Victoires de la musique, défaite de la chanson
La liste est publiée de qui est in, qui est out. Qui en fait partie et qui ne vaut rien. Voici la litanie des nominés aux Victoires 2010, 25e édition, triste cérémonie d’une profession s’autocongratulant à sa cime, absente d’une grande partie de sa réalité artistique qu’elle ampute au nom d’un bizness qui est tout sauf partageux. On prend les mêmes, on recommence. On liste ? La statuette récompensant l’artiste masculin de l’année se jouera entre Bénabar, Hallyday, Biolay (grand favori avec deux autres nominations) et Lavoine. En catégorie féminine, sont en lice Loizeau, Ruiz, Maurane et Gainsbourg (pas le Serge ni le film, non, la fifille – grande favorite avec deux autres nominations – pour son insignifiant nouvel album). L’artiste « révélation » sera élu, démagogie oblige, par le public. Entre Cœur de pirate, La Fouine, Pony pony run run et Grégoire. Parions que c’est ce dernier, poulain du producteur Jean-Claude Camus, qui remportera la mise : faut bien assurer l’après-Hallyday. Johnny qu’on retrouve aussi en catégorie « spectacle musical / tournée / concert de l’année » : vu le fric investi que les assurances rechigneront à bien assurer, vu la compassion publique autant qu’élyséenne, parions aussi sur ce colifichet pour le chanteur momifié de son vivant, du reste même pas nominé – c’eut été le moindre – aux Victoires de la pharmacopée (rien à voir avec le tribun de l’UMP…). La Victoire des révélations départagera Izia (ou comment récompenser Higelin par procuration, par sa fille briseuse de tympans), Ariane Moffatt, Revolver (quand on me parle de culture, c’est ce groupe que je sors) et Shaka Ponk. L’album révélation départagera au moins trois albums anglais sur quatre, dont l’insipide phénomène Sliimy ; l’album tout court (pas le single) ira à Biolay, Gainsbourg (la fille, donc), M ou Obispo ; l’album rock a BB Brunes, Dominique A, Indochine ou Izia. Passons sur les musiques urbaines et autres électroniques ou dance, notons la présence des inamovibles Amadou et Mariam en « musiques du monde » aux côtés de Cesaria Evora, Salif Keita et Rachid Taha. La chanson de l’année opposera Biolay, Calogero, Cœur de pirate et Helmut Fritz (ça m’énerve…), même pas Gainsbourg : que fait donc le jury ? Le spectacle musical Delerm, Hallyday, Indochine et M ; le vidéo-clip « Les Affranchis » d’Alexis HK (avec sa collection de chanteurs figurants), « Elle panique » d’Olivia Ruiz, « Ce que l’on s’aime » de Tryo et un titre anglais de la Gainsbourg. Enfin le DVD voit en live Cabrel, Daho, Delerm et l’éternel Bashung qui tentera, de là où il est, de battre son propre record.
Qu’en penser ? Pour vous, je ne sais pas. Pour moi, le traditionnel écœurement, l’habituel mépris, sans surprise aucune. Car ou est l’admirable DVD d’Amélie-les-Crayons, les superbes disques, toutes catégories confondues, du Larron, de Syrano, de Merlet, de N&Sk, de Red Cardell ? Et ce total chef d’œuvre qu’est le cédé de Clarika ? Et Alexis HK qui vaut bien plus qu’un clip. Et Allain Leprest, célébré par ses pairs (les autres…), et Michèle Bernard, Volo, Frédéric Bobin, Évelyne Gallet, Buridane, Carmen Maria Vega et pas mal d’autres encore… Quant aux disques pour enfants, dont je fais parfois l’écho ici et qui du reste n’ont pas ou plus de catégorie, où sont-ils les Dan Ar Bras, Weepers Circus, Jofroi ou Sophie Forte, pour ne citer qu’eux. Comme le Prix Valentin, les Victoires de la musique ne sont qu’une autocélébration d’une industrie discographique sans racines, sans prise avec la réalité, avec le vécu artistique, avec le terrain. Qui va à vau l’eau. Bien sûr tout n’est pas à jeter avec l’eau du bain. Biolay, Maurane, Bénabar, Évoria… y’a du bon. Mais nous sommes loin du compte, leur réalité n’est pas la nôtre, leur microcosme ne baigne pas dans nos émotions. Nous sommes la chanson, ils n’en sont que piètre avatar.
Oh combien d’accord avec toi ! même si certains ne sont pas si mauvais que ça ! Mais on a le droit de choisir ce qu’on veut entendre… Y’en a marre des musiques imposées par l’industrie du disque… A quand un prix de l’auto-congratulation ?
Ça fait des lustres (pour ne pas dire depuis toujours) que cette cérémonie, pas plus que ses concurrentes, ne fait place aux vraies pépites musicales (sans présumer du talent indéniable de quelques habitués de cette messe sous-culturelle). Et oui, guère de place pour Allain, Volo, Amélie, Joyet et tous les autres… Votre blog pallie largement à cette misère cathodique et c’est tant mieux. Pour le reste, il y a nos vaillants résistants du web, de feu Chorus et d’ailleurs, le forum Léo-Ferré et autres salles, pour promouvoir la chanson non-crétinisante. Et surtout le précieux bouche-à-oreilles des modestes hérauts que nous sommes pour distiller le miel d’artistes précieux auprès de notre entourage, s’il le mérite ou est seulement capable de l’accueillir. Réjouissez-vous, la télé vous offre une n-ième occasion (99% du temps?) d’avoir une soirée libre pour offrir votre temps de cerveau disponible à autre chose qu’au marketing navrant de cette cérémonie. D’ailleurs, il y a une souscription ouverte pour le prochain Forcioli. Donc la vie est belle !
Cordialement
Ah, les « Victoires de la Musique » : pitoyable… encore une bonne raison d’éteindre la télé pour aller au concert écouter de la chanson… Merci Michel de faire passer le mot pour nous…
Merci Michel pour vos excellents articles que je viens seulement de découvrir avec un grand bonheur.
Ces artistes que nous avons eu le privilège de découvrir et de rencontrer dans l’intimité de petites salles ou même dans nos salons, n’auront pas les honneurs « des victoires de la Musique » et c’est très injuste.
SVP consultez le site de Marc Havet http://www.marchavet.com
Merci et à bientôt peut-être pour une plus ample connaissance . Marc Havet chanteur têtu
En règle générale, on partait déjà sur de mauvaises bases car la chanson française est déjà à elle seule un VERITABLE ENNUI… sauf exception, ce sont des musiques et des chansons de saltimbanque. Au point de vu cinéma… la France commence à réduire l’écart avec Hollywood mais alors côté chanson le fossé ne fait que se creuser… de notre côté de l’Atlantique aucune star ne sort du lot, le vide, le NEANT ABSOLUE. Il suffit d’allumer la radio… les tubes français sont derrières nous et aucun véritable inventeur à l’horizon. Je ne dis pas que les paroles anglo-savonnes sont bonnes (après traduction c’est pire) mais l’originalité, les rythmes et les arrangements ne se trouvent pas chez nous. Regardez Aznavour, Gainsbourg et compagnie seront encore à la mode à l’age de nos enfants, c’est pour dire le retard incomensurable.
Donnez moi le nom d’une star française qui vaut la peine d’un arrêt sur image. Comme dirait notre ami Mickaël Vendetta (la pire des espèces animales… qui prendront la peine de laisser en pature dans une réserve animale en Afrique), nos stars sont des HAS BEEN.