Jérémie et Benjamin Bossone, un Ricard au 51
26 mars 2022, duo électrique au 51 à Pertuis,
UN NOUVEAU LIEU
Cela faisait un moment que je m’étais promis d’aller visiter ce lieu de proximité chez l’habitant au Nord d’Aix-en-Provence, le 51 à Pertuis, dont on me disait tant de bien. Mais il y avait toujours un autre concert plus près, et puis pensez, aller dans le Vaucluse. Bon, en fait, ce n’était pas bien loin, et les frères Bossone étaient au rendez-vous…
Il était une fois une passionnée d’arts vivants, Evelyne Clément, dont l’ enfance s’est déroulée en banlieue « rouge » parisienne, celle où l’éducation populaire passait par la danse, le théâtre et le chant. Après ses études de Lettres, elle pratique le Théâtre à l’AJT (Action Pour le Jeune Théâtre), troupe engagée et militante dans la même mouvance que le Théâtre du soleil, et découvre Avignon et le Sud. Après un carrière de chanteuse interprète dans les années 80, tendance chanson à texte, poésie, variété (Brel, Barbara, Catherine Ribeiro, Francesca Solleville, Anne Sylvestre, Hélène Martin, Cora Vaucaire, Nicole Croisille…), en collaboration avec de grands musiciens autour de l’auditorium du Thor ou de l’Opéra d’Avignon, elle devient en 1997 Conseillère pédagogique musicale. Dès 2002 elle crée le Jeune Chœur de Lozère à Mende, d’autres pour adultes, s’implique dans des actions-danse et un festival itinérant de littérature jeunesse, des projets musicaux pour enfants avec des rencontres de chanteurs,tout en obtenant un Master 2 de « médiations culturelles et communication, option Arts du spectacle vivant » à l’Université de Clermont-Ferrand, et participe aux Chantiers des Francos à la Rochelle.
C’est en 2018 qu’elle s’installe à Pertuis avec son conjoint dans une maison conçue pour son projet de création d’un petit lieu de diffusion culturelle de chanson de caractère. Le but est de créer une rencontre conviviale, intime entre les artistes, jeunes ou expérimentés, et un public curieux, d’effacer la limite scène-salle.
L’expérience débute avec Manu Galure en juin 2019, amené par Bruno Durruty dans le cadre des Chant’appartements de la MJC de Venelles. 2019/2020 commence bien avec Philippe Forcioli, Garance ( avec la MJC de Venelles), Natasha Bezriche, Odalva le 7 mars, et… confinement. Le temps disponible sera utilisé pour transformer le salon de la maison en salle de spectacle en L, plus confortable que la première salle prévue. Ce n’est que plus d’un an après, en mai 2021, que vient Pascal Mary, puis Joce. Enfin cette dernière saison 2021/2022 accueille sans trop d’interruption Céline Faucher, Éric Frasiak, Hélène Piris (MJC Venelles), Véronique Pestel, Alcaz…
UN DUO ÉLECTRISANT
Et donc, les frères Bossone. Une première pour moi, qui avais vu Jérémie en solo et en acoustique il y a deux ans. Autant Jérémie est en mouvement, alternant guitare acoustique tatouée, et Fendex électrique, parlant et plaisantant entre les chansons, tendu comme une corde, bondissant comme un danseur (même dans ce petit espace), le visage aussi mobile que le corps, autant Benjamin semble calme, tout en force tranquille debout derrière ses machines, s’inclinant parfois au ras du clavier, en intense complicité avec son frère. Une petite salle bien remplie que nombre de spectateurs découvraient en même temps qu’ils rencontraient les frères Bossone. C’est vous dire combien ils ont été happés, séduits, coopératifs dans cette Mélancollective, sidérés, « incroyablement sages entre les morceaux » par ce spectacle où les artistes se donnent totalement, dans un vent de créativité débridée. Ce n’est pas un spectacle de sortie ni de rodage d’album auquel nous avons assisté, mais une synthèse d’un artiste et d’une œuvre, même d’un œuvre si vous saisissez la nuance, tout au long d’un répertoire éclectique.
Depuis les titres phares présents dès les débuts sur scène de Bossone, Rien à dire, qui ouvre souvent les concerts, propos tellement démentis par la suite, avec ces chansons fleuves qui sont autant de récits cinématographiques, riches d’émotions et de poésie hors temps, puisant l’humanité dans les siècles des siècles dans un lyrisme très actuel. Tel ce récit incroyable où se croisent artiste maudit « ah, ce poète », alcoolisé, sur le fil de sa vie « et sa mère tremble à cause de lui », et Scarlett la serveuse au grand cœur qui rêve « En espérant qu’il l’emmènera, ce soir, peut-être ». Histoire qu’il décline à l’infini, dans ce Spirale, que je vois enfin en concert, épopée tragique qui tient des opéras des siècles passés, ou des chansons réalistes où la misère emporte toujours les héros idéalistes. Huit minutes qui, sauf votre respect, laissent sur le cul les spectateurs : « Oh la la… ». Ou dans l’Empire, chanté en rappel, qui fait beaucoup rire, alors que son héros déchu, sur la guitare qui déraille, noie sa souffrance dans l’alcool « Un Ricard ! » « Viens danser, viens danser… T’es un ange, Mademoiselle ». Sublime tant par le fond que par le rock explosif qui le termine en apothéose.
L’amour qui sauve le monde, celui de cette pétulante Patricia. La nostalgie de l’enfance, tendre et rageuse mélancolie des Playmobil qu’il faut abandonner, souvenir du Cotton Candy, comprenez la barbe à papa, fantasmes d’amours de gosses, fugace réminiscence du parapluie de Brassens – chansons toutes deux sauvées d’un mixtapes. L’amour aussi qui s’en va, laissant un cœur sous la neige d’un Décembre italien, de la Toscane à Pompéi. La vie, jusqu’à La Tombe, son chef d’œuvre s’il en fut, qu’il offre désormais sans se faire prier.
La rage contre ceux qui nous exploitent, avec ce Pirate qui pointe tous les « petits rois fiers comme des coqs », toutes les injustices, tous les gâchis. Révolte sociale à laquelle Bossone ne nous avait pas habitués « Au bal de ces connards, je plante un drapeau noir ». Et la tendresse, dans la douceur de cette romance nostalgique en vieux napolitain, Paese Mio, où la guitare acoustique sonne comme une mandoline.
Un roman épique dont le public a pu feuilleter les images, les lire même : Crimson Glory nous attendait à la sortie autour de collations partagées, au milieu de ces albums mêlant rock, rap et poésie. Ni renoncer, ni choisir, vivre ses rêves.
Le site de Jérémie Bossone, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là. Le site du 51 à Pertuis, c’est ici.
Prochain concert le 17 avril 2022 au Festival Chantons sous les toits à Albi chez l’habitant et le 22 avril à Chateaudin (solos acoustique), le 23 à Thouare sur Loire (Duo électrique). Autres dates ici.
Concerts à venir au 51 : Natasha Bezriche et Sébastien Jaudon, « C’est une fille », le 23 avril. Puis Gwen Soli et Monsieur G, et Jourdàa.
L’ambiance (côté tendresse) de ce concert est tout à fait similaire à celle des Concerts d’Imma Rose, à Paris en novembre 2021
« Cotton Candy »
Écouter aussi :
« L’empire », Le sentier des halles Paris 2012
« Mélancollective », hommage à Barbara Weldens avec les artistes du festival de Gourdon 2019 ©Alain Withier
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