Pérennité Dussoleil
Saperlipopette ! Je ne trouve pas la moindre trace de Jean Dussoleil dans le site NosEnchanteurs ! De Clermont-Ferrand à Brest, en passant par les cabarets parisiens, cela fait soixante ans que ce type chante ! Qu’on n’ait pas parlé des Quatre Baladins, son premier groupe qui fit la première partie de Jacques Brel en 1965, je veux bien. Que NosEnchanteurs n’était même pas en gestation quand il a enregistré un 45 tours arrangé par Gabriel Yared en 1974, c’est d’accord. Qu’on n’ait pas relevé que ses textes, selon Bernard Dimey, étaient « d’une grande densité poétique », il est encore temps de le dire. Qu’on ait oublié la BD Des bigorneaux dans la potée dont il a fait les textes et Georgio les dessins, c’est normal, ce n’est pas de la chanson. Pas plus que sa pièce Les fantômes de la gloire, c’est logique c’est du théâtre.
En fait si nous n’avons pas évoqué Jean Dussoleil sur vos écrans, c’est qu’il est insaisissable. Auvergnat immigré en Bretagne, il chante, mais aussi il écrit, il fait du cirque, il voyage, il raconte, il organise, il anime et s’il n’avait eu la sagesse de se produire au Mac Orlan, à Brest et d’y enregistrer un DVD, on aurait pu croire qu’il s’était dissout dans les textes ou dans la musique.
Il enregistre pourtant deux CD hors commerce en 2015, un best-of : Panorama et C’est votre France mais pas la nôtre qui s’adresse « A vous tous les rongeurs d’espoir / Les brocanteurs de nos acquis / Les magouilleurs des marchés noirs / Des mises à mort des mises à prix… »
Ce n’est pas tout, il raconte son parcours artistique avec truculence, modestement, comme si tout cela n’était qu’une plaisanterie, dans Saltimbanque : une sacrée belle vie, un livre de belle facture, abondamment illustré, avec les textes de soixante-seize morceaux choisis dans son oeuvre et un CD-MP3 de soixante-douze chansons plus quatre chantées en anglais par Olga Bystram. Deux mois et demi de découvertes si vous écoutez une chanson par jour, attentivement, avec le texte sous les yeux si vous voulez mais ce n’est pas indispensable, Jean Dussoleil a une diction parfaite.
Ses chansons sont travaillées avec une fausse simplicité, marquées par l’élégance du style et du choix des mots justes. Il parle de chevaux, de bateaux, d’enfants, d’amour, de vent, de peintres ; il parle de la vie, comme parlait Caussimon, avec des enchantements candides et des colères lucides.
Ses textes ont un rythme, une musique intérieure enrichie par des mélodies variées et des arrangements adaptés, pertinents, sans grandiloquence et sans complaisance, réalisés le plus souvent par Jacky Arconte qui a aussi composé quelques-unes des chansons.
Marc Robine écrivait dans Chorus, à propos de Déchirure en 1985 : « Rare, de nos jours, un disque où il n’y a pas de déchet, ou si peu. » Depuis, Jean Dussoleil a eu la sagesse de ne garder que l’excellence dans ce livre-disque.
Quant au DVD au Mac Orlan, avec huit musiciens, dont Jacky Arconte et Patrick Audoin aux guitares, c’est une sorte de dégustation, un avant-goût de l’œuvre poétique et musicale de Jean Dussoleil, un instantané de quatre-vingt minutes où l’on oublie les imperfections de l’enregistrement en public, où l’artiste marque sa présence avec élégance et sobriété, laissant les premiers rôles aux paroles et à la musique.
On y voit Jango réaliser un numéro de magie sur Cirque d’hier où « Le clown triste effaçait sa larme à contre-cœur / Et partait tranquill’ment boire un dernier café ». Olga Bystram, la blues-woman brestoise apparait au final d’Un bateau qui s’en va. Déjà on attend le retour…
Et on en parle !
Jean Dussoleil, Saltimbanque : une sacrée belle vie, 140 pages + 1 CD-ROM MP3, préface de Jacques Mailhot, couverture de Fañch Moal, 2019, autoédité, 27 €.
Le DVD : Saltimbanque, 21 titres, Les Fous de la Rampe, 2022.
On peut se les procurer aux Editions ACVAM, 79 avenue Léo Blum, 63910 Vertaizon / contact@editions-acvam.fr ou sur le site de Jean Dussoleil.
Commentaires récents