Georges Chelon, hier, aujourd’hui, demain
Sauvé dans Catherine Laugier, L'Équipe, Lancer de disque
Tags: Barbara, Francis Lemarque, Georges Brassens, Georges Chelon, Gilbert Bécaud, Jacques Brel, Jacques Prévert, Jean Ferrat, Nouvelles
À 79 ans (bon anniversaire Monsieur Chelon, né un 4 janvier 1943) certes Georges Chelon n’a plus rien à prouver. Quoique les médias et le grand public puissent en penser, il n’a jamais cessé de chanter depuis ces années 60 où il connut le succès populaire dès le premier album, Père prodigue, puis Sampa en 68. S’il a cessé de figurer au hit-parade en luttant contre la vague Yéyé, il nous a gratifiés de près de quarante albums studio, pratiquement un par an depuis 1990. De la chanson sensible, poétique, écrite le plus souvent par lui, s’offrant aussi l’enregistrement de l’Intégralité des Fleurs du mal de Baudelaire, un album des chansons de Brassens, et surprise pour ce garçon Trop poli qui nous a offert en 2019 Essayez Dieu, un disque de chansons polis-sonnes, Chansons à part en 2003. Aventures qu’il renouvelle en 2012 avec Chansons libertines, quelques textes anciens mis par ses soins en musique, et beaucoup de chansons totalement de lui-même. Au sein de ce nouvel album se niche d’ailleurs une petite perle égrillarde, Paulette et toutes ses petites co-pines et ses com-pagnons à la grivoiserie délicate.
La rencontre, contrairement à la précédente pochette, dont l’esthétique style réunion de famille était discutable, présente bien. C’est un digipack dont la police de son nom reprend celle de son premier album en 1965, mais en inversant les couleurs, devenues oranges alors que les titres initialement imprimés en orange passent au blanc, sur une photo d’époque où le jeune homme romantique de 22 ans nous regarde avec une attention douce mais teintée de défi.
Mais c’est bien douze nouvelles chansons qu’il nous offre, dont deux d’un autre Georges dont on fête le centième anniversaire de la naissance et qu’il a mises en musique. On ne s’étonnera pas que l’une d’elles critique la Jamais contente « L’est emmerdante », même s’il conclut « La vie sans elle serait cent fois / Plus emmerdante ». À écouter certaines autres chansons d’amour, telles cette tanguante Restons en là, on peut penser que Georges C partage certains avis de Georges B ! Car contrairement à beaucoup de chanteurs qui ont passé septante ans, Chelon nous (en)chante surtout d’amour. « Au bout du compte / Sans la rencontre / la vie c’est tout sauf la vie ». Plus on avance dans l’album, plus la voix de Georges Chelon se fait claire, comme si chanter une aventure de quarante ans de vie (Quand on s’est rencontrés) le faisait rajeunir, et les chansons les plus intimes laissent tomber clavier et instruments à vent pour ne faire sonner que les cordes de guitare.
Chelon a mis en musique gaillardement ce texte flamboyant de l’écrivain-poète Maurice Cury, Le royaume « La musique creuse des orgues dans les reins ». Et l’on retrouve la belle vibration que l’on aime chez lui dans son interprétation du texte de Frédéric Zeitoun qui cherche avec des mots simples et justes « Quel est le sens de tout ça » dans une actualité chaotique. Et puis c’est cette magnifique chanson, sommet de l’album pour moi, digne des plus grands poètes du moyen-âge, Abime. Les notes y rejoignent les mots tragiques et révoltés des angoisses humaines. « C’est un secret qui doit rester / Caché dans la mémoire de l’homme / Au fond de la gorge, étranglé ». C’est avec une sensible sincérité et beaucoup d’humilité et d’auto-dérision qu’il nous conte sa vie, entre émotion et humour. Et s’il reprend avec tant de justesse Brassens, qui s’adresse directement à La camarde « Je sais que mon cercueil / N’est déjà plus un arbre », lui-même évoque le sujet avec plus de distance : « On est en sursis, sur la corde raide ».
Les « bonus bonus bonus » placés sur le même support reprennent un florilège de chansons du répertoire, de 2002 à 2010, dans un magnifique choix de sept titres de Barbara à Brel, en passant par Bécaud, Ferrat, Lemarque, et six chansons sur des poésies de Prévert. Qu’elles soient ultra-connues ou plus rares, les interprétations en sont toujours vibrantes et chaleureuses, très personnelles dans leur naturel. Un vrai cadeau que cet album double en un.
Georges Chelon, La rencontre, EPM MCA Universal, 2021. Le site de Georges Chelon, c’est ici. Ce que NosEnchanteurs en a déjà dit, là. Georges Chelon sera en concert le 12 et 13 mars 2022 à Temploux en Belgique
« Abime » (Salle Marc Jacquet à Barbizon)
« Le sens de tout ça », audio
« De l’autre côté de la rivière », Bécaud, audio
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