Berceuse arabe et Marseillaise
Vous connaissez sans doute le délicieux film d’animation de Michel Ocelot, Azur et Asmar, en 2006. Vous vous souvenez peut-être de sa bande originale, écrite et composée par Gabriel Yared. Qui aurait pu imaginer que ce film déclenche, dans une cours d’école, une querelle de clocher aux relents assez nauséabonds ? Nous sommes au Pin, dans le sud de la France, département du Gard. L’institutrice fait apprendre aux enfants la chanson du dessin animé, berceuse en partie en langue arabe interprétée par Souad Massi. Et, là, levé de boucliers de certains parents (pas tous !) « étonnés que leurs enfants apprennent une chanson arabe à l’école. » Et d’enfoncer le clou : « Nous parents, à l’heure où certaines catégories d’individus sifflent la Marseillaise, nous posons la question : « Pourquoi ne pas, plutôt que des chants arabes, enseigner notre Marseillaise à nos enfants ? » » ; et d’interdire à leurs chères têtes blondes (il ne doit pas y avoir de cheveux crépus dans le lot) de chanter cette berceuse à la prochaine fête de l’école.
Et oui, pourquoi pas ce chant guerrier qu’on s’obstine à garder pour hymne national, chant tellement sanguinaire que personne, pas même ces parents-là je suppose, n’ose ni même ne sait le chanter en entier.
Mais dans leur esprit, cette Marseillaise arrête encore les arabes à Poitiers, boute l’islam et les barbus, la radioactivité et le virus H1N1 peut-être, hors de notre bon royaume de France. Ces parents me semblent être de bien mauvais éducateurs qui font là un mauvais procès, pitoyable feuille de vigne sur leur racisme quotidien.
La chanson du film Azur et Azmar, une berceuse, dit ceci : « Petit enfant deviendra grand, il franchira les océans, il sauvera la fée des djinns et tous les deux seront heureux, seront heureux… » Toute cette chanson n’est que message de tolérance ;
La Marseillaise, quant à elle, ivre d’une vengeance et gorgée de sang (impur il va de soir quand il s’agit de celui de l’étranger) dit cela :
« Nous entrerons dans la carrière
Quand nos aînés n’y seront plus
Nous y trouverons leur poussière
Et la trace de leurs vertus
Bien moins jaloux de leur survivre
Que de partager leur cercueil
Nous aurons le sublime orgueil
De les venger ou de les suivre !
Amour sacré de la Patrie
Conduis, soutiens nos bras vengeurs
Liberté, Liberté chérie
Combats avec tes défenseurs !
Sous nos drapeaux, que la victoire
Accoure à tes mâles accents
Que tes ennemis expirants
Voient ton triomphe et notre gloire ! »
Le quotidien Le Midi libre nous instruit que, dans cette affaire, l’inspection de l’Education nationale « prend vivement la défense de l’équipe pédagogique qui a projeté le film en octobre dernier aux élèves », ce travail s’inscrivant « totalement dans le cadre de l’opération nationale baptisée ‘école et cinéma’ qui rentre dans le cadre des projets sur l’ouverture au monde et aux cultures de l’éducation nationale et des programmes d’instruction civique. » C’est une commission nationale qui choisit les films que visionnent les élèves des écoles inscrites à ce programme. L’étude de cette berceuse, dont une partie des paroles est en arabe, figure très officiellement dans la fiche pédagogique du film Azur et Asmar.
Ah, comme chante si bien Carla Bruni : « Douce France »…
C’est stupéfiant !… J’ai moi aussi, comme beaucoup d’autres, réécrit (avec Yvon le Men) les paroles. Ca donne « La petite Marseillaise » et, dans ce contexte, elle prend un sens particulièrement vif. A chanter comme une berceuse :
LA PETITE MARSEILLAISE
Paroles : Gérard Guillou Delahaye / Yvon Le Men
Musique: Rouget de l’Isle
Je te salue p’tit’ Marseillaise
Y a pas six mois t’es arrivée
Ta maman était Congolaise
Ton papa vient du Ténéré
Ton papa vient du Ténéré
Ils t’ont dit on part en vacances
On va voir un nouveau pays
Peut êtr’ qu’on y pass’ra notr’ vie
Il porte un beau nom il s’appell’ France
Egalité
Fraternité
Au fond du cœur
J’ai trois couleurs
Qui font la Liberté
Voilà trois mots p’tit’ Marseillaise
Trois jolies fleurs pour un bouquet
Ces trois fleurs j’aim’rais qu’ell’s te plaisent
Que tu les laiss’s jamais fâner
Que tu les laiss’s jamais fâner
Ell’s ont des noms qui donn’nt des ailes
Tiens les bien au chaud sur ton cœur
Tiens les à l’abri des voleurs
Il y a des gens qui sont morts pour elles
au refrain
Quand tes parents ont fui la guerre
La peur la misère ou la faim
En partant ont laissé derrière
La famille les amis les voisins
La famille les amis les voisins
Un autre pays c’est un’ chance
Si tu veux tu pourras demain
Entrer et prendre par la main
Tous ceux qui sont déjà dans la danse
au refrain
On peut aussi l’écouter ici par exemple :
http://gerarddelahaye.over-blog.com/article-1000-chansons-la-petite-marseillaise-51945616.html
Beaucoup d’entre vous le savent sans doute mais il est peut-être utile de le rappeler.
En son temps (2005), Graeme Allwright avait déjà appelé à signer une pétition pour remplacer, dans les écoles, La Marseillaise, chant guerrier, par un nouvel hymne faisant référence à la fraternité universelle. Il est lui-même auteur de ces paroles :
« Chanson libre » vous invite à signer la pétition de Graeme Allwright. En signant cet appel vous contribuez au projet de Graeme Allwright et vous le soutenez dans son action pour proposer un changement des paroles de La Marseillaise.
La Marseillaise
Pour tous les enfants de la terre
Chantons amour et liberté.
Contre toutes les haines et les guerres
L’étendard d’espoir est levé
L’étendard de justice et de paix.
Rassemblons nos forces, notre courage
Pour vaincre la misère et la peur
Que règnent au fond de nos coeurs
L’amitié la joie et le partage.
La flamme qui nous éclaire,
Traverse les frontières
Partons, partons, amis, solidaires
Marchons vers la lumière.
© 2005, Graeme Allwright – Sylvie Dien
« Je me suis toujours demandé comment les français peuvent continuer à chanter, comme chant National, un chant de guerre, avec des paroles belliqueuses, sanguinaires et racistes ». Graeme Allwright
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Moi, qui n’aime pas trop la naïveté, je vous dirais que ma Marseillaise à moi, c’est plutôt celle de Léo…
Je ne demande pas qu’on l’enseigne dans les écoles, je fais plus confiance à la vie pour que son contenu vienne vous percuter la face.
Claude.
Voici :
J’connais un’ grue qu’a pas d’principes
Les dents longu’s comme un jour sans pain
Qui dégrafait tous les gamins
Fumant leur vie dans leur cass’-pipe
C’est dans les champs qu’ell’ traîn’ son cul
Où y a des croix comm’ des oiseaux
Des croix blanch’s plantées pour la peau
La peau des autr’s bien entendu
Cell’-là on peut jamais la voir
A moins d’y voir les yeux fermés
Et l’périscop’ dans les trous d’nez
Bien allongé sous le boul’vard
Suffit d’leur filer quat’ bouts d’bois
Et d’fair’ leur lit dans un peu d’glaise
Et d’leur chanter la Marseillaise
Et d’leur faire un’ bell’ jambe de bois
Léo.