Interview : Hugues Aufray
Restons, au moins pour partie, sur Graeme Allwright. Extrait de mes archives presse, cet entretien téléphonique avec Hugues Aufray, de juin 1998. Il est entendu, plus encore avec Aufray, que les propos de l’interviewé ne sauraient engager le journaliste. Cette version est l’essentiel de ce qui avait été publié alors dans les colonnes de La Tribune/Le Progrès : le reste était du même tonneau…
M. KEMPER : Ça fait quelle impression d’être une partie de notre patrimoine chanté ?
HUGUES AUFRAY : « Pour gagner ma vie, à vingt ans, plutôt que d’aller décharger des cageots aux Halles comme faisaient les étudiants, je chantais dans des cabarets. Je gagnais beaucoup plus d’argent que les autres. Ça a duré dix ans. Et vous connaissez la suite. Mais je n’ai jamais eu pour objectif de devenir chanteur, je ne me suis jamais pris au sérieux et, aujourd’hui, quand je contemple ces quarante années passées, je découvre un artiste pour qui ça a commencé par une chanson, puis deux puis trois, qui a grimpé et qui a eu du succès. Je ne m’en suis pas aperçu. Et je ne me suis jamais rendu compte que je rentrais dans le patrimoine, que mes chansons étaient enseignées dans les écoles. J’ai vécu mon succès avec une indifférence scandaleuse. J’ai eu beaucoup de chance et je n’ai jamais été reconnaissant envers le destin. Je le suis maintenant. Vous savez, les français sont ingrats, très ingrats. Ce sont des révolutionnaires et il n’y a rien de pire qu’un révolutionnaire. Moi je suis un révolté, pas un révolutionnaire. Les chansons françaises de ma jeunesse ont toutes été foutues au panier, y’en a plus une qui reste. Autrefois on chantait Paimpol et sa falaise ou Là-haut sur la montagne était un vieux chalet et tout ça a été jeté, sans raison. Aujourd’hui ce sont mes chansons qui les ont remplacées. Je suis devenu un peu le Théodore Botrel, le Bruant de l’époque, quoi ! »
Vous avez fait nombre de traductions du patrimoine américain, de Dylan en particulier…
« Le rôle que j’ai volontairement joué c’est celui de métissage, travail qui est souvent sous-estimé et qui pourtant a été déterminant pour l’évolution de la chanson française. Je revendique cela parce qu’il fut un temps où on nous reprochait d’adapter la chanson américaine en France. Or on est beaucoup plus près de la culture américaine que les gens ne le croient. Les américains nous amènent une musique que les jeunes aiment, qui pénètre et fait changer progressivement le fond de l’expression. C’est ce qu’on appelle la mondialisation et je ne vois pas ce qu’il y a de choquant. »
Sur des mêmes textes de Dylan, vos traductions et celles de Graeme Allwright sont très différentes. Ainsi L’homme dota d’un nom chaque animal…
« Là, ça me gène un peu de vous expliquer pourquoi… Bon, je l’ai refait parce que je trouve qu’elle était très mal traduite. Graeme Allwright n’est pas français : on ne peut pas lui reprocher. C’est un chanteur australien ou américain, je ne sais plus très bien d’où il est… C’est pas très bien traduit, les mots ne swinguent pas très bien : il n’a pas trouvé, il n’a pas résolu le problème des rimes. Moi j’ai tout mis, tout rime entièrement. Il me semble que j’ai essayé de faire mieux, quoi. C’est comme Le souffle du vent (Blow in the wind) : le texte que chantait Richard Anthony était très faible, très faible. Je suis obligé d’être modeste mais de vous dire le fond de ma pensée : si le texte était bien, je ne me serais pas permis de le refaire. « Pour toi mon enfant / Dans le souffle du vent / La réponse est dans le vent » c’est formidable ce que j’ai trouvé là ! Si Dieu existe c’est lui qui m’a dicté ce texte. Si vous comparez le texte que chantait Richard Anthony et le mien, vous verrez la différence. J’ai essayé, moi, de redonner à ce texte une ampleur biblique. Vous savez, je peux faire à la Sorbonne une explication de mes textes. »
Qui a-t-il d’intéressant, selon vous, dans la chanson française d’aujourd’hui ?
