Se méfier de Gary…
Rémo Gary, 6 mars 2010, salle des tilleuls à Viricelles
« Commençons le commencement / Je cherche une trame au désir / Un petit train nommé plaisir… » Il est là, les yeux plus grands que leurs orbites, qui percent son visage, la bouche élastique prête à sortir des gros mots, des choses énormes, les cheveux gris et blancs déjà en grande bataille, en chamaille. La posture est comme la veste, sage. Mais il est dit qu’il faut se méfier du Gary. Déjà les bras s’agitent… Il y a en cet homme une force étonnante qui contraste avec ce frêle physique. Gary, c’est Gavroche sur les barricades, des chansons pavées de bonnes intentions. Des chansons qui sont autant de pavés qu’on se prend en pleine gueule.
Je ne m’étais jamais rendu compte à quel point voir, écouter Gary en scène est une épreuve, dont on sort épuisé. C’est lui qui sue, qui geint, qui peine, et c’est nous qui, au bout du compte, sommes vannés. Autant que repus, heureux au-delà de tout certes, mais groggy, assommés. Car Rémo Gary n’est pas particulièrement distraction, n’est pas forcément humour, ou alors à la friction des mots, de temps à autres, quand ils s’accouplent ou, tels des silex qu’on cogne, font étincelles. A une chanson terrible succède une autre, aussi grave. « Le marchand de terreur est passé, marchons, marchez / A défait chaque maille de la fraternité / A grands coups de flicaille nous voilà démaillés. » « Où êtes-vous ? J’ai pas de toit / Domiciliez-moi / Y’a pas d’foyer disponible / Dans vos quartiers insensibles… » C’est tension, les mots se gorgent d’importance pour nous dire les conditions faites à l’homme, ses droits de plus en plus étroits… Gary titube presque sous le poids, trop de vers sans doute.
Il est venu avec son nouvel album, une galette cachée derrière un livre de belle impression. Avec ses nouvelles chansons donc. Qu’après la découverte, il nous faudra sagement reprendre pour lentement les digérer. Il se fait, nous fait à nouveau Les Oiseaux, au passage, de Richepin et Brassens, et nous offre, en queue de récital, la tendresse, le repos du guerrier, l’entrejambe chaude et accueillante. Où il restera longtemps, endormi… « Réveillez-moi juste quand / Le monde aura du talent. » Pas demain la veille donc.
Le site de Rémo Gary.
Petite recension de la lune entre les dents, dans laquelle je me suis permis de citer quelques lignes de votre préface http://www.sforzando.me/post/2010/03/12/La-lune-entre-les-dents%2C-floril%C3%A8ge-de-R%C3%A9mo-Gary
Bien cordialement
Emmanuel