Foulquier, petites choses et grande forme
Ah ! Foulquier ! Brutalement débarqué de France-Inter, l’ami de la chanson et des chanteurs (et créateur des Francofolies de La Rochelle) n’a évidemment jamais été remplacé : il n’a pas d’équivalent ! C’est dire le plaisir de le revoir, cette fois-ci sur une scène, en un statut d’artiste qu’on ne lui savait plus.
La première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules de Philippe Delerm, mise en scène de Marc Rivière, 25 mars 2011, salle Daquin à La Ricamarie,
C’est un empilement, une somme de gestes et de pensées, de moments jamais importants et fondamentaux à la fois, de l’aube au crépuscule, où jamais rien n’est ridicule mais si banal, si coutumier, des situations qui fleurent bon une étrange nostalgie. Le goût du pain et l’odeur du café, le journal qu’on lit le matin, les légumes qu’on épluche, « l’écossage des petits pois, gousse à gousse, les mnaches retroussées », le porto qu’on accepte par politesse, le gâteau du dimanche qu’on tient comme un pendule au sortir du magasin, ce resto où sans prudence on fait bombance, l’odeur des pommes, la première gorgée de bière (« c’est la seule qui compte. La dernière, peut-être, avec la désillusion de finir. Mais la première… »), le Tour de France à la télé…
Ce grand classique de Delerm (le papa, pas le fiston), c’est Jean-Louis Foulquier qui se le met en bouche, qui en hume les mots, les mastique de plaisir, les restitue avec la poésie de sa voix inimitable, profonde, ténébreuse. Qui les ponctue élégamment de ses sourcils broussailleux. Des décennies de service public au seul intérêt de la chanson ont pu nous faire oublier qu’il fut jadis artiste, dans ces mythiques cabarets dont il ne reste que l’élégant souvenir. Au sortir de Radio-France, Foulquier nous est revenu sur scène, frais et pimpant, dans ce rôle presque taillé sur mesure, entre sage et patriarche, épicurien et philosophe, en ce bonheur du lire et du dire, d’incarner ce personnage impliqué et distant à la fois, qui simplement consigne et commente l’absolue banalité, la magnifie, dans ces gestes toujours recommencés, ces élémentaires protocoles de vie, sa simplicité.
Et l’homme de Pollen fait, disons-le, merveille. Ici, pas de grandiloquence d’acteur, pas d’amples gestes, seulement la relation, presque discrète, du moment. Qui vaut pour l’éternité. Il y a un peu de Jean-Pierre Chabrol en lui. Et cette silhouette d’un Gabin incarnant Dominici. Élégant contraste que ce roc, cette carrure, narrant les plus petites choses, faisant l’éloge du naturel, du rustique. Tout y est touchant, qui photographie le temps, nous laissant en guise de souvenirs des images arrêtées. Comme celle de la disparition du Grand Jacques : « La mort de Jacques Brel est une autoroute à trois voies, avec un camion Antar »…
Aux côtés de Jean-Louis Foulquier, d’un bout à l’autre de cette belle traversée, Maëva Le Berre, magnifique et inspirée violoncelliste qui, dans sa rouge et longue robe, dans son rond de lumière, avec son instrument qui ne reste pas de bois, avec ses amples et d’autres petits, tout petits instruments, nous fait superbe bande-son, qui étire les mots, les prolonge, parfois les anticipe, les délie, les marie. Un bijou !
Et oui, maintenant, on a plus que du pollen génétiquement modifié à la radio , un grand monsieur, Jean-Louis Foulquier …
http://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=P_F5-A73ov0