« Y’a deux chansons de Souchon, une des Innocents, une autre de l’Affaire Louis-trio… je ne sais pas. Je veux garder ma liberté, je ne veux pas être dans un système. Je connais des chansons de Léo Ferré qui sont nulles, des chansons de Jacques Brel sans intérêt. C’est parce que c’est Brel qui les a composées qu’il fait dire que c’est formidable. Personne n’est à l’abri… Si, permettez-moi de vous dire qu’il n’y a pas une chanson de Brassens qui soit faible, pas une qui soit ratée. Brassens est l’exception qui confirme la règle. C’est la perfection absolue. Je suis un libéral. Quand on dit « libéral » les gens pensent à « libéralisme sauvage ». Moi qui connais les animaux, je dis que la loi de la jungle c’est une loi absolument merveilleuse qui permet à tout le monde de vivre et de cohabiter. Je suis un libéral, comme Brassens, qui est un authentique anarchiste libéral : c’est mon idole, c’est mon dieu !
Merci pour cette interview. Hilarant ! À côté, même Dick Rivers sonne humble.
Hélas ce sacré Hugues a, chaque fois, allègrement massacré Bob Dylan, qui de toute façon ne passe pas du tout en français. À comparer avec l’humilité d’un Yacoub, vrai artiste, lui.
Bonjour,
C’est, sans nul doute, avec un plaisir narquois que vous nous présentez cette interview de Hugues Aufray, après avoir écrit un article sur Graeme Allwright, article dans lequel vous parliez de « l’art ripoliné et commercial de Hugues ».
L’interview est effectivement intéressante, dans le sens où l’on découvre un personnage qui ne souffre pas de modestie et qui ne tient pas ses pairs en haute estime -Brassens excepté-. Logique dans ce cas qu’il ne connaisse pas le pays d’origine de Graeme !
Fallait-il voir autre chose dans cette interview ?? (!)
Autant j’ai apprecie Hugues Aufray durant sa carriere, autant je suis decu de lire ses remarques dans cet article. Bien evidemment qu’un auteur-compositeur peut avoir ecrit des chansons excellentes et d’autres moins.J’aime beaucoup Brassens, mais je ne suis pas certain que tout soit de la meme force dans son repertoire. Il faudra qu’on arrete un jour de deifier les artistes. Quant a l’adaptation de cette chanson de Dylan par Graeme Allwright, non ce n’est pas parfait, mais il y a une question de rythme et de sons, et d’accent .Le swingue est loin d’etre aussi mauvais que le pretend Hugues . De toute facon on ne peut pas transcrire « Man gave name to the animals » en francais avec exactement le meme nombre de syllabes et de mots.
Enfin, quelle autosatisfaction pour ses oeuvres, Monsieur Aufray. Oui, c’est vraiment decevant…
Pas très modeste en effet. Cependant je ne serais pas aussi dur que Joan : les adaptations de « Don’t think twice it’s all right » et de « Girl from the north country » ne sonnent pas mal en francais. Et le sens n’est pas si éloigné du texte original. Je ne connais pas les autres adaptations qu’Hugues a pu chanter de Dylan. Mais ça sonnait moins bizarre que ce qu’avait fait Serge Kerval par exemple, qui était néanmoins un grand interprete. Par contre, il me semble que Pierre Delanoé a eu aussi un rôle dans ces adaptations… L’ignorance des origines de Graeme Allwright est quand même curieuse pour un chanteur qui a touche au folk !
Oui,ce bon Hugues Aufray est vieux, il déraille un peu et il dit des conneries, (qui n’en dit pas?
). Cependant je suis d’accord avec Henri Schmitt, La fille du Nord et N’y pense plus tout est bien, ça n’était pas mal du tout. (certaines autres adaptations de Pierre Delanoë furent moins convaincantes, à mon avis).
Je serais moins indulgent avec la promptitude d’ Hugues Aufray à signer de son nom des mélodies du folklore, notamment latino-américain!
Remarque Dylan, a piqué beaucoup aussi ( y compris la mélodie de Blowin’ in the wind, dixit Pete Seeger, et si encore il s’était limité à cette seule chanson…)
Non c’est pas possible !
Ne me faites pas croire que Hugues Aufray a fait réellement cet interview. Ses réponses sont contraires à l’esprit folk qu’il a toujours eu. Je pense, et c’est courant à notre époque, qu’on cherche à créer le buzz.
