Jean Louis Bergère, faites que votre cœur soit une cathédrale vive
Il y a tout juste deux ans Jean-Louis Bergère nous quittait, si subitement, si tôt qu’il laissait ses proches, ses nombreux amis artistes, son public fidèle à la beauté tranquille et exigeante qui émanait de ses textes et de ses musiques, dans un état de sidération. Un an plus tard paraissait en mai le plus bel hommage que puissent lui rendre ses amis, un livre d’art collectif à l’initiative de son ami-frère Filip Chrétien, qui en a réalisé la maquette et la mise en page, et de sa compagne Ève Chauveau.
C’est d’abord un très beau livre d’Art, qui se présente comme un album-photos, des portraits noir et blanc, quelques uns en couleur, qui font ressortir la vie intérieure de Jean-Louis Bergère, pour la plupart de Michel Durigneux et de Yannik Lecoq, des photos de concert également, qui montrent sa complicité avec les musiciens et les artistes qui l’accompagnaient.
Il comporte vingt-huit textes, poèmes ou chansons, pour certains manuscrits raturés, ô combien émouvants, qui soufflent une idée du processus de création, des écrits qui montrent son humanité, sa force et sa fragilité, et dont certains nous paraissent maintenant tellement prémonitoires, « Longue longue vie à la vie », L’ange qui passe, ou ce « Remerciez d’avoir existé / Ceux qui nous ont rendu heureux », pour un ami au cœur arrêté.
C’est que cet homme qui chante est aussi un homme qui pense, qui ressent plus encore, son impatience, ses désirs, son inquiétude – Cette question, « C’est éternel » cet espoir, cette Coulée d’or, « Cet éternel » - son empathie, son amour pour son Ève, les enfants, son père. En vers courts, en phrases plus longues, en anaphores, il cisèle ses émotions et ses sentiments, envoie son message lumineux à ses proches et à tous ceux qui veulent bien l’entendre. Il est le fervent colibri, le passeur « Toujours à nos côtés quelqu’un qui respire ».
Nous ne nous connaissions que par les réseaux sociaux, mais par nos échanges j’avais pu apprécier sa modestie, son ouverture à l’autre, ses doutes aussi, et je peux témoigner de « la joie pure », ce sont ses mots, que lui avait apportée la compréhension de son art par François Gorin, le plus aventurier des chroniqueurs de Télérama, à l’affût des talents hors normes (qui préface ce livre), et par plusieurs chroniques dont celles de NosEnchanteurs. C’était lors de la sortie de son dernier album au titre, là encore, prémonitoire, Ce qui demeure.
Mais cet album ne pouvait se faire sans chansons. Ce sont donc ses amis, souvent angevins mais pas que, qui se sont emparés de dix-sept titres pris parmi les quatre albums de Jean-Louis Bergère, ou inédits, les éclairant de leur propre sensibilité. Ainsi Lou, accompagnée par Mahut, a dit Le sommeil des chevaux (2001), imprégné de mystère, l’écrivaine Laurence Werner David a prêté sa voix profonde à Au lit d’herbes rouges (2006), Bertrand Betsch pose une voix légère mais sulfureuse sur Rien ne nous sera épargné (2013). Plusieurs chansons sont extraites du dernier album de 2019, L’homme qui chante par Filip Chrétien et Ève Chauveau, Durness par Michel Boutet et Sylvie Fontaine, Dans le cercle, poème, par Vincent Loiseau, chanteur angevin connu sous le nom d’artiste Kwal, Aurore, par la voix expressive du breton Colin Chloé (né Eric Le Corre), Méjean, par le marseillais Orso Jesenska.
D’autres chansons sont inédites : De l’autre côté, par l’auteur Fred Pellerin du trio musical Memento Mori, avec le violoncelliste Romain Desjonquières et le guitariste Mickael Herguais, Sphinx par Fred Signac …
Le duo Saint-Octobre a mis en musique ambient électro le texte Mère Ourse, qui lui avait été commandé par Jean-Louis pour le livre Demain De Nuits De Jours.
Tandis que des poèmes sont lus par Jean-Michel Piton, pour un extrait de Je ne sais pas, Jean-Luc Fortin (À mon père) ou Denis Péan (Mon imprudence).
La diversité de l’œuvre de Bergère est bien rendue par ces choix, du folk rock à l’ambient, dans l’unité de cette poésie sensible et humaniste.
Gregory Bodenes postface l’album, en soulignant le découvreur qu’était Jean-Louis Bergère. Qui ne peut qu’être « juste ailleurs dans ce monde parallèle fait de ses mots ». C’est bien le message qu’il nous envoie dans ce poème pour un ami tôt disparu : « Où que vous soyez / Je suis près de vous ».
- Catherine Laugier
Le titre de l’article est tiré d’un des poèmes de Jean-Louis Bergère.
Collectif autour de l’œuvre de Jean-Louis Bergère, L’étoile endormie, 2022.
Le compte facebook de Jean-Louis Bergère, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là. Pour se procurer cet album, c’est ici.
« L’homme qui chante » Filip Chrétien & Ève Chauveau
« Au lit d’herbes rouges », Laurence Werner David, chansigné par Enide
« Dans le cercle », Vincent Loiseau
« Mon imprudence », Denis Péan
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