Tri Yann, deux fois vingt ans
Restons en Bretagne. Avec Tri Yann justement. Quarante ans déjà que ça dure. Quarante ans et une flopée d’albums (dont quatorze originaux), nos trois Jean de Nantes (Tri Yann an Naoned) ont, qui l’eu cru à leurs débuts, un parcours exemplaire. Avec certes des albums plus inspirés que d’autres, des excentricités scéniques qui ont parfois pu irriter… Reste que les voir en concert (en spectacle !) vaut le jus : débauche de couleurs, de sons et de costumes pour fête garantie.
On objectera que ce n’est justement pas du pur jus breton, qu’ils sont allés nourrir leur supposée tradition à des sources bien lointaines. Oui, bien sûr, quelquefois. Comme tout ce qui vit, prélevant ici et là des apports aux pays, aux cultures, aux époques. Comme ces bateaux qui, naguère (et toujours), nous ramenaient des épices et des étoffes jamais vus, des fruits et légumes inconnus, des tas de produits et d’objets, mêmes des us et des mots incongrus. Qui font désormais notre quotidien. Tri Yann est pareil, nourrissant une tradition avec des ailleurs. Tradition qu’il conjugue au présent comme au futur.
Après un opus sous-marin assez décevant, Tri Yann refait surface par Rummadoù (Générations), une saga qui retisse le fil d’une longue histoire, de l’an 463 à nos jours. Les Vikings, les Croisades, la peste noire, les guerres moyenâgeuses et les révoltes paysannes, la grande guerre… c’est l’histoire de la Bretagne qui défile, revisitée en une quinzaine de chansons (la seizième, sans titre, est comme pot-pourri revisité techno, surprenante).
Mine de rien, c’est le Tri Yann des grandes marées qui nous revient, album musicalement inspiré et retour aux fondamentaux qui ont fait la réputation du groupe. La bande à Jossic, Corbineau et Chocun – les trois Jean – n’aime rien qu’à jouer à saute-mouton avec l’Histoire, histoire d’en tirer sans doute des faits d’armes musicaux et de belles ballades. Mais pas que. Dans cette galette aussi, Pour faire de bonnes crespes, recette chantée, un peu comme jadis Deneuve nous chantait la Recette pour un cake d’amour, dans le film de Demy. Un autre nantais soit-dit en passant…
Tri Yann, Rummadoù, Générations, 2011, Marzelle/Coop Breizh. Tournée « 40 ans et toutes ses dents » le 5 mars à Melun, le 11 à Lille, le 18 à La Rochelle, le 25 à Tours, le 26 à Rennes, le 2 avril à Nantes… Site de Tri Yann.
Soyons fair play. Les Tri Yann sur disque prêtent souvent à rire et on frisé à plusieurs reprises le niveau de la défunte Bande à Basile. Sans parler de leur « folklore breton de Disneyland ». Mais en scène ils peuvent te tuer. Je l’ai ai vu dans les années 90 au parc de Seaux je crois (en fait j’étais allé voir Bob Dylan qui se produisait là perdu dans une programmation ratatouille organisée par le P.S.). Dylan fut emmerdant au possible: c’était encore sa période « je chante comme le canard Donald avec autant d’enthousiasme qu’une allocution du Parti Radical Valoisien ». Peu après j’allais zieuter les Tri Yann qui se produisaient sur une scène attenante: la claque ! Humilité de ces artistes, virtuosité de chacun, voix superbes; ils chauffèrent tant et si bien le public-ce qui est un exploit dans ce genre de capharnaum à ciel ouvert-que de joyeuses rondes se formèrent devant la scène. La fête. Deux heures de très bonne variété. Folkisée, certes, mais variété quand même. Tri Yann quoi. cent fois mieux sur scène.