Laissez tomber la neige çà nous fera des vacances !
Réponse : Cette version, absolument authentique, est celle qui a été imprimée alors dans les colonnes du quotidien La Tribune-Le Progrès, dans son édition « Ondaine ». Elle n’était qu’une partie d’une interview téléphonique bien plus longue… et bien pire encore. C’est un simple document sur un blog spécialisé dans la chanson, pas un appel au buzz dont du reste je ne suis pas particulièrement coutumier. NosEnchanteurs n’est pas Morandini. Désolé. MK
En fait Hugues n’a pas trop foiré ses adaptations de « Blowin’ in the wind » et « Girl from the north country » que parce que les textes originaux sont déjà très simples.
Mais après c’est une Gross Katastrophen, et tout ce qu’a adapté Hugues de Dylan (qu’il a , n’est-ce-pas « fait découvrir à la France », voire même qu’il a carrément découvert à Greenwich Village…:-))est un massacre éhonté commis au départ, comme le dit Henri, par ce vieux réac de Delanoë. Delanoë, cette vieille ganache du chobiz, traduisant Dylan, ça en dit long sur l’éthique de ce milieu.
Après la disparition du vieux Scrongneugneu, ce fut pire encore, Aufray ou un de ces paroliers traduisant par exemple le « How does it feel » du refrain de Like a Rolling Stone, par… »comme une fille »…Texto. Et le tout orchestré avec avec autant d’inventivité qu’un orchestre de bal de Saint-Médard-Les-Oies.
Non décidément Hugues Orfraie n’est qu’un oiseau du chobiz de plus,un ex-beatnick de plateaux télé, un opportuniste à la vanité proportionnelle à sa flagrante absence de génie.
Chère Joan, je découvre aujourd’hui votre commentaire, vous avez un point de vue sur Delanoé, c’est votre droit, sachez toutefois que toutes les traductions des chansons de Dylan ont été validées une par une par Dylan et ses avocats, Aufray tenait à ne pas trahir l’auteur, et Delanoé n’était pas partant pour le faire seul en raison de son anglais scolaire. Aufray connaissait mieux « l’anglais américain » pour avoir vécu plusieurs années aux USA. (il s’agit de l’album de 1964)
Il y a eu une seule erreur, avec Tambourine man, mais Dylan a trouvé ça marrant et l’a validé. Dans l’argot de l’époque aux USA, le tambourine man c’est celui qui passe vendre « du rêve » si vous voyez de quel rêve il s’agit. Aufray étant un rêveur musical, il a traduit par musicien … Donc ce que vous évaluez comme un massacre a été accepté et validé par Dylan, à une époque où personne ne le connaissait en France, et il n’a jamais renié ces traductions. Votre point de vue sur Hugues Aufray serait donc valable pour Bob Dylan.
et en effet, en 1964, c’est bien grâce à Hugues Aufray que Dylan a été diffusé en France, et qu’il est venu faire des concerts. Pour le reste chacun ses détestations, mais les faits sont les faits. Ne vous en déplaise.
faut pas exagérer, c’est pas où vont ces filles qui sont la traduction, mais où vont ces files ( devant l’Anpe) ces foules sans nom et sans domicile…
Un cabotin comme beaucoup d’artistes vieillissants, mais tout de même de belles chansons, et ce « vieux réac » de Delanoë a tout de même écrits quelques une des plus belles chansons françaises , comme » Mes mains » et » Et maintenant » pour Bécaud, » De Pantin à Pékin » pour Gréco , « Je n’aurai pas le temps » pour Fugain, et pour Hugues Aufray » Le rossignol anglais » et « Les crayons de couleur » , entre autres .
Pierre Delanoé était un type très « contrasté » et souvent il était interviewé dans un état que nous dirons un peu imbibé, ce qui le menait à dire n’importe quoi, voire à se contredire. Avec des propos outrés. Mais dans un état normal, il était beaucoup plus intéressant que les extraits déformants qui en font un vieux con réac. Surtout les derniers temps… Je l’ai rencontré, dans une librairie où il dédicaçait un livre avec Alain Poulanges, en 1998 ou 99, très intéressant et loin de l’image caricaturale décrite un peu plus haut.