Francesca Solleville, entre Aigues et lui
« L’homme qui tient encore debout / Est venu se pendre à mon cou
Et je n’ai pas su me défendre / Je l’aimais déjà voilà tout. »
(Yvan Dautin)
Le nouvel album de Francesca Solleville est celui des ultimes chansons d’Allain Leprest. Lui qui, comme la rousse du dico, a semé à tous vents, pose ici ses derniers mots, écluse ses derniers vers. Et en écoute au loin les derniers échos… A plus d’un titre, par cinq chansons, il tient la corde. Et Francesca d’en être le porte-voix, « sans filet » comme le lui souffle Piton : « Corde raide tendue au bord de votre gouffre / Sous vos regards inquiets je fais mon numéro. » Leprest fait le sien : « La langue bleuie les bras ballants / pesant d’oubli, le cœur moins lourd / Trois p’tits tours autour d’un nœud coulant (…) Priez pour les morts d’amour » que, fatalement, on retiendra. L’Allain et ses adieux ne sont pas seuls au menu de Solleville, loin s’en faut. Même marqué du sceau de ce mort d’amour, cet opus est malgré tout rare festin. Jean-Michel Piton déjà nommé, Thomas Pitiot (qui lui donne la chanson-titre), Anne Sylvestre, Michel Boutet, Jofroi, Bernard Joyet, Gilbert Laffaille, Rémo Gary, François Morel, Guy Thomas, Yvan Dautin, Michel Bühler, Michèle Bernard, Philippe Geoffroy, même les Hurlements d’Léo qui signent ici deux titres. Y’a du monde chez cette dame pour qui on a plaisir à offrir ses rimes, pour ce qu’elle est, pour ce qu’elle en fera. S’afficher à son répertoire c’est au passage gagner un peu d’éternité, une part d’anthologie. A quatre fois vingt ans, Francesca se prend même un sacré coup de jeune avec une tonalité rock que lui apporte le groupe de Kebous. Un rock n’roll sans doute loin des non-préoccupations des rockeurs de bonne famille, qui acte s’il le fallait encore la colère et la résolution, les combats de Francesca. Sous vos pieds est une des chansons les plus intéressantes de ce nouvel opus ; l’autre des Hurlements d’Léo fait le bilan comptable d’une vie de combats et d’amours : tout Francesca ! Autres p’tits nouveaux dans le cercle des auteurs de la dame : François Morel (Papa, bouleversante chanson sur la violence paternelle que Morel avait gravé sur sa Collection particulière de 2006), Michel Boutet, Jofroi (très beau tango sur les reconduites à la frontière), Michèle Bernard aussi.
Le tout fait Francesca, belle chanson, beaux textes (de la haute couture assurément) qu’on prendra bien soin d’écouter, pas nécessairement en enfilade tant le menu est copieux, trop sans doute. Mais j’insiste : c’est quand Francesca se raconte, certes par les mots d’autrui, fait son presque bilan de vie, qu’elle atteint des sommets d’émotion et de puissance. Par Jean-Michel Piton : « J’aurai passé ma vie sur mes cordes vocales / A glisser sur les mots comme on fait sur un fil / Où le moindre faux pas est une erreur fatale / Vous y perdez la face pour faire bon profil / C’est toujours sans filet / Que j’y funambulais » ; par Michel Bühler : « Même si l’heure est parfois à la désespérance / Attendu que la frime gouverne et fait sa loi / Même si les années dans lesquelles on s’avance / Ont la couleur du triste et du chacun pour soi / Je me bats » ; par ces Hurlements d’Léo : « Je veux vivre sous vos pieds qui foulent ma poussière / Je veux vivre sous mes pieds, tour à tour échanger / Ne pas partir comme ça / Comme le sang des terres / Vivre encore une fois / Nos idées libertaires ! / Et mes deux pieds sur terre ! »…
C’est un disque étrange et beau. Qui se conjugue pour partie à l’imparfait et d’où, malgré tout, se profile l’espoir. J’ai comme dans l’idée que ce n’est pas demain la veille qu’on se passera de Francesca…
Francesca Solleville, La promesse à Nonna, 2012, EMP. Le site de Francesca, c’est là. Et Francesca sur NosEnchanteurs, c’est par là. Francesca Solleville sera en concert les 5 et 6 mars 2012 à l’Européen, à Paris.
