Venue de Liz, Lise Prat-Cherhal toute crue
Il a fallu certainement beaucoup de courage à Liz pour devenir Lise, pour affronter Les réalités.
L’artiste a cette capacité de se projeter, de se dissimuler voire de se blottir dans son œuvre quelle qu’elle soit. Certains peuvent pousser l’expérience jusqu’à à la schizophrénie. C’est confortable : on a vu les pires salauds se faire anges dans leurs chansons.
Lise a choisi le chemin inverse. Ecoutez la chanteuse et vous trouverez la femme. Elle a délibérément choisi de ranger, trier, classer… elle a réglé les dossiers, afin de nous faire part de son ressenti de femme authentique, avec ses qualités et ses limites, sans le masque de la peur, sans le fard de la pudeur et avec la poésie des mots simples, des choses qu’on aimerait entendre le jour où ça arrive : « Tout manque de saveur quand tu es loin de moi ».
Lorsqu’elle parle de son amoureux, c’est le vrai, son mari, Morvan Prat-Cherhal. L’un n’a pas pris le nom de l’autre, ils se les partagent, car même les conventions tombent devant la réalité de l’amour.
Et dans la réalité, il ne rime pas nécessairement avec l’éternité : « Quand je pense parfois au jour où ça finira / Lui me dit n’y pense pas et on vit comme ça. »
Elle n’étale pas de futiles états d’âme d’ado modélisée mais au contraire des questions de femme, à l’état brut, nécessaires et actuelles, sans drapeau féministe, sans étiquette facile, sans ostentation provocatrice.
« Merci mon corps pour ce que tu endures encore / Toujours présent malgré le temps passé à t’ignorer. » Quoi de plus authentique que le corps, avec ses plaisirs et ses souffrances. Il est le messager de la réalité de la vie avec ses drames.
Celui de naissance ou de la non-naissance, « Fausse-couche, vrai sang : / Faux parents près du faux cercueil, vrai deuil / Vrai chagrin, c’est la fausse promesse d’une fausse grossesse ».
Celui de la fin, les affres de l’EHPAD, de La maison des morts. Messager encore des douleurs du handicap : « Je parle tout bas pour qu’ils ne comprennent pas / Que je veux plus souffrir, je vais me laisser mourir. »
Le corps traduit aussi les errances d’une société malade avec les comportements machistes d’autorités autoproclamées dont l’hôpital est le creuset : « Violence idéologique, gynécologique / Violence à l’hôpital, violence obstétricale / Sais-tu où tu vas te le mettre ce thermomètre ? »
Plus légèrement, Lise nous livre simplement son occupation actuelle : « Jag lär mig svenska » (J’apprends le suédois).
Toutes ces réalités ont un parfum de vécu, d’un travail de dépouillement pour aller à l’essentiel. Le livret de l’album, « écrit à la main », donne les clés de la vraie vie derrière les chansons.
Un bémol cependant : les arrangements musicaux flirtent parfois avec un relent de disco qui peut plaire au plus grand nombre mais atténuent un peu la force du message.
Quoi qu’il en soit, l’album Les Réalités est original et audacieux dans sa démarche, marquant davantage une issue, plus qu’une rupture, dans la continuité des précédents.
Lise Prat-Cherhal, Les réalités, Kalmia/L’autre distribution, 2023. Le site de Lise Prat-Cherhal, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
« Fausse-couche, vrai sang » :
Message et version trilingue du titre « Jag lär mig svenska » :
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