Djamel Allam, le frère étranger
Né dans une ville de bord de mer, en Kabylie, il s’initie dès l’enfance au répertoire « chaâbi » et andalou. Et fera bien plus tard des passages remarqués dans des groupes « modernes » dans sa région. Il quitte un beau jour Bejaïa pour Marseille où il sera un temps machiniste dans un théâtre, lieu idéal pour y croiser, ne serait-ce que le temps d’une soirée, Brassens et Lapointe, Moustaki… Et Ferré. Lavilliers, un temps marseillais, l’encourage à monter à Paris, dans ces fameux cabarets de la rive-gauche. De retour au bled, il devient directeur artistique d’un cabaret dans la banlieue d’Alger, y conviant à son tour des Marc Ogeret et autres Léo Ferré… C’est à Alger qu’il fera sa première grande scène, en première partie d’Areski et Brigitte Fontaine. Mais c’est en France qu’il sort ses premiers albums, chez Sibécar-L’Escargot : Mara-dyoughal en 1973, est largement plébiscité par les médias et le public. S’ouvre une décennie de grande notoriété dans l’Hexagone. Sortent Les rêves du vent en 1978, Si Slimane en 1981 (prix de la Sacem et prix de la jeune chanson internationale) et Salimo en 1985, rien que de mémorables titres… Puis départ pour l’Algérie, la mère-patrie, et, malgré quelques retours en France, une carrière qui se brouille, un artiste qu’on oublie (malgré une jolie compile acoustique, Le chant des sources, en 1995), comme tant d’autres de ces années-là. Et on passe à d’autres représentants de la world-music, dont Djamel Allam le berbère fut quand même un des dignes précurseurs. Dommage. Voici son nouvel opus, pressage algérien sorti en France en 2009, mais discrètement, en même temps qu’un live, occasion s’il en est de renouer avec un chanteur solide, à la chaude voix, à la poésie immédiate. Sauf un texte, en français, d’Amrani, tout est en v.o. Les traductions sur le livret nous livrent, elles, un souci de tous les instants quant aux proches, aux anciens comme aux jeunes, aux amis, à l’autre aussi : « J’ai un étranger pour frère / Mon pain est honoré / Et de mon eau s’est abreuvé. » Disque sensible, chaleureux, intime même s’il y a pléthore de musiciens (plus de quarante, et Khaled en duo sur un titre), joliment bouleversant, humain.
Djamel Allam, Le youyou des anges, AARC/Diffusion Belda. Le site de Djamel Allam. (ce billet est la version augmentée d’une chroniqué parue l’an passé sur le Thou’Chant)
Michel Bühler a consacré une belle chanson à Djamel comme cadeau pour l’ouverture d’une série de concerts, et à ce que Michel appelait « le racisme quotidien » que Djamel et tant d’autres ont pu vivre. Michel n’a jamais eu sa langue dans sa poche !