Eddy Mitchell, inaltérable chanson
Quand même : trente-neuvième album studio à son actif pour un Schmoll qui, au rythme où vont les choses, ne saura définitivement rien de la retraite, même s’il a eu la sagesse de suivre les conseil avisés et d’en conséquence renoncer à se produire en scène. Ce luxueux album aux si belles photos nous donne une fois de plus envie de lui et nous console.
C’est peu dire si l’Eddy, quatre-vingts ans aux prochaines myrtilles, a bien géré sa carrière. Tant qu’il ne sera jamais l’Icône oubliée qu’il chante : « Le public a changé, ne vient plus / Les rappels sont loin, sans issue / Elle se sent vraiment perdue / L’icône oubliée. »
Pas plus que celui à qui il rend hommage à l’entame de ce disque, « idole, icône, aimé, adulé ». Je laisse les commentaires à plus Closer et Voici que moi, surtout quand il s’agit de relever ce « être adoré, parfois se tromper / découvrir qu’la trahison commence par l’amour… ». Laeticia sans doute m’expliquera…
Le titre de l’album ferait passer cet opus pour « country rock » mais, vu l’âge du capitaine, c’est bien plus « crooner » qui convient, qui plus est délicieusement nonchalant, posture qui est la sienne depuis quelques albums.
L’horloge va son imperturbable rythme, le temps qui passe (dans le dernier titre, Ne parle pas de moi, il y chante prudemment « faut faire l’impasse sur le temps qui passe ») et l’issue qu’on connaît, sont bien présents en ces sillons, notamment dans Roulette russe, qui liste les façons de partir (sans égaler, et de loin, ni dans la forme ni dans l’esprit, Les 100 000 façons de tuer un homme de Félix Leclerc).
À prendre les textes un par un, on ne trouvera pas forcément de pépite. Tout est même assez convenu : le vie, la mort, l’idole adulée, l’idole déchue, le besoin et les douleurs de l’amour, l’ascenseur social bloqué tagué, l’identification aux autres (« C’est comme ça / Je suis comme toi / Comme toi »), le hasard du mariage entre l’enfer et le 7e ciel (une adaptation du fameux You never can tell de Chuck Berry, un qu’il aime depuis toujours !), rien n’est original sous le ciel de la chanson. Mais, que voulez-vous, c’est Eddy, qui par son art et sa manière transforme même le banal en produit de luxe. Qui de sa voix inchangée transforme n’importe quel texte en solide et inaltérable chanson. Si les sujets sont parfois graves, c’est d’une écriture et d’une interprétation détachée (son Garde tes nerfs, mis en musique par Calogéro, est fort bien mené, tant qu’on aurait aimé qu’il la fasse vivre sur scène).
C’est un album comme les autres, pas vraiment country, pas vraiment rock, toujours très largement musiqué par le complice Papadiamandis, joué par la crème des musicos outre-atlantique, qui montre que notre octogénaire a gardé la forme, qu’il pète la santé. Monsieur Eddy peut en montrer encore à beaucoup de monde.
Eddy Mitchell, Country Rock, Polydor/Universal 2021. Le site d’Eddy Mitchell, c’est ici ; ce que NosEnchanteurs a déjà dit de lui, c’est là.
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