Chants Ouverts 2023 : Gégé dans l’antre de Dudu [2/3]
Saint-Vincent-de-Durfort, 24 & 25 mars 2023,
Nous sommes donc à Saint-Vincent-de-Durfort, lieu improbable où on ne peut pas toujours se croiser sur la route sinueuse qui y mène. Le festival se tient en mairie, comme un élémentaire mais officiel acte républicain. Madame la maire a fait un discours « révolutionnaire » sur cette chanson engagée qu’elle appelle de ses vœux et dans sa commune : Philippe Poutou n’aurait pas dit mieux. A l’étage de la mairie, un singulier locataire : Philippe Duval, dit « Dudu », le « mime Duval », mime-automate qui, avec ou sans son orgue de Barbarie, a sillonné le monde, d’Israël au Japon, du Vietnam en Inde, a même célébré le Bicentenaire de la Révolution française à Houston, au Texas. A Paris, il fut le créateur du bistrot à chansons « Le Limonaire » (eh oui !). Vieux, épuisé, malade, il s’est séparé il y a quelques années de son copain limonaire, cruel crève-cœur. Rencontrer, tutoyer cet homme d’exception ajoute encore à ce festival peu commun.
Les Voisins
Lui, Gérard, est à la guitare ; elle, Céline, à la basse. Bons musicos. Le temps semble s’être arrêté dans leurs chansons où tout s’étire, se prélasse en une grande économie de mots. Des mots dont on peut ne rien comprendre, mais en retenir la force d’évocation. Ça fait un peu collage d’émotions, fils d’idées qui se tissent en de savantes et impressionnistes constructions. Blues-rock un peu façon Bashung dont on comprend vite qu’ils sont émules. Leur musique est un tremplin, leurs mots des escaliers pour grimper, s’envoler, voyager. Les vers inspirent, aspirent, respirent, dans un récital comme suspendu, aux musiques hybrides, sans brides. C’est une des belles surprises que ce « tête-à-tête chaleureux », en ce festival de proximité où on sait que le talent peut être voisin.
Gérard Morel
À un (ou deux) titre près, Morel n’a rien à nous offrir de nouveau mais là n’est pas l’essentiel. Gérard Morel est une drogue (douce ou dure, vous me direz) : s’en priver longtemps est insupportable pour les accros dont j’avoue faire partie. Après bien dix confinements et autant de cataractes, retrouver ce bon gars pas dégueu c’est un peu revivre, retrouver le goût d’un parler dru et cru. Le revoici donc, conforme à l’usage et à l’idée qu’on s’en fait : chemise rouge écarlate (pour un « festival engagé » c’est de rigueur) et bretelles, crâne lisse comme un cul et chapelet de chansons à faire rire, à faire rougir une nonne.
Mais c’est peu pour qualifier Gégé, le Yul Brynner de la chanson. Car il est bien plus que sa svelte silhouette : c’est un regard et des sourires qui causent tout autant, réservoirs à malice. Et la commissure des lèvres prête à tout commettre, tout compromettre pour de bons mots, de jolies fesses et pour les formules de politesse qu’elles inspirent. On peut tout lui pardonner même l’inavouable qu’il ose chanter. Son récital est une leçon de haut vol de diction : ce diable d’homme se permet, plus vite encore qu’un tir de kalachnikov lors d’une symphonie de Wagner, d’audacieuses associations d’habiles sonorités que seul un virtuose sait faire (on aimerait lui envoyer en formation des tonnes de bouffeurs de mots, je ne sais pourquoi je songe à Olivier Véran…). Il pleut des mots, Il pleut des cordes, et Morel nous comble à l’envi.
Viviane Boris
On le sait, Viviane Boris est fine portraitiste. Dans les ondulations de sa voix, il y a les pleins et déliés de vies, parfois à la lisière du fantastique ou, au contraire, d’un réalisme cru témoignant d’une société sans repères. Son fil conducteur ? Une rose rouge qui peut tout autant attester de l’amour que témoigner de sordides crimes. L’art de Viviane est d’une forme très classique sans nullement être poussiéreuse. On y sait et sent l’influence d’Anne Sylvestre, de Rémo Gary (Le Maréchal des sans-logis qu’elle reprend) ou d’Yves Jamait (Je voudrais que tu sois là) : de tels tuteurs attestent du bon goût de l’interprète qui fait siennes les chanson d’amour ou de regret, de partage.
Hélas, par absence de scènes, Viviane manque d’un peu de pratique. C’est dommage, c’est gâcher son potentiel qu’on sait grand. Mais que font donc les organisateurs ?
Le facebook des Voisins, c’est là. Le site de Gérard Morel, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a dit de lui, c’est là. Le site de Viviane Boris, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a dit d’elle, c’est là.
Viviane Boris en concert (extraits) :
Gérard Morel « Les Goûts d’Olga » :
Les Voisins « J’ai vu » :
et pour écouter/commander l’album des Voisins, de 2022 c’est là : ?? Les Voisins sortent le chien | les voisns | duo LES VOISINS (bandcamp.com)
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