L’Arsène et le Bühler
J’avais l’idée de faire un papier sur l’autre, le locataire de l’Élysée, celui avec une rolex (hors de prix) au poignet et une top-modèle (toute aussi hors de prix je suppose) à la main. Précisément sur le nombre de chansons (hors chansonniers) qui le mettent en scène, d’Alexis HK à Mickey 3d, de Jonaz (pas le Michel, non, non, mais un rapeur) à Michel Bühler et plein d’autres. Et pis non, pas envie de chanter le geste de not’président. C’est pas le jour… Ce matin, j’ai rencontré Arsène. Arsène a 85 ans. Il fut facteur toute sa vie. Homme de lettres, ça va de soi. Sa femme est à l’hôpital. Saloperie d’Alzheimer vraiment ! Pour son hospitalisation, Arsène paye 1700 euros par mois. Sa retraite est de 1200 ; entre retraite et complémentaires, sa femme perçoit 500 euros. Que reste-t-il à Arsène pour vivre, pour seulement bouffer ? L’assistante sociale a tenté de la convaincre qu’on pouvait très bien vivre avec 100 euros par mois. Il m’a montré sa feuille de commande de portage de repas. Il a désormais rayé tous les samedis. Et ne mange rien le soir. Combien de temps vont-ils tenir ? Alors, on peut toujours faire des chansons sur Sarko… Car il y a plein d’autres Arsène(s), ces recalculés de l’UMP et des banquiers, de cette société ivre de libéralisme qui a tout oublié du mot « solidarité ». Ça me fait songer à quelques superbes (le mot est ici incongru) chansons du suisse Michel Bühler. Peu de chanteurs ont su comme lui chanter les Arsène, mettre des mots sans trop de mélo sur leurs vies, sur ce qu’il en reste. Peu ont su dire à ce point les ravages de la mondialisation : « La mondialisation la globalisation / V’là qu’on n’entend plus qu’ça dans not’village / Ça d’vait faire débarquer l’bonheur dans nos maisons / Après juste quelques sursauts quelques réglages / Eh ben on n’voit rien v’nir, ‘vec Marcel et Roger / L’un qu’était cadre et l’autre p’tit paysan moyen / Qu’on a restructurés, fusionnés, r’déployés / Et qui se r’trouvent égaux maint’nant qu’ils sont plus rien » (Mondialisation – 2000).
Quand j’écoute Bühler, je songe à l’Arsène…
Lettre à …
Monsieur le roitelet
Je vous fais un courriel
Promis à la poubelle
De votre beau palais
Si j’en crois vos laïus
Vos prièr’s et vos psaumes
Pour sauver le royaume
Il faut travailler plus
Je me suis levé tôt
Plus souvent qu’à mon tour
Mais dans les alentours
On ne vous voit pas trop
L’avenir m’appartient
Me direz-vous sûr’ment
Mais parlons du présent
Si vous le voulez bien
Votre tâche est ardue
Monsieur le roitelet
Mais n’oublions jamais
Que vous l’avez voulue
Vous toujours à l’affiche
Et donneur de leçons
Illustrant le dicton
« On ne prête qu’aux riches »
Si vous avez, c’est vrai
Quelques amis très chers
Veuillez ne pas leur faire
De cadeaux à nos frais
Les miens, ne vous déplaise
Sont des gens respectables
Parfait’ment insolvables
Humainement balèzes
Monsieur le roitelet
On vous a vu souvent
Croiser quelques manants
Aux marches du palais
Avec ou sans papiers
Où sont donc la violence
La peur, la délinquance
Que vous nous dénoncez ?
Nous les voyons surtout
Dans la précarité
Les charters affrétés
La croissance avant tout
Décrété tout là-haut
Loin de nos vies banales
L’intérêt général
Aura toujours bon dos
On n’ va pas se mentir
Monsieur le roitelet
Et sauf votre respect
Je voulais vous le dire
Soyez donc rassuré
N’y ayant jamais cru
Je ne suis pas déçu
Par vos capacités
Enfin soyons bons princes
Vous ne pouvez pas tout
Si l’on vous voit partout
Votre pouvoir est mince
Puisqu’à votre poignet
Le temps c’est de l’argent
Soyez roi fainéant
Et gardez la monnaie
Philippe Thivet