Ramon Pipin : the best, œuf corse !
En décembre dernier, NosEnchanteurs, par le biais de votre serviteur, avait eu l’insigne honneur d’être convié par Ramon Pipin à une séance de travail au studio bruxellois ICP. J’avais ainsi eu la chance de pouvoir assister au mixage final d’une twong (c’est le nom que le facétieux chanteur donne à ses chansons très courtes, mi-tweet, mi-song), appelée à figurer, avec trois autres nouveautés, dans un coffret récapitulatif de ses 50 ans de carrière. Pour (re)lire le compte-rendu épique de cette rencontre, c’est ici.
Quelques mois plus tard débarque l’objet annoncé. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Ramon Pipin nous a gâtés, qu’il s’agisse du contenant ou du contenu. Finement intitulé Best œuf, c’est un incontournable survol de sa riche carrière, que tout amateur éclairé de rock français et de joyeuse déconnade se doit d’absolument posséder dans sa discothèque.
Le format du coffret évoque celui d’une boîte à œufs, of course. D’un bucolisme achevé, tout en herbes ruisselantes de rosée et orné d’une magnifique illustration d’un rare gallinacé à tête pipinesque. A coup sûr mérite-t-il son label AB (Agriculture Biophonique). Pour un peu, on hésiterait à l’ouvrir, tant la perfection de l’objet nous étreint le cœur.
Ce serait toutefois une erreur, puisqu’à l’intérieur se trouve un ticket direct pour le nirvana de la poilade : pas moins de six CD, pour plus de six heures de musique. Pour accompagner cette roborative écoute, deux passionnants livrets explicatifs, dans lesquels notre auteur-compositeur nous fournit les clés de sa création. Chanson après chanson, nous apprenons ainsi mille et une choses, de la source d’inspiration des morceaux à l’influence revendiquée de tel ou tel artiste sur leur confection sonore, en passant par les circonstances de l’enregistrement, le nom des complices du moment, l’éventuel succès obtenu, voire le regret éprouvé devant le résultat obtenu, pas forcément à la hauteur des espérances. Qui aime connaître les dessous des chansons sera à coup sûr aux anges en parcourant ces copieuses notices explicatives, parfois très techniques (Ramon Pipin se souvient avec précision de chaque instrument utilisé), toujours débordantes d’autodérision (il ne manque jamais de se moquer de lui-même et de sa propension à faire des mauvais choix commerciaux). Et si l’artiste fait montre parfois d’une légitime autosatisfaction, il est aussi d’une générosité exemplaire, n’étant jamais en retard pour saluer le talent de ceux qui l’ont entouré.
Quant aux disques, tout y est ! Ou presque. Les CD n° 1 à 3 reprennent dans l’ordre chronologique les grands faits du chanteur. Sont ainsi parcourus les quatre disques d’Odeurs, deux d’Au Bonheur des Dames et ses six albums en solo. L’occasion de réécouter les mythiques Youpi la France, La viande de porc, Je m’aime ou Le cri du kangourou, ou de découvrir certains titres moins connus, comme ce flamboyant et sinatresque Ta robe en taffetas, le martial Nous sommes tous frères ou l’enjoué Bernadette se marie.
Un quatrième CD nous présente un lot de dix-huit inédits (maquettes, chansons écartées, captations live…) qui ravira les fans, tandis que le cinquième opus permet de découvrir un aspect moins connu de l’artiste, puisqu’il nous offre un panorama des musiques de film qu’il a composées (pour Albert Dupontel ou Antoine de Caunes, par ex.). Enfin, sur la sixième galette, intitulée Pondudujour, se trouvent les quatre nouvelles chansons dont il était question au début de cet article. Mention spéciale à la très jolie Histoire d’O, d’une sentimentalité inhabituelle chez l’auteur.
Pointilleux à l’extrême sur la qualité du son, Ramon Pipin a remixé certains de ses titres les plus anciens, allant jusqu’à réenregistrer certaines parties instrumentales ou ajouter de nouvelles interventions. Goûtez ainsi ci-dessous à cette très belle nouvelle version de Que c’est bon, où le chant clair de Clarabelle et les synthés très 80’s se voient rehaussés de cordes chatoyantes. Tout pour (re)faire un succès.
Pour ceux qui ne disposent plus de lecteurs CD et/ou pour les fans insatiables, signalons qu’il est possible également d’acquérir ce Best Œuf sous la forme d’une clé USB. On y retrouve l’intégralité des chansons et musiques du coffret, les livrets en PDF, mais aussi, cerise sur le gâteau, plein de photos et d’images (trois concerts d’Odeurs, un concert d’Au Bonheur des Dames, un concert live du Ramon Pipin Band, son court métrage « Et tu récolteras ce que tu as semé », tous ses clips…).
Ce Best Œuf est certainement la meilleure porte d’entrée qui soit pour découvrir l’œuvre de Ramon Pipin. Son écoute permet de prendre conscience de l’éclectisme dont il a fait preuve toute sa carrière, s’efforçant de varier les styles et genres musicaux pour toujours nous surprendre. Sans jamais lésiner sur la qualité des intervenants et l’excellence des enregistrements. Et si l’humour prédomine dans ses chansons, jamais celui-ci n’est gratuit : toujours le désenchantement ou la critique sociale transparaissent derrière les galéjades qu’il nous offre avec une pudeur qui l’honore.
Selon ses dires, Ramon Pipin a déposé quelque 822 œuvres à la SACEM. Parions pourtant que le fringant septuagénaire en a gardé suffisamment sous la pédale (de guitare) pour compléter son impressionnante collection. Vivement le Best Œuf, volume 2 !
Le site de Ramon Pipin, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là. Le coffret et la clé USB sont en vente exclusivement sur son site.
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