Véronique Pestel, en ses Babels d’amoureux
Archive. En une même soirée, voir se succéder sur un même plateau et Véronique Pestel et Michèle Bernard est un plaisir rare, un cadeau. Ce sera le 30 janvier prochain, salle François-Mitterrand à Rives, dans l’Isère, à l’initiative de Chansons buissonnières (réservations au 04.76.91.11.66), association qui n’en est pas à son coup d’essai, loin s’en faut. L’occasion m’est ainsi donnée de sortir de mes classeurs ce papier sur Pestel, alors en « grande formation ». C’était en mai 2004, lors du festival Paroles et Musiques, à Saint-Étienne.
On ne connaissait pas encore, par chez nous, Véronique Pestel en «grande formation», en autres claviers, en violoncelle, en contrebasse, par la crème, s’il en est, des musiciens. Le talent appelle le talent, Pestel appelle le beau, le meilleur, qui donne à son répertoire un relief étrange, comme un son-hologramme, qui dessine de plus amples perspectives, entre effluves jazz et prégnance classique. On la connaissait en tête-à-tête au piano, en un corps à corps avec les mots qui « dans le sable des silences, s’en vont deux par deux » en ses « Babels d’amoureux ». On la découvre libre de ses mouvements, qui arpente la scène, y incrustant les sillons de son chant.« Le temps d’apparaître / De se bien connaître / Le temps de partir / De se bien mourir / Le temps qu’on invente / Entre ces deux pentes / La vie à descendre / La mort à gravir »… Tout est magnifique en Pestel, tout. On ne la connaîtrait pas encore que, déjà, nous serions happés par une irrésistible force, non une magie mais un art, un rapport aux gens, à ceux qui écoutent, à ceux qui hantent ses chansons. Par un titre nouveau, elle nous chante ces Prisons de femmes qu’est le conditionnement des corps. Puis, de toutes les geôles de la mémoire, elle lève l’écrou, libérant des dames écrivaines, poètes qui, telle Albertine Sarrazin, ne squattent pas à outrance les anthologies. En les chantant, Pestel célèbre ses pairs. Hors pair, elle nous chante aussi ceux et celles qui passent, anonymes, dans la vie. Ainsi La Chanson des sans-voix, titre qu’elle reprend à Gilbert Laffaille. Ainsi Vanina en fin de vie, qui traversa le siècle, de Jaurès aux caritatifs d’aujourd’hui : « Vanina s’en va / Vanina s’en va c’est pas grave / L’a bien vécu, va / Son grand siècle de bout en bout / De guerre en paix, de droite à gauche / A rien du tout ». Une chanson pour toute une vie, illuminée du soucis des autres. C’est beau au-delà de tout, plus que touchant, plus que simplement émouvant. Parlée ou chantée, la voix de Pestel est rivage de tendre sagesse, de pure passion de l’autre : tout peut venir s’y échouer, pour mieux reprendre vie. « Le printemps se fera tout clair / Et mon amour ira dehors / Avec ses grâces jardinières / Et sa jeunesse à bras-le-corps »… Véronique Pestel est une des artistes les plus littéraires qui soient : par elle rien n’est gratuit. C’est grand luxe d’une chanteuse on ne peut plus populaire dans l’âme, qui fait de son art pur bijou. Elle vient de passer par ici, elle repassera par là : ne la manquez pas !
Juste un commentaire « à retardement », mais sur l’actualité de Véronique : c’est elle la lauréate 2010 du prix décerné tous les ans par le festival « Chanson de paroles » à Barjac :
« Le Prix Jacques-Douai distingue un artiste, une personnalité ou une structure qui, par son action ou son œuvre artistique, fait vivre la chanson francophone, le répertoire et les idéaux portés par Jacques Douai : célébration de l’art de la chanson, respect et souci d’élévation du public, émancipation par la culture et l’éducation populaire. »
« Respect et souci d’élévation du public, émancipation par la culture et l’éducation populaire »… si ça n’est pas la description de l’œuvre de Véronique, je mange mon chapeau !
La seule question que je me posais, c’est « pourquoi ne le lui ont-ils pas donné plus tôt ? »
Dans les lauréats précédents : Hélène Martin, Philippe Forcioli, Rémo Gary, Gérard Pierron… bref : que du beau monde et de la belle chanson !
Bravo à Véronique, donc… et allez tous écouter son nouveau spectacle : « Caf’ Conc’ Aragon »
avec la comédienne Magali Herbinger et le « conteur » Bernard Vasseur.
Le samedi 11 septembre à la fête de l’Huma, et toute la semaine suivante à Paris, au Musée de la Poste – 34 boulevard de Vaugirard (15ème)