Tendre et grinçante, la touche Dorémus
Benoît Dorémus, 5 février 2011, festival Les Poly’Sons, Théâtre des Pénitents à Montbrison,
Dès qu’il a commencé à traîner ses grolles et sa gratte sur scène, on a vu en lui sinon l’ombre portée de Renaud au moins son empreinte. Dans la voix comme dans l’écriture et le vocabulaire, la façon de chanter. Tant qu’il était inutile de lui demander de qui il se sentait l’héritier.
Le revoici, sous un label d’importance et volant plus volontiers de ses propres ailes, tant que l’étiquette « fils spirituel du chanteur énervant » lui colle moins. On a souvent vu Benoît Dorémus en solo ces derniers temps, en des Zéniths bourrés et craquants, alors invité permanent de Renan Luce (justement le gendre de…). Et en de plus modestes salles, toujours tout seul. Là, c’est grand orchestre ou presque, deux musiciens (Patrick à la basse et à la guitare électrique ; Richard aux claviers, accordéon et percus), luxe qui coule de source et va à ses textes comme un gant. Leur donnant surtout une fluidité, une onctuosité qui semblait leur manquer.
Dorémus a beau avoir pile trente ans qu’on lui en donne nettement moins. Il fait tout pour, chantant Je sors avec une étudiante et jouant adroitement le gauche, comme si tout lui était difficile, dur : « Docteur, vous qui en voyez tant, comment font les autres ? » Du reste il l’avoue : J’écris faux, je chante de la main gauche. Dorémus est assez irrésistible avec ses hésitations, ses pudeurs malignes, ses mots qui en cachent d’autres, ce personnage qu’il est, tout entier à décrypter. Qui ne cesse de se chanter à la première personne mais, même s’il parle crûment de sexe ou de drogue, de mal-vivre et de galères, garde des cartouches de pudeur. En cela, il y a du Souchon en lui, qui pareillement guérit ses bobos de plein de mots : « Pôv’ vieux va, qu’est-ce que tu veux quoi, t’as la loose / Y m’en arrive une, y t’en arrive douze / T’as la loose ! » chante-t-il en des portées très sèches, très Séchan.
Geste bien ordonné, Dorémus s’applique à lui-même des règles simples, en faisant son Bilan carbone : « Existe-il un coin tranquille, Bill / Où ma présence serait neutre ? » Pas sur une scène en tous cas, le Benoît, qu’il occupe bien, qu’il maîtrise et peuple de son petit monde, ses bonheurs et ses déboires, ses doutes et ses avancées. Attachant, vraiment
Commentaires récents