J’ai vraiment hâte de le recevoir car un disque de Francesca est toujours un événement pour nous qui aimons, sa voix, son interprétation… Toujours des belles chansons servies par les textes de merveilleux auteurs.
Elle a de la chance, Francesca, d’être ainsi si bien entourée…
Commentant le billet « Les stars et la loi du marché noir », Michel Trihoreau citait « l’expérience des Chant’Appart en Vendée ». Pour faire le lien avec les auteurs de Francesca Solleville cités dans ce billet je signale la présence chez l’habitant de Yvan Dautin en compagnie de Katrin’Wal(d)teufel ce samedi 25 février à Ingrandes-sur-Loire (49).La veille, Yvan Dautin sera aussi présent sur l’île de Noirmoutier dans le cadre du 18ème festival Chant’Appart qui bat son plein depuis le 3 février jusqu’au 1er avril. Plus d’infos et programme détaillé sur ww.chantappart.fr .
Et à quoi ressemblent les mélodies, les arrangements ? Il n’y a pas que de paroles quand même ! Les musiques sont toutes de gens très différents,
Quel effet cela donne ? Et la voix, elle est comment ? N’oublions pas qu’un album est avant tout « un son », davantage qu’une intention abstraite, avec des sujets de chansons.
Décidément Mr Delorme, vous avez de ces questions !
On parle d’un chanteur d’une chanteuse de ses textes, mais la voix, la musique, le son, cela s’écoute non ?
Votre commentaire, c’est n’importe quoi !
Il me semble que ce papier sur Francesca est clair.
Faites vous votre propre opinion en l’écoutant…
Allez, s’il vous plaît, pas de chahut autour des mots de Michel qui simplement nous donnent fortement envie d’ECOUTER !… et sans doute aussi de méditer sur l’Histoire de la chanson, sur l’acte de création qu’elle sous-entend, cette alchimie entre un texte, une musique et la voix qui emportera le tout. Quand j’ai vu et entendu cette dame la première fois, j’ai été très impressionnée par la fougue, l’ardeur de cette femme debout ! Prenons tous un peu de sa bonne graine !
Les questions de Delorme sont tout a fait pertinentes, on parle d’un cd pas d’un bouquin. On sait tous à quel point une musique peut rendre attrayante un texte débile (voir disco, yéyé et compagnie), tout comme un mauvais arrangement peut gâcher le plus magnifique des textes.
A ce moment là Odile, les paroles aussi ça s’écoute, alors il faudrait ne pas en parler ?
Moi je suis curieux d’entre les arrangements, surtout au vu de la difficulté qu’ont les artistes comme Francesca a trouver les fonds pour sortir un nouvel album. Combien y a-t-il de musiciens et d’instruments ?
J’aime, Mr Delorme, votre quête de l’article idéal, du blog idéal, sans doute du magazine idéal, qui parleraient tous de chanson, mais de manière parfaite, sans rien négliger, sans rien éluder. Qui fouinerait dans tous les coins des paroles, dans tous les notes des musiques. Des billets d’esthètes. Qui analyseraient tout, sans ces émotions qui gâtent l’analyse. Mais je ne sais pas si je lirais ces textes parfaits, qui sans doute m’ennuieraient. D’un disque à l’autre, Mme Solleville n’innove guère dans ses choix musicaux, et ce n’est pas un reproche de ma part. Le choix qu’elle fait encore de ses auteurs (Piton, Bernard, Jofroi, Joyet, Sylvestre, Laffaille, Pitiot…) m’informe bien sur la dimension musicale de ce disque. Mais j’apprends en plus, par ce billet, qu’elle chante sur une musique rock (!) et ça m’intrigue. En lisant cette critique, j’ai eu l’impression d’entendre un peu de ce disque (dommage qu’il n’y ait pas de vidéo cette fois-ci). Ça me suffit.
