Bertrand Belin, le pouvoir des mots, l’élégance des pulsations
Dans la catégorie des chics types je retiendrais Bertrand Belin. Invité dans nombre de médias pour défendre son septième album studio, « Tambour Vision » (label Cinq 7), il se distingue des bavardages habituels pour nous faire entrer d’une voix grave dans son univers singulier. Guitariste autodidacte, accompagnateur sur scène, écrivain reconnu, comédien (notamment en 2021 dans le film Tralala d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu), le Breton originaire de Quiberon se distingue désormais par ses chansons un brin elliptiques qui résistent aux lieux communs. Depuis 2005 et le début de son parcours de chanteur Bertrand Belin invite à l’écoute d’un monde intérieur saisi plus qu’il n’y parait par l’air du temps. Souvent comparé à Bashung, et reconnaissant l’influence d’un Hubert-Félix Thiéfaine, le voilà entré dans la catégorie des auteurs codés à la première écoute. Quitte à perdre en cours de route les auditeurs trop pressés.
Le nouvel album s’inscrit bien dans cette lignée d’héritiers des surréalistes tentés par le rythme des guitares et des percussions. L’image de la pochette montre Bertrand Belin au bord du vide mais élégant. Avant la décision à venir face au danger. « Seras-tu jamais / Lavé de tes doutes ? » s’interroge le cinquantenaire. Pour mener ses questions face à l’existence, Bertrand Belin, amateur de dictionnaires, pioche dans les mots : comme on construit un puzzle de sentiments et de réflexions. Comme dans le titre « Tambour » où le chanteur se demande quelle (bonne) direction prendre, en suivant les battements de l’instrument propre aux annonces dans les places et dans les rues. Loin des allures martiales. « Tambour / Es-tu le bon tambour / …Tu veux ma haine / Ou veux-tu mon amour ? », telle est sa question. Au fil des chansons l’auteur évoque défilés, carnavals, processions et marches. Comme pour nous faire entrer dans la danse des mots, des corps, des sons. La guitare familière est moins présente que les synthétiseurs (lui-même adopte le souffle du Mellotron cher aux années soixante-soixante-dix) avec l’aide de son complice Thibault Frisoni. Pour les spécialistes Bertrand Belin indique pour cet album l’influence musicale des années soixante-dix, côté New-York, avec Alan Vega, les Talkings Heads, Alex Cameron ou Art Feynman.
Quelques chansons affichent les obsessions de l’artiste. Comme ce National, écrit avant la séquence présidentielle et déclinant le mot en diverses associations. Comme on malaxe la matière à penser. « National / Autour du soleil / C’est la vie du monde des pays / c’est la vie du monde / Autour du soleil ». Et voilà que le ton tranche avec Que dalle tout. Avec cette attaque, en forme de généalogie : « Je viens d’une lignée d’ivrognes / Trouble-fêtes / Gâcheurs de noces / Épouvantails d’abribus / Maîtres de chiens / Desquels j’ai hérité / De tout et de rien ». Sans fioritures, l’amateur d’écriture affiche ses vulnérabilités sur fond de sons synthétiques. Quelques fantômes ressurgissent dans le paysage. Au terme du voyage le « Doutiste » comme il se présente lui-même s’est forgé quelques assurances, celles de résister, et nous invite à un pas de danse, à faire ensemble. « Allons au jardin public / main dans la main / Cueillir la marguerite / Qui nous revient ». Dans cet Eden, ce paradis terrestre, imaginé par tant d’ artistes.
Bertrand Belin, « Tambour vision » (Label Cinq/7). Le site de Bertand Belin, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là.
Concert triple affiche Bertrand Belin, November Ultra et Ibeyi, en public et en direct du studio 104 mardi 24 mai 2022, à 21h .
Un concert à suivre aussi en direct et vidéo sur la chaine Youtube de France Inter.
En tournée partout dès novembre 2022, le 9 décembre 2022 à Paris à la Salle Pleyel (complet) et le 30 mars 2023 à l’Olympia, toutes dates sur son site.
Que dalle tout
« Tambour vision » extraits album (Éclats choisis façon bande-annonce, nous dit-il)
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