Le Vent du Nord, bon vent depuis vingt ans
Noces de porcelaine pour Le Vent du Nord, dont deux des membres de la formation d’origine, Nicolas Boulerice et Olivier Demers, sont encore du lot pour notre plus grand bonheur soi-dit en passant. Cette agréable bise ne vous est peut-être pas parvenue : c’est celle d’un groupe de musique trad’ québécois de renom, au grand succès par chez eux, mais pas qu’en ce pays de poudrerie, comme dirait Vigneault : plus de deux mille concerts sur quatre continents, ça vous pose un groupe, ça en fait un agréable ambassadeur de la belle province francophone.
Ils sont cinq : Simon Beaudry (voix, guitare, bouzouki), Nicolas Boulerice (voix, vielle à roue, piano, clochettes), André Brunet (voix, violon, podorythmie), Réjean Brunet (voix, diatonique, basse acoustique, piano, bombarde), Olivier Demers (voix, violon, podorythmie, mandoline, tom basse, bombarde, guitare). La liste de leurs instruments vous donne déjà un peu l’idée de leur musique. Eux la qualifient de « folk progressif », on ne sait pourquoi, tant elle ne diffère pas de l’idée que nous nous faisons du folk, oscillant de The Bothy Band à Mélusine, du trio EDF à Gwendal ou Mes Souliers Sont Rouges : des chansons qui toutes sont prétexte à danser la gigue, la valse ou le reel.
Onzième album pour ce Vent du Nord avec des titres qui, comme de coutume, s’inspirent des chants traditionnels, et les perpétuent comme patrimoine vivant. Du travail soigné, des sujets souvent éternels où toujours se bousculent et chavirent les émotions, joies et peines, espoirs et déconvenues.
Car là encore, les thèmes sont souvent ceux du traditionnel : le jeune soldat qui part pour la guerre laissant sa bien-aimée, des histoires d’infidélité, d’amitié et de partage, de célébration du vin, de libations, de marins (avec Le Navire de Bayonne, chanson de cette Nouvelle France qui remonte au 18e siècle, dont nous connaissons d’autres versions et interprétations que ce soit par Les Charbonniers de l’Enfer, La Nef, Gabriel Yacoub, Jean Riboullault, Luc Arbogast et d’autres : souvent le port de départ varie)… Et cette histoire de bûcherons qui « partent au bois avec des si / revenant à la belle saison, réponses en poche à leurs questions ».
Spécificité québécoise, dans une tradition qui souvent fait large place à la dive bouteille, eux célèbrent aussi le sirop d’érable (l’économie de la province en dépend un peu, que je sache) » : « Siroter le pays, pour se coller à lui / Encabaner l’ennui, à l’eau-de-vie de l’arbre / Encabaner les nuits, dans l’eau-de-vie d’érable ».
Auréolés d’autant de prix prestigieux que le poitrail d’un héros soviétique l’est de médailles, ce quintet mérite plus que l’attention, et la découverte pour qui ne les connaîtrait toujours pas. Nous avons, sur NosEnchanteurs, célébré il y a peu encore Mes Souliers Sont Rouges. Alors que nombre de ceux que nous avons aimés (Djiboudjep, Tri Yann, Malicorne…) se rangent désormais dans nos souvenirs émus, voici des groupes épatants qui nous prouvent avec superbe que la chanson traditionnelle se vit et se conjugue encore au présent, comme des lendemains qui chantent, qui plus est avec un public de toutes générations, ce que la chanson « de caractère » que nous aimons plus particulièrement a du mal à rassembler, à fédérer.
Je vous le dis : laissez-vous fouetter par ce Vent du Nord, cette bise qui est si douce caresse.
Le Vent du Nord, 20 printemps, La Compagnie du Nord [CA] 2022. Le site du Vent du Nord, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit d’eux, c’est là.
Le 30 décembre 2022 au MTelus à Montréal pour La veillée de l’avant-veille
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