Un poème d’Aragon , une interprétation et une voix magnifique, une musique discrète qui porte bien le texte, ça suffit à mon idéal de bonheur musical et à l’envie de découvrir : » La promesse à Nonna » …Merci pour ces infos .
http://www.youtube.com/watch?v=ZyuaDoDHXFg&feature=player_detailpage
Non, non Madame, mon commentaire n’est pas n’importe quoi, enfin vous avez le droit de le penser, mais c’est une ânerie.
Savez-vous que dans le domaine de la musique classique ou du jazz, il existe des critiques très affûtés (plus que dans la chanson) pourtant il n’y a pas de texte, juste de la musique. Pourquoi quand on parle de chanson ne pourrait-on pas parler de musique aussi?
Non, Madame, je ne souhaite pas lire ici des billets « d’esthètes », un article idéal, mais des billets qui parlent de chanson simplement, c’est-à-dire de paroles et de musique.
Et non, Madame, l’analyse n’est pas incompatible avec l’émotion, elle permet d’avoir des émotions plus sûres, plus justes et parfois de ne plus prendre les vessies pour des lanternes. Elle permet au moins de mieux comprendre ce qu’on aime.
Quant à ma demande elle vient du fait que ce qu’il y a d’extraordinaire dans ce disque est d’être celui d’une interprète qui chante des auteurs-interprètes différents, c’est aujourd’hui assez rare, et à moins que ces auteurs-composteurs ne se ressemblent tous on peut s’interroger sur ce que deviennent ces différences interprétées par une seule et même voix. Que deviennent les styles de chacun ?
Mais je m’arrête ici, je m’en voudrais de gâcher vos émotions.
Je n’ai pas envie d’entrer dans vos querelles qui me paraissent bien dérisoires. Chacun voit midi à sa porte et c’est bien comme ça. Pour ma part, j’attends de recevoir le CD pour me faire une opinion. Mais je sais que, d’une manière générale, je fonctionne plus à l’émotif qu’à l’intellect (qui est chez moi très peu développé !)
Gérard DEBARD
Il me semble que la polémique est vaine. D’abord parce que Piton, Joyet, Gary, M. Bernard, et les autres sont de sacrés beaux mélodistes. Piton interprète aussi « Sans filet » et c’est une merveille…
Et puis la querelle analyse ou émotion, nous savons bien que les deux fonctionnent à plein si on n’y met aucun préalable. La même chanson peut tirer des larmes et conforter un engagement, une raison de vivre (Michel Bühler…).
J’attends également avec impatience l’arrivée du CD dans ma boite.
Rappel en forme de pub : Francesca viendra à l’invitation de l’association Puce & cie. interpréter ses chansons le samedi 12 mai à l’ »Annexe », le restau-cabaret que nous animons à Ivry.
Et surtout, rendez-vous à l’Européen !!!
Moi, ce que je ne comprends pas c’est pourquoi les questions de Pierre Delorme déclenchent une polémique et quelques commentaires agressifs. Ses questions me paraissent fondées, c’est-à-dire pouvoir être abordées dans une chronique consacrée à la sortie d’un CD. On a parfois l’impression d’être dans le domaine du religieux, du sacré, qui ne tolère comme attitude que de se mettre à genoux et de crier au sublime.
Beaucoup aiment Francesca Solleville et il est vrai que ses auteurs, sur ce dernier CD, sont de grands auteurs de chansons, mais pourquoi ne devrait-on pas évoquer les mélodies, les arrangements, etc., comme pour n’importe quel autre artiste d’ailleurs C’est curieux…