L’hospice des idoles déchues
C’est, dit-on, dans les vieux pots… Le tourneur lyonnais qui eu l’idée, il y a quelques années, de rassembler de vieilles idoles déchues pour en faire un casting scénique de rêve doit, pour longtemps encore, s’en frotter les mains. Ça carbure du tonnerre de dieu, tant que tout le monde le fait désormais. Chaque année des plateaux entiers enflamment les Zéniths et autres méga-salles pour réveiller en nous les souvenirs enchantés de nos années perdues, celles d’avant la crise, d’avant la ménopause. De quoi, le temps d’un show au juste prix (celui d’une somme d’ex renommées), rajeunir de trois ou quatre décennies, retrouver ses vingt ans, tutoyer l’éternité, faire la nique à la mort. Ah, la douce ivresse du chaud biz pour eau de jouvence… Faut croire que ça marche : ils ont même, il y a peu, exhumé du formol David-Alexandre Winter, l’incommensurable interprète du tube (1) Oh Lady Mary, réfugié depuis Mathusalem aux States.
La quatrième promo d’ « Age tendre, la tournée des idoles » (en ce moment sur les routes) réunit en une même affiche et entre autres : Christian Delagrange, Richard Anthony, Franck Alamo, Patrick Juvet, Claude Barzotti, La Compagnie Créole, La Bande à Bazile, Bernard Sauvat (si, si, Le Professeur est un rêveur), Sheila (la petite fille de français très moyens), Stone et Charden (sorte de camembert à pâte molle Made in Normandie)… Et Fabienne Thibeault, Isabelle Aubret et Georges Chelon. C’est la présence de ces trois derniers qui, je l’avoue, me chagrine un peu, la qualité de leurs œuvres respectives me semblant en tous points incongrue avec le reste. Mais faut bien bouffer, faut bien vivre ! Il existe en ce pays et en tous domaines de l’emploi, un jeunisme imbécile qui vous condamne sans appel dès que vous donnez l’impression d’être vieux. Le talent importe peu ; gloire aux lolitas éternelles ! T’es Aubret et pas à l’abri, t’es Chelon et t’es chelou, t’es Thibeault et t’es plus belle. Que reste-t-il pour ces chanteurs-là (qui, entre nous, pourraient en apprendre à des plus jeunes et soit disant plus doués) ? L’hospice des artistes que sont ces tournées-là, arches de noé où la nostalgie est seule prescription. Reste que, au moins le temps d’une tournée, le chanteur vit encore, se nourrit de bravos, fait emplettes d’amour. Et peut bouffer. Alors, même si ce qu’ils chantent n’est pas forcément mon pain quotidien, respect !
(1) Au fait, pourquoi appelle-t-on une chanson à succès un « tube » ? Parce que c’est creux !
j’adore votre plume, votre humour et n’ai pu m’empêcher d’exploser de rire devant mon écran. merci mille merci d’écrire de cette façon intelligente, talentueuse et humoristique, monsieur Michel Kemper !
Je crois savoir que le (toujours) volcanique Blanchard leur a tiré un bras d’honneur et j’espère que la difficile conjoncture économique ne va pas contraindre quelques autres « ex-stars » tombées du piédestal médiatique à se renier ou à galvauder leur image de marque…
Mais comme tu le dis, il faut bien trouver à manger.
Lors d’une tournée précédente, Pierre Vassiliu était aussi de la partie. J’avoue que ça m’avait fait mal au coeur, même si je comprends bien qu’il faut bouffer…
Et Pascal Danel, François Deguelt et Leny Escudero aussi ! tous ne sont pas de la même trempe et de la même qualité, mais c’est un reflet fidèle de ce qu’était la chanson … en ce temps là, sans l’ostracisme des tourneurs ou programmateurs d’aujourd’hui. Critiquable peut-être, mais sans mépris et sans moquerie. Parler de déchéance ne me parait pas opportun.
Tiens, Frank Alamo (1941-2012) et Charden (1942-2012) sont ressuscités ? Miracle de la chanson…
Même s’il n’ont jamais été, pour la plupart, ma « tasse de thé », je reconnais que, lorsqu’ils passaient à la radio, je n’éteignais pas le poste. Leurs « tubes » sont ainsi tous plus ou moins entrés dans ma mémoire, et je ne les ai jamais oubliés.
Aussi, les réentendre une fois de temps en temps ne me gêne pas du tout. Bien au contraire. De là à aller les voir sur scène aujourd’hui alors que je n’y allais déjà pas hier…
J’en profite pour signaler une excellente version de « Pour une amourette » par Didier Barbelivien, qui fait oublier celle de Leny Escudero. C’est dire… (sur un CD de reprises des chansons des années 60 par d’autres interprètes. Une sélection du Reader digest, je crois)