À Mesdames et Messieurs les censeurs,
Le Monde, L’Humanité, Le Nouvel Obs, Le Grand journal de Canal+, Le Fou du roi, Libération, Serge, France 2 dans toutes ses émissions possibles, France-Inter de partout (il y a partenariat…), France 3, France 5, RTL, Europe 1 et j’en passe et beaucoup d’autres encore… Le ban et l’arrière-ban des journalistes de la presse culturelle ont, chacun, à la queue leu leu, au Mécano Bar ou dans leur confortable studio, gagné leur interview de Bernard Lavilliers. Le bel exploit ! Ils ont tous recueillis la sacrée parole du chanteur-baroudeur, « en pleine forme, très en voix et très en verve » selon Le Monde, rien que pour eux. Toutes, tous. Et toutes, tous ont posé les mêmes questions, les mêmes, rigoureusement pareilles, pour chacune, chacun, sa petite interview totalement exclusive. Pourquoi « Causes perdues » ?, pourquoi « Musiques tropicales » ?, toutes, tous ont recueilli l’anecdote sur Mitterrand, qui du reste est imprimée telle quelle dans le prière d’insérer joint au disque. Toutes, tous, ont identifié la colère du chanteur face à l’actuel locataire de l’Élysée. Et son pamphlet sur l’identité nationale, faisant le lien entre ce que l’on vit et Vichy. Toutes, tous, comme un seul homme ! Et le redresseur de torts qu’est Nanar a pu s’exprimer à sa guise, à son aise. « Enfin ! la lutte des classes est de retour » titre Mortaigne dans Le Monde, qui ne doit pas connaître beaucoup de chanteurs, en tous cas pas les mêmes que moi, parce qu’entre nous la chanson dite « engagée » se porte bien et pas que chez Barclay.
Toutes, tous ont reçu le fameux livre qu’est Les Vies liées de Lavilliers. Je leur ai même dédicacé à toutes, à tous. Elles et ils l’ont vraisemblablement lu. Et, courageux comme pas deux, sont allés interviewer Nanar. Et toutes, tous, ont évité, éludé la question qui fâche : sur ce livre vrai, qui en dit plus long qu’en quarante ans de bravoures et de bravaches. Toutes, tous sont la dignité de la presse, son expression la plus pointue. Toutes, tous, sont dans des médias honorables, pas de vulgaires blogs fauchés. Et toutes, tous se sont piteusement déculottés, bottant en touche, reniant leur dignité de journalistes. Lectrices, lecteurs de quotidien et d’hebdos nationaux, auditeurs, téléspectateurs, vous ne saurez rien de ce livre, même et surtout pas qu’il existe. La vérité de Lavilliers a fait souche depuis longtemps : on ne peut, en aucune façon, la contester. Il faut faire taire ce livre : « Cachez-moi cette vérité que je ne saurais voir » dirait Monsieur de Molière.
Et moi je dis que la presse est tartufferie, qu’elle est en elle-même un gigantesque mensonge.
Félicitations à Raphaëlle Duchemin, de France-Info, et à Emmanuel Marolle, du Parisien/Aujourd’hui en France, pour avoir bravé l’interdit (on retrouve Marolle dans un étonnant développement de cet article sur son blog : lisez-le). Ainsi qu’à Michel Troadec, de Ouest-France, et à l’essentiel des médias de la région stéphanoise.
Il a fort raison, le garçon Michel Kemper, de se mettre en colère. En lisant les articles et/ou interviews sur Lavilliers, dont le pitoyable « La lutte des classes est de retour » dans Le Monde, on constate partout la même vacuité, les mêmes révérences, la même déférence journalistique… (des « caméléons » avec un fil à la patte dirait peut-être Higelin…)
Donc, le mythe Lavilliers se suffit à lui-même, entretenons-le à petit feu et restons-en là, nous proposent-ils. Et pour les questions gênantes, revenez plus tard, n’est-ce pas ?
Jidé
http://chantlibre.blogspirit.com
J’ai presque fini votre biographie de « Nanard ». D’abord je la trouve bien écrite, ce qui est rare pour ce type de projet, et intéressante: moins d’ailleurs pour ce qui concerne les révélations des « mystifications mythifiantes » d’un artiste par ailleurs de très grand talent ( on s’en doutait qu’il était assez mytho, quand même ! Le public n’est pas si naïf!) ) que pour le tableau de toute une époque et la description presque Balzacienne de l’apprentissage et de l’ascension du Stéphanois.
J’ai aussi beaucoup apprécié que vous ne jugiez jamais l’homme: juste une enquête impartiale, sans passion, et finalement pleine d’empathie.
Mon impression paradoxale est que Nanard en sort rehaussé, plus humain, et même plus génial: car on se dit qu’il faut un sacré talent pour avoir réussi à donner vérité et vie à tant de mensonges ! Bref, on est en plein dans le fameux « Mentir-Vrai »: théorie et pratique !
Ce trait de personnalité fait penser à Cendrars, comme vous le dites dans votre bio, à Loti, à Dylan ( qui s’inventa lui aussi un passé complètement mytho ),qui ont su tirer de leurs forgeries du réel plus vrai (et surtout plus beau) que le réel : tous des artistes…et des bons !
Donc bravo pour votre bouquin
(PS:je vous souhaite cependant pas de croiser le « Fauve d’Amazone » au coin de la rue !)