Antraigues 2023. Les Picards, fatalement…
Bousculons toute chronologie, débutons ce jour notre cycle d’articles sur le Festival Jean-Ferrat d’Antraigues-sur-Volane, qui prendra du temps car nous sommes sur beaucoup de terrains à la fois et les articles sur Mozac, Avignon, bientôt Spa et Barjac, sans compter CD en pagaille et nécros (l’été semble particulièrement meurtrier), s’accumulent. Permettez-moi de commencer par ce papier sur les Fatals Picards, qui ne sera cependant jamais aussi louangeur que ceux de l’ami et collègue Vincent Capraro : je dois modestement me faire à cette idée. MK.
Ils ont beau débuter par Le Combat ordinaire (« Moi, je vais piquer une grève / Comme on pique une colère« ), ce concert au pays de Ferrat ne l’est pas, ordinaire. D’abord parce qu’ils semblent sincèrement émus d’être là et que, s’ils vont chanter Ma môme, c’est sans se forcer à respecter le cahier des charges par cette chanson qu’ils connaissent par cœur. D’ailleurs, eux non plus ne jouent pas les starlettes, ne mettent pas des lunettes de soleil et posent peu pour les magazines… Aussi parce qu’ils sont privés d’un de leurs précieux régisseurs son, accidenté de la veille. Pas de machines, d’instruments additionnels, ils vont devoir abdiquer des titres, revoir leur track liste, occasion pour moi de leur suggérer une chanson tirée de leur période Kubrik, Pamplemousse mécanique, dont je ne me lasse pas.
Et puis ce public devant eux : à droite les « debout », plutôt jeunes et larges d’épaule ; à gauche les « assis », aux tempes blanches et cheveux peroxydés. Choisis ton camp, camarade ! Insolite, du jamais vu pour nos quatre compères et complices !
Tout à l’heure, ils sont allés rendre visite au Ferrat, dont la tombe est à deux pas de cette grande place. Une place noire de monde qui déjà trépigne.
Dès le début, ça décibelle de plus belle. Certes, le gros son mord les mots, et si les fans connaissent leur Picard par cœur, le cerveau des autres tente de reconstituer sinon les vers au moins l’idée, l’intention de chaque chanson, l’humanité qui niche dedans, l’humour aussi. Dit ainsi, les clients de chez Audika vont me trouver complaisant…
Je ne connais pas de chanson plus sociale que celle des Fatals qui n’ont de Picards que parce que c’est là qu’ils se fournissement en surgelés. Écoutez La Sécurité de l’emploi ou La Française des jeux, reflets fidèles de notre société : « Alors elle achète des bouts d’rêve avec écrit Française des jeux / Pendant les trois secondes où elle gratte elle tremble un peu / Alors elle claque toutes les allocs dans les billets de Tac’o Tac… » Belles ou tragiques, nos vies sont toutes entières dans les chansons des Fatals.
« Est-ce que je peux aller plus loin qu’Izia ? » s’interroge Paul, le chanteur, tout en considérant que « ça ne doit pas être bien difficile ». C’est vrai que la dénonciation, la provoc’ même, leur est indissociable identité, indiscutable marque de fabrique, tant que Darmanin ne pourra jamais être leur copain. Bon, tout n’est pas forcément politique dans ce répertoire touffu, tout fou, comme cette chanson poilante sur le drapeau breton, qui raille pas qu’un peu les autonomistes.
Et quel plus bel hommage à Ferrat que ce Mon père était tellement de gauche ? Il fallait que cet hymne résonne un jour sur cette place d’Antraigues, elle dont le plus célèbre joueur de boules a jadis chanté Le Bilan… : ce concert d’anthologie était déjà inscrit dans les chromosomes du lieu.
Vient l’immense et incontournable tube de nos Fatals Picards, au refrain si mémorable, si facile : « Bernard Lavilliiiiers ! ». En fait une biographie aussi fidèle que le CV du Stéphanois : désopilante, et c’est un connaisseur qui vous le dit, l’écrit, tout en clignant de l’œil.
Une grande soirée, vraiment, que celle-ci. Tendre, empathique, fiévreuse, rageuse et rock’n’rolleuse. Antraigues y a trouvé chaussure à son pied, y a prit son pied !
Le site des Fatals Picards, c’est ici ; ce que Vincent Capraro NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là.
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