Gérard, Morel, le bonheur en bouche
Pas le temps d’écrire en ce moment, faut donc se contenter de vieux papiers. En voici un autre sur Morel, LE Morel. Qui d’ailleurs se prépare, le mois prochain, à faire une tournée sur Rhône-Alpes de son Leprestissimo avec son complice Romain Didier et pas mal de (beau) monde. Puis devrait sortir une nouvelle et tendre galette (au beurre) comme il sait si bien les cuisiner. 2011, l’année Morel ? Pas loin en tous cas. Ce papier de janvier 2005 voyait Gérard Morel et Les Garçons qui l’accompagnent porter leurs chants affriolants sur la scène de La Taludière, dans la Loire.
Archive. On l’attend sur scène, là où trône sa chaise haute. Et c’est a capella et à l’accordéon qu’il déboule dans la salle, à faire l’aubade, à déjà capitaliser un max de sympathie, des fois que « les garçons qui l’accompagnent » lui piquent tout, la recette inclue. Voici Morel, pas le Deschiens, non : le Gérard, quasi sosie de Yul Brunner, en nettement plus rigolo, vachement plus sympa. En bretelles léopard, genre grand fauve d’Amazone. Lui « gazouille des chants primesautiers / Quell’ mistouille / Quel drôle de métier » dans un répertoire qui prolonge presque l’œuvre commune et conjuguée de Brassens et Boby Lapointe.
Seuls les spectateurs présents sauront exactement ce récital pas comme les autres : ces gags en rafales, ces éclats de rire d’un terrain l’autre (salle et scène) comme des patates chaudes qu’on se renvoie pour qu’elles refroidissent. Et cette rivalité entre la star chauve et ses trois acolytes, excellents clowns et musiciens, tas de bruiteurs aussi. Entre ce Bon gars pas dégueu qu’est Morel et ces Pieds Nickelés qui, à eux seuls, font déjà spectacle opulent, succulent : ces gars endimanchés comme s’ils revenaient d’un mariage ou de l’enterrement d’un oncle riche, comme s’ils s’en allaient en boîte, en éternels figurants du Bal d’Ettore Scola. Ils sont impayables : en conséquence, ils sont intermittents. Traiter Morel c’est aussi parler avec équité et quasi révérence de ces pitres : Christophe Monteil, Hervé Peyrard et Luc Chareyron. Que des bons !
Pour explorer le vocabulaire du tendre, Morel potasse et pétrie les p’tits Robert : c’est plein de filles sans culotte qui viennent se frotter au ventricule de l’artiste, chair fraîche et généreuse qui fait d’admirables portées. De notes. Thématiques et situations nous renvoient souvent à Brassens. Et si ce n’est pas au natif de Sète, c’est à celui de Pézenas, voire à l’autre de Castelsarrasin. Belle trinité dont Morel est l’évident héritier, parfois en des performances qui vous chavirent, des sonorités en cascade qui vous tourneboulent, des audaces qui teinteraient les nonnes de pourpre, des inspirations à vous armer en bon gags et réparties pour la vie. Maryse, Olga, Charlotte, Claire… : le festin de Gérard Morel a d’la toque, grande cuisine populaire, salée, poivrée, bien épicée. Le bonheur en bouche, vraiment.
Oui, il a du talent notre Gégé !
Et puis il prend de la bouteille, a force de traîner dans les bars à Jamait, et chez Leprest !
D’ailleurs je serais là pour l’applaudir le 8 février au Train Théâtre de Portes lès Valence, avec toute son équipe, dans un Leprestissimo, qui à mon avis vaut le déplacement.