François Moret, Festin « La disparition »
C’est pas moi
Qui réunirait du monde comme ça
Je n’osais pas
Revenir ici
Mais c’est bien d’être là
Et dans ce beau jardin
Derrière ces grands enfants qui courent
Te voilà
Te revoir
C’est revoir cette autre vie
Qu’on n’oublie pas
Festin
Paroles et Musique François Moret, dit Moref. Extrait de l’album « Certains pourraient disparaître » 2020
Si l’on veut mettre des mots sur cette sorte de poème musical slowcore, c’est une histoire d’accident, d’amnésie où celui qui revient n’est pas reconnu.
Dans une atmosphère oppressante et douce pourtant, ce long morceau de 9 minutes se déploie, entre guitare et voix qui laisse résonner de longs silences chargés de sens, sur cette musique entièrement réalisée par François Moret. Ce son comme une alarme profonde, à peine rythmée, ouvrant sa guitare expressive qui pleure, qui slide, qui résonne avec parfois des accents d’un farwest trop proche, puisque intérieur, laissant se développer des rêves, des souvenirs et des regrets, avant, dans une dernière dissonance, de faire silence. Une plainte obscure, addictive, le dessin d’un paysage autant naturel, du jardin à la montagne, qu’intérieur, un cœur en instance. Un constat sans révolte, comme un bain d’obscure douceur, où la parole se fond en une mélopée chantante.
Nous avions rencontré François Moret en duo avec le batteur JB sur l’album Le fou comme un autre en 2019, d’une surprenante beauté rock, puissante et dérangeante. Avec d’autres musiciens indépendants, il épuise les dimanches soirs brestois noirs et pluvieux en une musique semée de mots choisis en français, lente, sombre, désespérée et pourtant jubilatoire.
Nous le retrouvons ici seul, et pourtant d’une incroyable diversité dans ses voyages musicaux. Dans ce nouvel album L’aménagement du territoire semble répondre à L’attractivité du territoire du précédent, sombre description d’un monde jadis industriel qui s’efface. La guitare presque flamenca met un peu de soleil dans ce lieu, situé près d’un centre commercial et d’une prison, et le titre devient vite enfermement, simple constat de non communication. Des livres des maisons pourrait parler d’un endroit serein mais notre espoir est vite déçu « Désormais tout est absence »… Pourtant on ne peut quitter l’écoute de cette voix douce et grave qui vous conduit, lentement, vers une extase inquiétante, sur fond de musique grinçante…
Chaque titre est comme un film à suspens, ménage ses surprises, ses émotions. De ce vivant souvenir du disparu « Je voulais être grand comme toi », à ce souvenir d’enfance qui pourrait sembler positif « Il y avait de l’amour et partout il y avait des arbres » s’il n’y avait ce « Il n’y eut personne pour nous venir en aide » (La docilité). Ou ce Classe moyenne, plus sociétal, et sa phrase chantée « La vie , ho la vie, tout ça pour ça (… ) Chacun pour soi ». Dans cette observation de lieux, d’humains en instants de vie, tout reste ouvert, chacun y puisera ses propres émotions. On aimerait voir ça sur scène, en performance, avec, pourquoi pas, des images projetées… Pour écouter/acheter l’album, c’est sur bandcamp.
En 2021 c’est avec Guillaume Billy, sous le nom de Hôtel Echo qu’ils produisent un sept titres instrumental, Ronces, qu’une béotienne comme moi qualifierait de bruitiste industriel. L’imaginaire dopé par la « sorcellerie électronique » de Billy.
En 2022 on retrouve chez Offoron Records François Moret avec Jean-Marie Birrien (claviers, voix) et Denis Gueguin (batterie) sous le nom de groupe Dernier qui n’annonce rien de plus gai, dans un six titres en anglais dans la lignée des groupes indépendants américains. La pochette comme le premier titre, Zombie carnavale, donne une idée de l’atmosphère de l’album. L’ensemble est plutôt noise, post punk, et Bristol y est particulièrement évocateur.
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