Renaud passe au vert
On ne va pas tricher, faire semblant, en tous cas pas entre nous. Renaud chante faux, faux comme c’est pas possible. C’est tellement dissonant que c’en est rare. Mais ça on le sait, on l’a toujours su. Ça a simplement empiré cause sans doute à tous les excès possibles… Les fans recevront cette voix comme d’autres bouffent des hosties : religieusement. Les autres rechigneront, fuiront même…
Mon propos est ailleurs. Voici donc un nouvel hors-série de Renaud, un hors collection, hors production courante, hors tout-venant. Jadis, il nous avait fait le coup des chansons réalistes, de Bruant, Montéhus et autres du même tonneau. Puis celui des chansons du Nord de la France, à l’époque de son Germinal, bien avant Bienvenue chez les Ch’tis. Il nous a fait aussi Brassens, opus qui ne valait que par la ferveur et la passion qu’il voue au chanteur à la pipe, pas plus. Voici que, en cohérence avec ce qu’il est, avec ce qu’il a toujours été, Renaud nous fait ce disque de « reprises et d’adaptations de chansons irlandaises ». L’expression « Renaud prend l’Eire » fera florès… Reste que c’est plus le versant social et politique des vertes Irlandes que Renaud explore ainsi, « la joie de vivre de ce peuple rebelle, insoumis ». Le chanteur énervant rêvait, depuis son premier voyage à Belfast, d’adapter les plus belles ballades trad’ des Chieftains, Dubliners et autres Fureys. C’est fait, qui plus est avec des musiciens irlandais ce qui est, convenons-en, la moindre des choses. Chômage et crise sociale alimentent donc ce nouvel opus, au moins autant que l’amour et l’amitié. Ça n’en fait pas pour autant un album engagé. De Romain Dudeck (Poésie des usines) à Bernard Lavilliers (Les mains d’or) tant de chanteurs chantent aujourd’hui ces outils saccagés par les patrons voyous que c’en est presque ritournelles, redites. Reste qu’on est loin de la vision folkloriste des vertes contrées d’Irlande, que les pas de danse ne masquent pas les ouvriers mis à pied et que, Dublin et Londonderry ou pas, c’est de notre société dont parlent ces chansons.
Lassé des bobos, Renaud aurait pu nous renaître en porte-voix des laissés pour compte, d’Irlande et d’ailleurs. Difficile avec cette voix-là…
Renaud, Molly Malone, 2009 Virgin.
Bonjour Michel,
Je n’ai pas encore écouté le dernier Renaud.
D’une manière générale, dire qu’il chante « mal » ne choquera pas grand monde, de plus sa voix est bousillée maintenant, mais chante-t-il vraiment faux pour autant? A mon avis, non, en tout cas pas plus que nombre de célébrités. La justesse de la voix dans le domaine des variétés est très relative. Dans la plupart des cas elle est approximative. On confond souvent mal chanter, ou de manière peu agréable avec une voix bousillée par exemple, et chanter faux. Chanter faux c’est chanter de faux intervalles entre les notes, sur une échelle donnée.
Telle note sera trop haute ou trop basse par rapport à la note attendue.
Et encore, de nombreuses expériences montrent que la justesse (qu’on peut mesurer objectivement en nombre de fréquences) n’est souvent qu’une impression (trop haut ou trop bas) même chez les musiciens les plus avertis.
Cette confusion entre la qualité de la voix et les problèmes d’intonation (justesse ou non en terme solfègique) est monnaie courante, cependant l’indulgence est variable selon les artistes, par exemple on dira facilement que Renaud chante faux, mais on ne le dira pas de Leprest, dont la voix est pourtant aussi particulièrement bousillée et dont l’intonation est assez (!) approximative . L’appréciation relève alors plus de la sympathie ou de l’antipathie qu’on a pour l’artiste en question.
A l’inverse et pour étayer a contrario mon propos: je n’ai jamais lu d’article ou chronique de CD mettant l’accent sur la justesse remarquable de tel chanteur ou telle chanteuse. Pourquoi?
Bien amicalement, j’espère que ce commentaire ne sera pas considéré comme une fausse note!
Pierre Delorme
J’ai écouté son dernier disque (je ne découvre votre billet que ce jour…) et j’ai été déçu. Oh ! pas une déception hâtive, non ! Juste que je n’y ai pas retrouvé l’esprit que Renaud avait insufflé dans son merveilleux album de l’automne 1991, Marchand de cailloux, où ses textes s’harmonisaient à souhait avec la musique irlandaise. Ici, sur ce morne Molly Malone en plus de la voix abîmée du chanteur (pour les raisons maintes fois évoquées) je ne retrouve plus rien de ce que j’aimais jadis chez l’auteur de Laisse béton et de Manu : la gouaille, l’humour, le mordant et la tendresse.
Pour ce qui est de sa voix, Renaud (jusqu’en 1996 tout du moins) a su être un vrai interprète sachant jouer avec les couleurs que sa voix pouvait apporter à ses chansons ou à celles qu’il reprenait… Merci pour ce billet !