aussi le dernier jour du festival Chant’appart 2012. Un final en fête avec Jeanne Plante, Flow, Jehan, Thierry Chazel et Lili Cros, Zama, les Delfes, Claire Danlalune. Un point final (avant l’année prochaine) à 2 mois en chansons dans tous les coins et recoins des Pays de la Loire: 85 spectacles dans les salons, les garages, les châteaux, les hôpitaux, les lycées, les structures pour personnes handicapées, les maisons de retraites. 2 mois de de découverte ou re-découverture, de communion avec un public qu’on ignore souvent.

    Bref, 2 mois de bonheur et de jubilation…

    http://www.chantappart.fr/

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  2. Eric Courtial 2 avril 2012 à 9 h 50 min

    Ce salon fut un rendez-vous exceptionnel. Les habitants de la bourgade Arverne se pinçaient, en croisant Isabelle Aubret se rendant à la pharmacie… de Randan. Ou encore Anne Sylvestre sur le parking de l’orangerie d’un château randannais encore embrumé par un dimanche matin frisquet, qui flânait sous les platanes. Un peu comme si l’écran du tube cathodique de la vieille téloche s’était fissuré, laissant s’évaporer dans la nature les images (très) anciennes de ces personnalités parisiennes que l’on croyaient inaccessibles. Le prêtre qui, habituellement rame tant pour remplir son église a cru un moment que ce dimanche des rameaux lui amènerait un public de vedettes. Mais non. Mais non. La foi païenne poussait déjà les spectateurs vers les artistes, les auteurs juste en face de l’église. Si la salle de l’ancien marché ne bruissait plus de l’émission de radio de la veille, retransmise en direct sur des enceintes à remplacer d’urgence, les visiteurs, lecteurs, fans et groupies, sans hystérie, étaient bien là pour cette grande messe de la chanson. Le bal des Livres et des livrets de cd c’est déroulé dans une ambiance quasi religieuse. Le quadra cadre sup, dur au travail toute la semaine, si intransigeant avec les autres attendait sagement son tour, ses yeux d’ado revenus, pour recevoir en offrande le sourire de la diva Isabelle, et la dédicace dans un livre qu’il ne lira jamais. Ce salon, qui le temps d’un week-end réussit à attendrir les hommes mériterait d’être classé d’utilité public. Vivement l’année prochaine avec, pourquoi pas Hallyday au bistro de Randan, attendant son pote Eddy. Vive la chanson française !
    Eric Courtial

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  3. J. Michel Tomé 2 avril 2012 à 16 h 27 min

    Fidèle des lieux, c’est le samedi que je me rends à Randan, étant très occupé le dimanche. Comme tous les ans une pléiade « d’artistes », d’amis, que j’ai plaisir à retrouver, parfois après un an, date du précédent salon et découvrir aussi d’autres talents. Mon regret : le peu « d’Allier nés ». A voir pour que nous puissions aider cette magnifique organisation à se faire un nom dans le Bourbonnais où nous aimons aussi la bonne et belle chanson. Je suis triste d’apprendre, malgré mes trois heures passés a Randan, le décès de Pirot, un être extraordinaire. J’étais étonné de son absence. Pour répondre au précédent commentateur, Je ne pense pas que des personnages comme Hallyday soient dans la lignée des organisateurs : à Randan c’est du pur, du sincère, du généreux, de l’humain en résumé. Un grand merci à l’équipe de cette manifestation unique en son genre qui ne mérite que de se pérenniser et de rester dans cette dimension humaine qu’on aime tant.

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  4. Noëlle Delétang, Présidente 2 avril 2012 à 17 h 44 min

    Merci de l’intérêt de vos articles et de montrer que Christian Pirot n’est pas oublié, il a en effet été l’âme des débuts de Randan, ouvrant généreusement le carnet d’adresses de ses auteurs aux organisateurs du festival et ne manquant aucune édition de cette manifestation. Christian est décédé brutalement en octobre 2010.
    Mais je tiens à faire une rectification importante : ses livres ne sont pas allés au pilon, mis à part quelques tirages anciens. L’association Les Vagabonds, créée par ses soins, veille à ce patrimoine exceptionnel. Pour des raisons budgétaires, les éditions ont été cédées à l’imprimerie-édition La Simarre, partenaire de trente ans de Christian Pirot et les Vagabonds sont le conseiller littéraire de La Simarre. Prochaine sortie : « Avec Brassens » de Pierre Louki, dans une édition revue et augmentée avec la complicité de son fils Georges Varenne.
    Pour toute question, n’hésitez pas à nous contacter : lesvagabonds@sfr.fr

    Réponse : Que voilà donc une bonne nouvelle : mea culpa donc, ce qu’on m’a dit n’était pas tout à fait exact, loin s’en faut même, et je m’en réjouis. Vous avez raison de parler de « patrimoine exceptionnel », l’ancien typographe et amateur de chanson que je suis ne peut que confirmer. Faites-nous parvenir vos nouveautés, tenez-nous au courant de votre actualité, nous en ferons écho. Merci. MK

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  5. bonifassimaminane 2 avril 2012 à 21 h 36 min

    Ah ! lala, il n’est pas fréquent que je laisse un commentaire ici ; je me contente de lire et je suis très heureuse du billet de « Nos Enchanteurs ». J’attends chaque jour, parfois deux, comme l’enfant qui quémande une friandise. C’est formidable cette quantité d’informations qui nous est donné de recevoir. Malheureusement il est difficile de toujours se déplacer, la faute à l’éloignement, au coût, au temps, à la santé, etc. Dommage sniff… snifsss. Et comme disait la chanson « passe passe le temps, il… ……….. »

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  6. Jean Michel Tomé 3 avril 2012 à 8 h 31 min

    Bien que je ne voyais Christian Pirot qu’à Randan chaque année, j’ai eu quelques larmes en lisant le texte de Michel. Mes parents qui me suivent sur ce festival ont été très touchés quand je leur ai annoncé la nouvelle et surtout que ses collections avaient été pilonnées. Collectionneurs de la chanson, je trouvais toujours un livre chez lui pour agrémenter ma bibliothèque. Merci « Les Vagabonds » de sauvegarder ce patrimoine, et si vous devez un jour reprendre le bâton de pèlerin, sachez que les portes des Rencontres de la Chanson Francophone de Prémilhat vous seront ouverte avec la plus grande amitié. Une bonne nouvelle, si on peut le dire ainsi, en cette frisquette matinée.

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  7. christian valmory 4 avril 2012 à 14 h 48 min

    Je ne suis arrivé que le dimanche, mais le texte de Michel est un croquis fidèle de ce salon.
    Les organisateurs, avec Edda Matillon en tête, sont vraiment des hôtes exceptionnellement gentils et efficaces. Et Michel a des talents de fabricant de poissons très au-dessus de la moyenne.
    Christian Valmory

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