Richard Gotainer : « Je ne chante pas, je raconte »
Namur, La Nef, 8 septembre 2022,
On ne l’espérait plus ! Plus de dix ans se sont écoulés depuis sa précédente tournée, Comme à la maison. Dix longues années. Et voici qu’enfin nous revient l’occasion d’applaudir Richard Gotainer. Tout vient à point…
C’est peu dire d’ailleurs qu’il était attendu, puisque c’est devant une salle comble que le créateur de Primitif s’est produit à deux reprises dans ce lieu insolite qu’est La Nef, à Namur (une église désacralisée). De bon augure pour notre vedette, qui s’apprête à coloniser le théâtre parisien du Lucernaire pour trois mois entiers. Et un beau pied de nez à ceux qui le considèrent comme un chanteur du passé, pour ne pas dire ringard.
La forme s’avère en outre totalement inédite. Dans ce spectacle intitulé Gotainer ramène sa phrase, l’artiste a décidé en effet de nous raconter ses chansons, pas de nous les chanter. Que les amoureux de ses mélodies imparables se le tiennent pour dit : la star du jour sera le verbe, et non la note !
Pas de chanson ne signifie toutefois pas absence de musique. Un comparse guitariste, le brillant Brice Delage, accompagne en effet notre diseur, ponctuant les textes d’interventions en tous genres, bruitages et autres intros musicales (ah le Mambo du décalco, ah le Sampa…), prenant aussi sa part de comédie pour certains morceaux. Un duo des plus efficaces, tant dans la drôlerie que dans l’émotion.
Entendre les paroles des chansons de Gotainer dans un tel dépouillement permet d’en savourer les subtilités et de (re)découvrir les mille et une facettes de son écriture rigoureuse. Les afficionados de son œuvre n’en sont évidemment pas surpris, eux qui savent depuis longtemps combien il est un auteur majeur de la chanson française. Ceux qui n’en connaissent que les tubes populaires découvrent avec étonnement que l’amuseur cache également dans sa besace des chansons pas forcément drôles (Rupture de stock), souvent teintées de tendresse (Ô vous), amples et ambitieuses (la saga des Quatre saisons)… Des textes écrits au cordeau, sans aucun mot de trop, au vocabulaire recherché, bourrés d’images poétiques et de trouvailles stylistiques, mêlant le langage précieux et le populaire sans une once de vulgarité. Qu’on se le dise : à la Maison Gotainer, on se remémore le joufflu de ses amoureuses, on secourt les belles en détresse en étant nul en baratin mais fort en parapluie, on part faire des tours de bottes en caoutchouc, on claudique et on boîte par amour du guingois…
Fort d’une vingtaine de morceaux, le spectacle parcourt la longue discographie de l’artiste, du Moustique de ses débuts au Saperlipopette de 2018. Et si on le savait délectable comédien depuis sa pièce La goutte au pépère, on en a ici une magnifique confirmation. Avec une mention spéciale pour son irrésistible version de Femme à lunettes et son hilarant Youki, où Brice Delage a l’occasion de faire jeu égal dans la folie débridée.
A 74 ans, Gotainer reste ce Tout foufou qui l’a fait connaître. Un fantaisiste de première classe. Un moraliste rigolo. Un poète jongleur de mots. Un sonneur de vers. En un mot comme en cent : un tout grand de la chanson française ! Courez l’applaudir si vous en avez l’occasion, émerveillement et rires garantis.
Le facebook de Richard Gotainer, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, c’est là.
A noter : Gotainer ramène sa phrase au Lucernaire du 30 septembre au 31 décembre.
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