Fredda, une lumière dans le noir
Dans la catégorie des albums portant un titre étrange, Fredda se place en pole position 2023 avec son nouveau disque. Le nom de celui-ci ? Phosphène. Wikipedia nous renseigne illico : un phosphène est un phénomène qui se traduit par la sensation de voir une lumière ou par l’apparition de taches dans le champ visuel, y compris les yeux fermés. Un terme autant médical que chargé de poésie, qui sied bien à l’univers de la chanteuse, fait de fulgurances littéraires et d’éclairs de lumière.
Son Bisolaire de 2020 exprimait la communion de l’artiste avec la nature, la fusion de l’humain dans les éléments. Ce Phosphène nous paraît davantage centré sur ses tourments intérieurs et ses émotions à fleur de peau. Sans pour autant gommer le monde extérieur. Ainsi mêle-t-elle dans Nordique Ophélique la figure romantique de l’Ophélie d’Hamlet, qui ne noie par désespoir, au phénomène de la fonte des glaces. Ou encore, dans le morceau Vent Diable, une tempête destructrice semble-t-elle avoir un effet libérateur sur l’héroïne.
Rien d’explicite toutefois, l’écriture de Fredda étant des plus allusives. Le mystère, l’ellipse et le non-dit fondent son domaine : n’attendez pas d’elle des chansons appuyant lourdement le propos, des développements de thèses ou du message surligné. Bien malin celui qui saisira, par exemple, qu’Aube évoque la mort de Mata-Hari ou que Refuge est un hommage à Mirabaï, poétesse indienne du XVème siècle (je n’ai aucun mérite, c’est dans le dossier de presse !). L’auteure est bien dans la lignée d’un Jean-Louis Murat, cherchant par la force des mots à davantage susciter l’émotion que provoquer la réflexion. La beauté des images (ah, ce Cheveux Serpents empreint de sensualité !), sa voix claire et son chant fluide suffisent d’ailleurs largement à vous emmener ailleurs, sans qu’il soit besoin d’appréhender le sens de la chanson.
Soulignons en outre l’excellence musicale de l’album, qui porte les titres et ravit l’oreille. Un travail soigné, réalisé par son habituel complice Pascal Parisot. De la pop-folk variée et mélodieuse, lumineuse et enlevée. Un flash de rythme dans la grisaille quotidienne. Comme un phosphène, quoi.
Fredda, Phosphène, Microcultures records, 2023. Le site de Fredda, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’elle, c’est là.
En concert le 18 juin à Hambourg en Allemagne et le 23 juin à Paris au Zèbre de Belleville.
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